Intervention de Jean-François Voguet

Réunion du 8 janvier 2009 à 10h45
Communication audiovisuelle nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public — Article unique

Photo de Jean-François VoguetJean-François Voguet :

On ne sait toujours pas si la révision constitutionnelle, arrachée d’extrême justesse l’été dernier à un Parlement pour le moins dubitatif, trouvera dans les mois qui viennent sa pleine application. Le présent projet de loi organique permettra en tout cas de mettre en œuvre une partie de ses dispositions.

Ce lapidaire article unique a en effet pour objet de faire expressément figurer, parmi les emplois publics concernés par la procédure visée à l’article 13 de la Constitution, à savoir la nomination par le Président de la République après simple avis des commissions parlementaires compétentes, celui de président de France Télévisions.

Nous passons donc d’une nomination effectuée par l’autorité administrative indépendante jusqu’ici compétente, le CSA, à une nomination directement politique, assumée par l’exécutif.

Il est évident que, contrairement à ce que prétendent certains, le présent article ne règle en rien la question de l’indépendance des personnes susceptibles d’être investies des fonctions concernées. Il est tout aussi évident que les droits du Parlement n’ont aucunement été renforcés par l’adoption de la révision constitutionnelle.

S’il fallait trancher cette question, il suffirait de rappeler que les deux tiers des membres du CSA, jusqu’ici investi de la mission de choisir le PDG de France Télévisions, sont désignés par les présidents des deux assemblées parlementaires, tandis que, à l’avenir, la commission des affaires culturelles au Sénat et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à l’Assemblée nationale se borneront à émettre un avis, qui ne sera pas nécessairement suivi, sur la proposition formulée par le seul Président de la République.

Cela nous rappelle le temps, qui n’est finalement pas si ancien, où le pouvoir politique en place pesait de tout son poids sur le service public de la télévision pour donner le « la ».

Je veux parler, mes chers collègues, de ce temps où Christian Fouchet, brièvement ministre délégué chargé de l’information durant l’automne 1962, s’invitait sur le plateau du journal télévisé de Léon Zitrone pour en présenter la nouvelle formule, ou encore de celui où Philippe Malaud, ministre de l’information qui devait préparer l’éclatement de l’ORTF en 1974-1975, se plaignait auprès d’Arthur Conte, ancien député gaulliste et président de l’Office, que l’on entendait trop souvent L’Internationale dans les feuilletons télévisés, notamment dans Le Pain noir, œuvre remarquable de Serge Moati !

Je pourrais également évoquer, à cet égard, le printemps 1968, quand un nombre important de journalistes, d’animateurs et de créateurs de télévision furent placés sur une liste noire ou purement et simplement licenciés, au seul motif qu’ils n’avaient pas été aussi serviles qu’ils auraient dû l’être lors du mouvement social qui s’est déroulé à cette époque.

Comment d’ailleurs interpréter comme une avancée pour les droits du Parlement le dispositif d’un article unique qui n’a même pas la portée que pouvait avoir l’antique statut de l’ORTF ? Rappelons d’ailleurs à ceux qui s’étonneraient de cette référence que l’Office créé par la loi de 1964 était doté d’un conseil d’administration comportant autant de représentants de l’État que de représentants de la société civile.

À voir la composition actuelle du conseil d’administration de France Télévisions, dont une large majorité est disposée à prendre en compte, par ses décisions, la moindre injonction présidentielle, avec la seule opposition des représentants du personnel, on n’est pas certain que le moindre progrès soit intervenu en la matière !

Cet article unique nous apparaît comme une véritable mise sous tutelle élyséenne de l’audiovisuel public, l’avis parlementaire s’apparentant à une simple aide à la décision, sans portée aucune. Tout se passera comme si la nomination du futur président de France Télévisions était le fait d’un roi qui, après avoir pris conseil de quelques ministres avisés, choisirait son fou, chargé de le distraire et de l’instruire en assurant par ailleurs l’édification de la masse de ses sujets…

Or une telle nomination ne saurait être réduite au fait du prince ! Je rappellerai que la loi de juin 1964 créant l’ORTF et celle d’août 1974 organisant sa dissolution, textes qui étaient tout de même assez éloignés d’une conception pluraliste de la télévision et de la radio, disposaient pourtant que le président de l’Office, pour la première, et ceux des sociétés de programme, pour la seconde, seraient nommés par le conseil des ministres, et non par le seul Président de la République. En outre, la pluralité des administrateurs de ces organismes pouvait constituer un utile contrepoids à la prédominance du pouvoir exécutif dans cette affaire.

Aux termes du présent projet de loi organique, le président de France Télévisions sera donc, en quelque sorte, organiquement lié à celui qui l’aura nommé.

Or la République, c’est la « chose publique » ; la télévision publique en fait partie et ne peut, par conséquent, être ainsi traitée. C’est pourquoi nous rejetons fermement et sans appel cet article unique du projet de loi organique.

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