Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 8 février 2006 à 15h00
Réserve militaire et service de défense — Adoption d'un projet de loi

Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense :

S'agissant du projet de loi qui vous est soumis, la réserve est devenue aujourd'hui un élément essentiel de notre défense. Elle est indispensable aux forces d'active, auxquelles elle apporte les compléments nécessaires sur un plan tant quantitatif - les effectifs - que qualitatif - les compétences. Elle est également indispensable à la nation. En effet, après la suspension du service national, elle seule permet d'entretenir le lien si précieux entre la société civile et l'armée professionnelle.

La réserve actuelle, telle qu'elle a été définie par la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, ne saurait néanmoins faire abstraction de l'évolution de notre société, du monde et des menaces.

Six années de pratique ont permis de prendre conscience d'un certain nombre d'insuffisances et, en même temps, de réfléchir aux réponses à y apporter.

Le texte que j'ai l'honneur de vous soumettre donne désormais à la réserve les moyens de mieux remplir sa double mission, opérationnelle et citoyenne. Il s'accompagne d'un ensemble de dispositions qui renforcent la cohérence de la réserve et étendent sa portée.

Il s'agissait d'abord de tirer les enseignements de cinq années d'expérience.

De nouveaux besoins sont apparus, notamment en termes de réactivité et de disponibilité. Les délais de préavis se sont souvent révélés trop longs, notamment face à un certain nombre de crises très brutales. Par ailleurs, les durées d'activité, de l'avis même des réservistes, sont souvent trop courtes pour leur permettre d'exercer des missions intéressantes.

En outre, nombre de dispositions techniques trop contraignantes freinent le recrutement et entravent l'emploi des réservistes, en particulier lorsque nos forces sont engagées à l'extérieur.

Parallèlement, les réservistes aspirent fortement à voir leurs efforts mieux reconnus.

Les réservistes opérationnels espèrent une plus grande compréhension de la part de leurs employeurs. Quant aux réservistes citoyens, ils demandent à être confortés dans leurs missions et, parfois, à mieux percevoir à quoi celles-ci correspondent concrètement.

Le présent projet de loi vise à répondre à de tels besoins et à de telles aspirations.

Ainsi que je vous l'ai dit, les nouvelles dispositions s'appuient sur les enseignements tirés de l'expérience, sur les propositions faites par les parlementaires - car nombreux sont les sénateurs et les députés qui s'intéressent à la réserve et qui ont émis des suggestions - et par les réservistes eux-mêmes, ainsi que sur une étude que j'avais commandée à l'état-major des armées.

Le texte qui vous est soumis a pour objet de permettre à la réserve de répondre pleinement à sa double vocation, à la fois opérationnelle et citoyenne. Il vise à atteindre trois objectifs majeurs : rationaliser et simplifier l'organisation de la réserve dans ses deux composantes, opérationnelle et citoyenne, renforcer l'efficacité de la réserve opérationnelle et faciliter l'accès aux deux réserves.

Il s'agit donc, en premier lieu, de clarifier l'organisation de la réserve. En effet, aux yeux de l'opinion publique, de nombreuses incertitudes demeurent.

Pour ce qui est, d'abord, de la réserve opérationnelle, la vocation commune des volontaires et des anciens militaires, soumis à l'obligation de disponibilité, étant l'emploi opérationnel, il était anormal de gérer séparément ces deux catégories de personnels. J'ai donc décidé de les regrouper dans la réserve opérationnelle.

Ensuite, la réserve citoyenne réunit tous les civils bénévoles soucieux d'entretenir et de développer l'esprit de défense. Je souhaite qu'elle soit confortée dans sa mission de renforcement du lien armées-nation. Permettez-moi à cet égard d'insister sur l'importance que j'attache à une telle mission. On ne saurait considérer la réserve citoyenne comme une réserve de seconde zone.

La clarification des tâches entre les deux réserves ne vise nullement - je voudrais que vous en soyez tous convaincus - à renforcer l'une au détriment de l'autre : nous avons besoin des deux. Le présent projet de loi tend simplement à rationaliser leur emploi et à les conforter dans leurs vocations respectives.

En outre, la libre circulation entre les deux réserves demeure la règle.

Ainsi, dès lors qu'ils remplissent les conditions requises, les réservistes citoyens peuvent, s'ils le souhaitent, souscrire un engagement dans la réserve opérationnelle. Il n'y a aucune incompatibilité à cet égard.

À l'inverse, les réservistes opérationnels peuvent également apporter leur concours bénévole à des actions menées dans le cadre de la réserve citoyenne.

Il s'agit, en second lieu, de permettre à la réserve opérationnelle de gagner en réactivité et en disponibilité.

Tout d'abord, le préavis donné aux employeurs sera réduit. En effet, avec l'accord de ces derniers, donné au sein du Conseil supérieur de la réserve militaire, le CSRM, le préavis passe de deux mois à un mois.

Le projet de loi introduit également une clause de réactivité dans les futurs contrats d'engagement. Cette clause permettra, toujours avec l'accord de l'employeur concerné, de réduire le préavis à quinze jours, voire moins. Car dans les situations de crises soudaines, il est nécessaire de pouvoir intervenir très rapidement. Les forces armées, et plus particulièrement la gendarmerie, pourront ainsi faire face à toutes les situations d'urgence dans de bien meilleures conditions.

Ensuite, la durée des services sera modifiée. Le plafond de la durée des services sera porté à cent cinquante jours par an pour les missions à caractère opérationnel. Il pourra même atteindre deux cent dix jours, afin de permettre aux réservistes de tenir certains postes d'intérêt majeur, notamment lors de missions extérieures menées dans un cadre multinational ; j'aurai l'occasion d'y revenir.

Il s'agit, en troisième lieu, en tenant compte de toutes les attentes, de rendre la réserve plus accessible et plus ouverte sur l'entreprise.

Cela implique d'abord de régler le problème des limites d'âge. J'ai en effet entendu nombre de récriminations sur des limites d'âge qui apparaissaient trop basses. Le présent texte permet, me semble-t-il, de répondre à l'attente de très nombreux réservistes à cet égard.

Les militaires du rang pourront désormais servir jusqu'à cinquante ans. Cette disposition nous permettra d'utiliser plus longtemps des spécialistes dont la formation militaire aura été relativement longue et coûteuse.

Tous les autres grades bénéficieront des limites d'âge instaurées par le nouveau statut général des militaires, augmentées de cinq ans. Ainsi, au-delà de la limite d'âge classique, il sera possible de continuer ses activités en tant que réserviste pendant cinq ans.

La limite d'âge de la réserve citoyenne, qui avait été initialement fixée à soixante-cinq ans, paraissait en harmonie avec l'âge de la retraite. Il a toutefois été décidé, lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, de supprimer totalement cette limite d'âge, en fixant simplement une règle : à partir du moment où les conditions fixées sont remplies, il n'y a aucune raison d'ajouter une limite d'âge.

Voilà donc une première série de mesures de nature à répondre aux attentes qui avaient été formulées.

De même, certaines anomalies seront corrigées.

Ainsi, les anciens légionnaires de nationalité étrangère, qui étaient exclus de la réserve, pourront désormais souscrire un engagement dans la réserve opérationnelle de la légion étrangère.

Par ailleurs, ce projet de loi tend à renforcer le partenariat avec les entreprises. Il généralise le principe des conventions. Depuis maintenant trois ans, j'ai fait en sorte que des conventions lient le ministère de la défense et les employeurs. Ainsi, une trentaine de conventions ont déjà été signées et de nombreuses autres sont en cours de préparation.

Ce partenariat s'enrichira également de la mise en place d'un crédit formation. Cette mesure s'appliquera aux entreprises dont les salariés réservistes suivent une formation militaire directement utilisable dans leur emploi civil.

Il convenait également de mieux prendre en compte le rôle des associations de réservistes et d'anciens militaires. Certaines de ces associations pourront désormais se voir attribuer la qualité de « partenaire de la réserve citoyenne », en reconnaissance des services rendus au profit du lien armées-nation.

Ce projet de loi s'accompagne d'un ensemble de mesures qui étendent sa portée et amplifient son impact.

Tout d'abord, le champ d'action de la réserve opérationnelle sera élargi. Deux dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture permettront de confier de nouvelles missions aux réservistes.

Ensuite, les entreprises titulaires de contrats de soutien opérationnel pourront désormais employer leurs salariés, à condition, bien entendu, qu'ils soient volontaires, comme réservistes sur les théâtres d'opérations extérieures. Ces volontaires bénéficieront ainsi de la double protection, juridique et sociale, que procure le statut de réserviste opérationnel.

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