Nous tenons particulièrement à cet amendement, pour avoir déjà défendu une disposition similaire lors du débat sur la révision constitutionnelle et déposé l’an dernier une proposition de loi allant dans ce sens.
Conformément aux termes de l’article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, qui confie au CSA la mission d’assurer le respect de l’expression pluraliste au sein des médias audiovisuels, l’instance de régulation a, depuis 1989, repris et adapté la règle des trois tiers héritée d’une ancienne directive du conseil d’administration de l’ORTF en date du 12 novembre 1969.
Cette directive posait le principe d’un équilibre de la présentation des points de vue sur les deux chaînes de l’ORTF entre les représentants des pouvoirs publics, ceux qui les approuvent et ceux qui les critiquent.
Le CSA, aménageant la règle des trois tiers en principe de référence, a défini un équilibre dans le secteur audiovisuel entre Gouvernement, majorité et opposition. L’article 13 de la loi du 30 septembre 1986, complétée par la loi du 1er février 1994, a ensuite octroyé au Parlement et aux partis politiques un droit de regard mensuel sur les temps d’intervention relevés par le CSA qui leur sont transmis.
La législation et la réglementation en vigueur pour le décompte des temps de parole des responsables politiques sur les antennes ont été établies compte tenu des caractéristiques propres de la Ve République.
Le CSA a toujours refusé de comptabiliser le temps de parole du Président de la République avec celui du Gouvernement, considérant que la Constitution plaçait le Président de la République dans un rôle d’arbitre, au-dessus des partis politiques.
Le Conseil d’État, saisi de cette question, a confirmé, par sa décision n° 279259 du 13 mai 2005 relative à la campagne liée au référendum sur la ratification du traité européen, la position du CSA, estimant que « en raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l’État dans l’organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le Président de la République ne s’exprime pas au nom d’un parti ou d’un groupement politique ».
Le Conseil d’État a estimé que l’instance de régulation avait exclu « à bon droit » les interventions du chef de l’État du décompte des présentations des positions des partis et groupements politiques dans les programmes des services audiovisuels.
Les institutions de la Ve République connaissent aujourd'hui une dérive accentuée vers une présidentialisation du régime. On assiste ainsi, depuis la dernière élection présidentielle, à une multiplication des interventions du chef de l’État dans les médias. Ses prises de position répétées influencent significativement le débat politique et contribuent à rompre l’équilibre des expressions politiques défini par le CSA. La révision constitutionnelle liée à l’adoption de loi du 23 juillet 2008 donne désormais la possibilité au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement réuni en Congrès.
Le Président de la République est donc désormais le vrai chef de la majorité. La confusion des pouvoirs est accentuée.
C’est pourquoi l’expression du Président de la République sur les chaînes de télévision et à la radio doit être comptabilisée.
Il vous est donc proposé d’assimiler le temps de parole du Président de la République sur les antennes à celui du Gouvernement dans le décompte des temps d’antenne effectué par le CSA.
Notre amendement tend ainsi à compléter le premier alinéa de l’article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, qui confie au CSA la mission de veiller au respect par les services de communication audiovisuelle de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes. L’ajout proposé consiste à préciser les modalités d’exercice de cette expression pluraliste par une référence à la règle des trois tiers ainsi définie : un tiers du temps pour le Président de la République et les membres du Gouvernement, un tiers du temps pour les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, un tiers du temps pour les personnalités appartenant à l’opposition parlementaire.
Cet équilibre, dans le cadre de la présidentialisation du régime et du quinquennat, donne de toute façon à la majorité et au gouvernement de la même couleur les deux tiers du temps de parole : c’est bien suffisant !