Intervention de Richard Yung

Réunion du 19 septembre 2007 à 16h00
Contrefaçon — Article 3

Photo de Richard YungRichard Yung :

L'article 3 est probablement l'article essentiel du dispositif, car il sert de calque à l'ensemble du projet de loi. Cette intervention vaudra donc pour d'autres dispositions du texte et pour les amendements de la commission.

Je souhaite insister sur quelques points qui me semblent particulièrement importants.

Tout d'abord, je constate que le huitième alinéa de cet article satisfait aux recommandations formulées par la mission d'information sur le régime des prescriptions civiles et pénales conduite par M. Hyest durant les mois d'avril et de mai 2007. En fixant à trois ans le délai de prescription de l'action en contrefaçon d'un dessin ou modèle, qui est actuellement décennal, le nouvel article L. 521-3 du code de la propriété intellectuelle aligne le régime des dessins et modèles sur celui des brevets, des marques et, bientôt, des autres titres de propriété intellectuelle concernés par le projet de loi. Cet effort de rationalisation et d'harmonisation des délais de prescription est salutaire.

Ensuite, je souhaite interroger le Gouvernement sur la transposition dans notre arsenal législatif du droit d'information. C'est probablement l'un des aspects les plus délicats de cette nouvelle législation.

Le présent article transpose, pour les dessins et modèles nationaux, ce droit qui est consacré à l'article 8 de la directive. Il dispose que « la production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime ».

La notion d'empêchement légitime n'est pas étrangère au droit français. En effet, l'article 11 du nouveau code de procédure civile permet déjà au juge d'ordonner la production forcée de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime.

Cette disposition est également prévue à l'article 10 du code civil en vertu duquel « chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité ». Dès lors, la personne qui refuse de se soumettre à cette règle peut être tenue de verser le montant d'une amende civile ou, le cas échéant, des dommages et intérêts à la victime de cette abstention.

Toutefois, dans le nouveau code de procédure civile, cette notion n'est pas très explicite. Pour sa part, la Cour de cassation a reconnu aux personnes qui détiennent des secrets professionnels, par exemple le secret médical ou le secret des affaires, le pouvoir de s'opposer en justice à la révélation de ces secrets. Par conséquent, comment le Gouvernement envisage-t-il la mise en oeuvre de ce droit à l'information ? Jusqu'où ira-t-il ? Au fond, à quel moment la notion d'empêchement légitime commencera-t-elle à jouer ? On pourrait bien évidemment s'en remettre à la jurisprudence pour régler cette question, mais je pense qu'au moment où l'on s'apprête à graver cette règle dans le marbre de la loi, ce serait une bonne chose d'y réfléchir ensemble.

Enfin, je souhaite revenir sur la question des dommages et intérêts forfaitaires. Il s'agit certainement d'une innovation dans le droit français. Certains, dans la théorie doctrinale, pensent que cela ne fait pas partie de l'appareil juridique français.

Personnellement, j'estime que cette notion va dans le bon sens, car l'application du principe de la réparation intégrale n'est pas entièrement satisfaisante. En outre, l'évaluation des dommages et intérêts est souvent déconnectée de la situation réelle et de la valeur objective du préjudice. Pour indemniser les victimes de contrefaçon, le juge prend en considération le préjudice réellement subi. En d'autres termes, il tient seulement compte du gain dont la victime a été privée et non des bénéfices réalisés par le contrefacteur.

Au fond, cela pourrait constituer une sorte de « prime au vice », dans la mesure où les bénéfices tirés de la contrefaçon sont largement supérieurs aux dommages et intérêts qui seront versés aux malheureuses victimes de la contrefaçon. Cette action va donc dans le bon sens.

J'aimerais, pour conclure, savoir comment Gouvernement envisage la mise en oeuvre de ces nouvelles règles, étant entendu qu'elles vont à mon sens dans la bonne direction.

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