Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 8 janvier 2009 à 10h45
Communication audiovisuelle — Article 1er B

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après les « séduisantes » déclarations d’intention du précédent article, nous entrons avec cet article 1er B dans le champ du cahier des charges de l’audiovisuel public.

Si l’on suit en effet les termes du projet de loi, cet article devrait inciter France Télévisions à faire un effort particulier de recrutement de personnels appartenant aux « minorités visibles » de la population.

C’est donc à une vaste entreprise de stigmatisation que nous assistons. Elle constitue, faut-il le souligner, une forme de « discrimination positive » appliquée à l’audiovisuel public, et à lui seul.

Il s’agit, en effet, de confier à la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la rédaction d’un rapport sur la politique salariale et de recrutement des sociétés nationales de programme, et ce au regard du paramètre de la « diversité ».

Une telle démarche ne peut manquer d’étonner, tant nous pouvons craindre que cela ne conduise précisément les sociétés nationales de programme, singulièrement France Télévisions, à réaliser au plus tôt d’importantes économies de structure conduisant à la suppression de plusieurs centaines d’emplois.

C’est donc au moment même où l’audiovisuel public est directement touché par la réduction de ses effectifs qu’il lui est demandé de faire un effort particulier pour le recrutement de personnels issus de la « diversité ».

On peut d’ailleurs se demander dans cette affaire s’il est forcément bienvenu de confier cette mission à la HALDE, alors même que la question de la gestion des effectifs des sociétés nationales de programme participe pleinement du dialogue social interne à ces sociétés.

À mon sens, le choix fait ici n’est pas forcément le bon, et je suis parfaitement consciente que les organisations syndicales de nos sociétés de programme sont plus qu’attentives à ces problématiques.

Dès la discussion de la loi pour l’égalité des chances, autre concept pour le moins sujet à caution, qui comportait plusieurs mesures relatives aux pouvoirs de la HALDE, nous avions notamment souligné ceci à propos de la HALDE : « Il conviendrait de renforcer ses missions dans le domaine de l’assistance aux victimes en termes de constitution du dossier, [en la dotant] des moyens de réaliser un travail de terrain effectif et d’agir au niveau des institutions et instances républicaines : l’école, le lieu de travail, l’habitat, etc. […] »

« En tout état de cause, cette Haute Autorité ne peut pas, à elle seule, réparer le mal causé par les politiques antisociales d’exclusion et de stigmatisation qui sont menées […] »

« Pour autant, nous estimons – et il semblerait que nous soyons suivis en cela par le Conseil d’État – que cette instance ne doit se substituer ni à l’action du pouvoir judiciaire, et nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen des amendements, ni à celle des pouvoirs publics, dont le rôle essentiel est de promouvoir et mettre en œuvre le principe d’égalité et de lutte contre les discriminations. »

Mes chers collègues, ce n’est donc pas à la HALDE de donner le ton au dialogue social à France Télévisions, un dialogue dont nous avons pu constater, à l’occasion de la dernière réunion du conseil d’administration de notre société nationale de programme, qu’il pouvait se trouver quelque peu « téléguidé » par une injonction présidentielle, au mépris des droits du Parlement.

C’est plutôt au pouvoir politique lui-même de faire en sorte que le secteur public de l’audiovisuel ait les moyens de son développement – ce projet de loi est pour le moins éloigné de cet objectif – et que le dialogue social, « naturel », logique, comme il est de règle dans une grande entreprise publique, et une grande entreprise tout court, se fixe des objectifs de création d’emplois précis et effectifs.

Cessons donc la stigmatisation des salariés, comme nous y invite cet article ! Cessons aussi de laisser penser que le secteur public de l’audiovisuel fait peu en matière de recrutement, notamment quand on se souvient de ce que sont RFO et RFI, avant qu’elles ne soient englouties par la société « chapeau » Audiovisuel extérieur de la France, ou encore des multiples démonstrations qu’a pu faire le service public en recrutant des journalistes et des animateurs issus de l’ensemble des composantes de la société française.

Doit-on, pour établir une égalité de traitement entre opérateurs de télévision, imposer les mêmes règles au cahier des charges de TF1 ?

En tout cas, rien ne permet à nos yeux de voter cet article en l’état.

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