Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 8 janvier 2009 à 10h45
Communication audiovisuelle nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public — Article unique

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Lorsque nous avons débattu dans cet hémicycle, le 19 juin dernier, de la modification de l’article 13 de la Constitution, nous n’imaginions pas – mais peut-être était-ce un tort ! – que le Président de la République annoncerait une semaine plus tard son intention de recourir à ce dispositif pour la nomination des présidents de l’audiovisuel public.

La pratique institutionnelle a montré que les différents Présidents de la République qui se sont succédé, sans aucune exception, ont largement usé et abusé de ce pouvoir de nomination. Ils ont puisé dans un vivier de quelques milliers de managers publics et privés souvent coupés des réalités vivantes du pays, formés selon les mêmes références idéologiques, en sollicitant davantage leur allégeance que leur esprit de service public.

Or le clientélisme gangrène trop souvent la vie publique et discrédite dangereusement les institutions et le personnel politique aux yeux de nos concitoyens.

La procédure prévue à l’article 13 de la Constitution ne nous semblait déjà pas satisfaisante ; elle l’est encore moins s’agissant de la nomination des présidents-directeurs généraux des sociétés publiques de l’audiovisuel.

Il est effarant que le Président de la République lui-même ait qualifié d’« hypocrite » le fait de demander l’avis du CSA ! Quant à l’avis des commissions culturelles du Parlement, là encore, que d’hypocrisie ! On sait comment le pouvoir actuel traite les commissions parlementaires et ignore leurs décisions, fussent-elles unanimes !

C’est pourquoi nous proposerons, lors de l’examen de l’article 8 du projet de loi ordinaire, une autre solution, tendant à prévoir la création, par les assemblées, d’une commission permanente spécialisée en matière d’audiovisuel, de médias et de pluralisme.

Cette commission traiterait de toutes les questions concernant le domaine de l’image et du son. Elle proposerait une liste de cinq candidats à la présidence de France Télévisions, laquelle serait examinée par le CSA, lui-même reconfiguré. Ensuite, le conseil d’administration de France Télévisions, lui aussi recomposé afin d’être plus représentatif, procéderait à l’élection de son président.

Une telle formule apparaît plus logique et plus démocratique à qui veut respecter l’autonomie des entreprises publiques et garantir l’indépendance de ces sociétés à l’égard de l’exécutif national.

En effet, les garanties d’indépendance qu’on nous présente au travers de ce texte, qu’il s’agisse de l’avis conforme du CSA ou de l’intervention des commissions culturelles, sont purement illusoires.

Or il est légitime de considérer que l’indépendance des médias a valeur constitutionnelle, puisqu’elle a été inscrite de façon expresse à l’article 34 de la Constitution, par le biais de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : le législateur est tenu de garantir la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias.

Nous sommes donc devant une profonde contradiction, ce qui justifie notre proposition de supprimer cet article.

Le présent projet de loi organique met en cause l’indépendance, le pluralisme et l’autonomie des chaînes publiques. Le chef de l’État n’est pas un patron, et l’État n’est pas seulement un actionnaire.

En l’occurrence, le Président de la République commet une confusion volontaire entre la notion d’État et celle de pouvoir exécutif de l’État. Cela aboutit à la mise en place d’une télévision d’État.

Or, si l’on veut bien admettre, d’une part, que « la télévision représente le centre de la production économique et symbolique de la société », comme le résume l’universitaire Carlo Freccero, ancien conseiller audiovisuel de Berlusconi, et, d’autre part, avec le sociologue Georges Balandier, que « le grand acteur politique commande le réel par l’imaginaire », on peut comprendre que cette réforme dite historique est dangereuse, en ce qu’elle impose aux sociétés d’audiovisuel la stratégie de l’État néolibéral, contre laquelle nous devrions au contraire les protéger.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion