Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous faire part de mon émotion. Si j'ai eu l'occasion de prendre la parole devant vous lors de l'examen de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, je suis fier de m'exprimer pour la première fois à cette tribune.
Je souhaite d'emblée saluer le remarquable travail effectué en particulier par la commission des lois, notamment son rapporteur.
Je remercie M. le rapporteur d'avoir très clairement et de manière exhaustive posé les enjeux de notre débat d'aujourd'hui. Je voudrais également saluer l'ensemble des interventions ; quelles que soient les travées, j'y vois l'amorce d'un consensus politique sur un sujet d'intérêt national.
Avant de répondre aux différents points qui ont été évoqués, permettez-moi de souligner que l'impératif de lutte contre la contrefaçon constitue un élément essentiel de notre politique globale en matière de promotion de l'innovation.
Je souhaite bien évidemment saluer aussi Gérard Longuet, qui porta la loi relative à la répression de la contrefaçon, dite loi « Longuet », instituant la procédure innovante de saisie-contrefaçon, qui fut ensuite reprise dans la directive.
Pourquoi ce texte est-il si important, au-delà de tous les aspects ponctuels et entrepreneuriaux qu'il comporte ? Ce qui fait la différence dans le contexte de la mondialisation, c'est l'innovation, c'est-à-dire la capacité de créer des produits, des services nouveaux qui permettront de conquérir de nouveaux marchés, dans des conditions de compétitivité améliorées ou maintenues.
Dans ce contexte, le rôle de la propriété intellectuelle, auquel vous avez tous fait allusion, devient primordial. La propriété intellectuelle permet de protéger et de valoriser les avantages compétitifs des entreprises innovantes. Elle favorise les partenariats technologiques. Elle représente également la plus grande partie des actifs immatériels des entreprises.
La protection de la propriété intellectuelle est bel et bien la clef de voûte de l'innovation. Elle constitue aujourd'hui un facteur essentiel du développement des entreprises, de la création de valeurs et d'emplois, à côté des autres facteurs que sont le travail, l'investissement et le capital. Or la contrefaçon ralentit l'innovation en privant les entreprises de la valorisation de leur créativité.
La contrefaçon constitue en effet une spoliation des titulaires de droits des fruits de leurs efforts pour développer de nouveaux produits ou services et, par voie de conséquence, un frein majeur à l'innovation, à la croissance et à l'emploi.
Dans une économie de la connaissance où l'innovation représente une source majeure de différenciation, toutes les atteintes portées aux titulaires de droits ne peuvent que réduire leurs capacités à mettre en oeuvre des plans de croissance et amputer leurs moyens d'investissement et de recrutement.
Pour les entreprises, ce phénomène entraîne une diminution du chiffre d'affaires, des parts de marchés et des bénéfices. Il est également synonyme de préjudice moral, ainsi que d'atteinte à l'image et à la réputation de l'entreprise victime.
Enfin, la contrefaçon engendre des coûts en matière de défense des droits et constitue une barrière à l'export.
Je voudrais appeler l'attention de la Haute Assemblée sur un rapport qui a été récemment publié par l'OCDE. Analysant la situation de la Chine, ce rapport montre que, malgré des dépenses très importantes en matière de recherche et de développement, qui la placent au cinquième rang mondial, cette puissance n'est pas innovante, car la défense des droits de la propriété intellectuelle n'y est pas assurée. En effet, comment un chercheur pourrait-il avoir le sentiment de goûter les fruits de son travail si ses droits ne sont pas respectés ? C'est un signal adressé à tous les pays dont l'économie est trop concentrée sur la copie : ils chassent progressivement l'innovation de leur marché.
Avec ce projet de loi qui améliore le cadre législatif de la lutte contre la contrefaçon, le Gouvernement assure aux entreprises la nécessaire sécurité juridique dans la défense de leur titre de propriété industrielle. Il assure également la confiance des entreprises dans la défense de leur innovation.
Ce projet de loi s'insère dans une politique beaucoup plus vaste conduite par les pouvoirs publics en matière d'innovation. À titre d'exemple, je rappelle l'effort sans précédent qui est réalisé en matière de crédit d'impôt recherche. Ce point sera d'ailleurs abordé dans quelques semaines, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008.
La fusion d'OSEO et de l'Agence de l'innovation industrielle participe de la même logique de lisibilité et de renforcement de notre politique en faveur du financement des entreprises innovantes. Je pense également à l'assouplissement de la fiscalité des brevets, qui a été évoqué tout à l'heure par Christine Lagarde, ou encore à la ratification de l'accord de Londres, dont nous débattrons aussi dans quelques semaines.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est le message que je souhaitais vous adresser aujourd'hui en avant-propos. Tout autant que de la lutte contre la contrefaçon, c'est de la promotion de l'innovation, donc de la croissance, que traite ce projet de loi. Car lutter contre la contrefaçon, c'est favoriser l'effort de recherche et d'innovation de notre pays.
J'en viens maintenant aux éléments que vous avez abordés lors de vos interventions.
Monsieur le rapporteur, vous avez en particulier évoqué une spécialisation accrue des juridictions en charge de la propriété intellectuelle. Nous reviendrons, bien sûr, sur ce point lors de l'examen des articles, mais je voudrais dire d'emblée que cette spécialisation me paraît de nature à permettre un règlement plus rapide et plus efficace des litiges au bénéfice des opérateurs. Nous y sommes donc favorables.
Vous avez également défendu l'idée de la création d'une circonstance aggravante au délit de contrefaçon lorsque les produits contrefaisants présentent un risque pour la santé ou la sécurité de l'homme ou de l'animal. Cette proposition permet de souligner que les produits contrefaisants de mauvaise qualité, voire défectueux, peuvent présenter de réels dangers. Votre proposition est opportune, car elle durcit les peines en cas d'atteinte à la santé. Bien évidemment, le principe essentiel selon lequel toute contrefaçon, quel que soit son objet, quel que soit le secteur d'activité concerné, est intrinsèquement néfaste et doit être combattue, doit être maintenu ; nous y reviendrons dans quelques instants.
Vous avez également évoqué la question de l'imputation des frais d'exécution forcée entre créditeurs et débiteurs. Nous reviendrons également sur ce point, mais je vous proposerai de satisfaire votre demande par la voie réglementaire.
Enfin, vous avez appelé notre attention sur la nécessité de prendre rapidement les textes d'application de ce projet de loi. J'y veillerai, mais, vous le savez, nombre de ces décrets concernent aussi le ministère de la justice. Nous aurons donc à travailler de concert.
Monsieur Cambon, au-delà des compliments que vous m'avez adressés et auxquels je suis toujours sensible