Intervention de David Assouline

Réunion du 8 janvier 2009 à 10h45
Communication audiovisuelle nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public — Article unique

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

L’examen de l’article unique du projet de loi organique sera sans doute bref, pourtant il va donner le ton à notre discussion et nous amener à mettre en évidence ce qui ne va pas.

Nous allons voir que la fragilisation de l’indépendance financière de l’audiovisuel public va porter atteinte à l’indépendance de ce dernier à l’égard du pouvoir politique.

À aucun moment, lorsque le Président de la République a annoncé, voilà un an, la fin de la publicité sur les chaînes de télévision publiques – quoi que l’on pense d’une telle mesure, qui a même pu être présentée, au sein de la majorité, comme une idée de gauche – ou au cours des travaux, qui ont duré plusieurs mois, de la commission Copé, n’a été évoqué le fait que le Président de la République nommerait le président de France Télévisions. Cela s’appelle charger la barque !

Madame la ministre, vous nous renvoyez aux merveilleux travaux de la commission Copé, mais celle-ci a indiqué, à propos de la gouvernance, que le projet de loi devrait absolument prévoir un mode de désignation du président de France Télévisions garantissant son autonomie de gestion. La commission Copé avait bien perçu que l’ancien système était certes quelque peu hypocrite, mais elle invitait à réfléchir à la manière de le réformer dans un sens plus démocratique.

Cela étant, comme tout le monde ici vous l’a dit, l’hypocrisie était relative, car ce n’est pas la même chose que le CSA s’efforce de ne pas procéder à une désignation qui heurterait l’exécutif ou que le Président de la République choisisse lui-même le patron de la télévision publique. En effet, dans le second cas, le cordon ombilical avec l’exécutif n’est pas tranché.

On semble parfois s’étonner que nous socialistes ne voulions pas que la puissance publique ait la haute main sur la désignation du président de la télévision publique alors que cette dernière vivra désormais essentiellement de l’argent public. Mais c’est faire mine d’oublier qu’il s’agit en l’occurrence d’un média représentant 35 % de l’audience et au travers duquel nos compatriotes accèdent à la culture, à l’art, à l’information, au débat citoyen et politique, mûrissant ainsi les choix qu’ils feront lors des élections : tout passe par lui ! Vous savez bien qu’il n’occupe plus la même place dans la vie des Français qu’il y a trente ou quarante ans. Il exerce une influence majeure qui rythme toute la vie de nos concitoyens.

Par conséquent, distendre autant que faire se peut, de façon symbolique mais aussi effective, le lien entre l’exécutif et les présidents de l’audiovisuel public répond à une exigence démocratique. Pour cela, nous devrions tout de même être capables, de loin en loin, de faire un petit pas vers davantage de démocratie. Avant, c’était l’ORTF, puis le CSA a été mis en place : puisque le résultat n’est pas parfaitement satisfaisant, allons aujourd’hui plus loin. C’est ainsi que l’on pourra lever l’hypocrisie !

Comment faire en sorte que le CSA soit réellement indépendant ? Nous ferons des propositions sur ce sujet lors de la discussion du projet de loi ordinaire, notamment celle consistant à prévoir que les membres du CSA soient nommés pour moitié par l’opposition et pour moitié par la majorité. C’est à mes yeux la seule façon de garantir l’indépendance de cette autorité. Par-delà les circonstances politiques, il faut désigner des personnalités qui fassent consensus et soient au-dessus de tout soupçon d’esprit partisan, à l’instar de M. Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Par ailleurs, puisque vous vantez l’esprit d’entreprise et que vous appelez de vos vœux la constitution d’un média global, je vous ferai observer qu’une entreprise a un conseil d’administration, qui élit en son sein le président. Dans le cas qui nous occupe, si les membres du conseil d’administration sont nommés par une autorité indépendante, cela permet de couper le cordon.

Cela ne veut pas dire pour autant que France Télévisions s’opposera au pouvoir politique. En effet, son président, qui devra régulièrement négocier les moyens que l’État lui accordera, n’ira pas s’enfermer dans une attitude d’opposition frontale.

Toutefois, il jouira d’une véritable indépendance d’esprit. Il pourra par exemple se permettre de ne pas décrocher le téléphone si le Président de la République l’appelle, parce que ce n’est pas ainsi qu’il convient de procéder.

En revanche, s’il est nommé par le Président de la République, cela signifie que le lien sera très fort. Il aura même intérêt, s’il ne veut pas être révoqué, à anticiper les désirs de l’exécutif. Il ne sera même plus besoin de lui téléphoner, comme on peut le constater dans de nombreux pays ! Quand on sait que l’on joue son poste, c’est dans la tête que se construisent les interdits.

Sur cette question fondamentale, nous aurions pu choisir la voie de la modernisation et d’une plus grande démocratisation pour lever ce que appelez une hypocrisie ; or cette hypocrisie, vous avez au contraire décidé de l’institutionnaliser et de revenir en arrière en plaçant l’audiovisuel public, et donc l’information, sous la tutelle directe du Gouvernement, au contraire de ce qui se pratique dans tous les pays démocratiques. Nous contestons résolument cette disposition, qui est emblématique de l’ensemble du texte. Nous sommes ici bien loin de l’arrêt de la publicité sur les chaînes publiques !

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