Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 22 octobre 1999, dont le rapporteur au Sénat était notre collègue Serge Vinçon, a représenté pour la réserve un bouleversement profond, comparable à celui qu'ont connu les armées avec la professionnalisation. D'une réserve de masse appuyée sur la conscription, dont le concept remontait aux leçons tirées par la IIIe République de la défaite de 1870, la France est passée à une réserve d'emploi, intégrée dans le quotidien de l'activité des forces et recrutée sur la base du volontariat.
La montée en puissance de la nouvelle réserve n'est pas achevée - elle devrait l'être à l'horizon 2012 -, mais la dynamique du recrutement, un temps préoccupante, semble désormais engagée. C'est donc un dispositif en cours de mutation que nous aménageons aujourd'hui, la suspension du service national ne produisant pas encore pleinement ses effets.
Les volontaires ayant connu le service national représentent encore une part significative des réservistes, ce qui rendra nécessaire un effort accru dans les années à venir pour atteindre des objectifs dont je voudrais souligner l'ambition. Une réserve véritablement opérationnelle de 90 000 hommes formés et entraînés, insérés dans l'action des armées, l'enjeu est en effet de taille.
Si beaucoup ont encore à l'esprit la réserve d'hier, il faut bien noter que celle d'aujourd'hui est indispensable au fonctionnement quotidien des armées, alors que l'engagement opérationnel des forces n'a jamais été aussi important, mais également à leur rayonnement dans la société.
Il était prévisible qu'après les premières années d'application de la loi des ajustements seraient nécessaires. Ceux-ci font l'objet du projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Sans remettre en cause l'esprit du texte, ils apportent au dispositif la souplesse qui lui faisait défaut sur certains points. Vous les avez évoqués, madame le ministre ; j'y reviendrai très brièvement.
Tout d'abord, le projet de loi aménage la structure de la réserve en unifiant la composante de rattachement des anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité.
Ensuite, il améliore la réactivité de la réserve en modifiant le délai du préavis à l'égard des employeurs.
Enfin, il augmente la durée de service des réservistes, afin de répondre aux besoins de postes spécifiques, notamment au sein d'états-majors internationaux.
L'Assemblée nationale a adopté des amendements qui confortent ce dispositif, en particulier en améliorant les contreparties pour les entreprises dont les salariés sont engagés dans la réserve. La mise en place d'un crédit formation, la possibilité de servir en entreprise pour les entreprises qui participent au soutien des forces ou à l'accompagnement des opérations d'exportation vont dans ce sens.
L'Assemblée nationale a également souhaité renforcer le lien armées-nation en mettant l'accent sur le rôle des associations et en aménageant les préparations militaires.
Au cours de ses travaux, la commission a fait le constat que les principes d'origine de la loi de 1999 recueillaient un large consensus. Il semble cependant que, d'une part, la nouvelle réserve doive faire l'objet d'une prise de conscience et d'un changement de perception et que, d'autre part, ses modalités d'application soulèvent certaines difficultés.
Peu et mal connue, la nouvelle réserve appelle une prise de conscience et un changement de perception.
Tout d'abord, la perception de nos compatriotes, qui voient mieux l'intérêt d'autres formes d'engagement citoyen dans les associations, les organisations non gouvernementales ou encore les pompiers volontaires, doit faire l'objet de toute notre attention.
L'implication des réservistes dans la fonction de protection est largement méconnue. Le rôle qu'ils pourraient jouer en cas de catastrophe naturelle ou d'attaque terroriste de grande ampleur l'est encore plus. C'est bien un élan mobilisateur au service de la nation qu'il nous faut promouvoir, afin de mieux affirmer que, même après la professionnalisation, et peut-être encore davantage, la défense n'est pas seulement l'affaire de quelques-uns ; c'est bien l'affaire de tous.
Par ailleurs, l'intérêt des employeurs doit être plus fortement appelé sur l'atout que peut représenter un réserviste dans l'entreprise, tant pour l'esprit d'équipe que pour le souci de servir ou le savoir-faire technique. Il nous faut cependant être à l'écoute, dans l'emploi de réservistes, du besoin de valeur ajoutée des entreprises et renforcer le dialogue entre deux mondes qui se méconnaissent.
De ce point de vue, l'exigence des entreprises peut rendre notre réserve plus efficace et accroître son intérêt pour ceux qui ont choisi de s'y engager. À une grande campagne nationale de promotion de la réserve, nous préférerions un travail de communication de proximité auprès des PME, qui sont les principaux employeurs dans notre pays, en y associant le cas échéant les élus locaux. Le faible nombre des conventions signées atteste que les éléments constitutifs d'un véritable partenariat entre la défense et les entreprises ne sont pas encore réunis, et ce vraisemblablement en raison d'un manque de communication.
Je voudrais souligner ici que les employeurs publics ne sont pas toujours plus réceptifs à l'intérêt de la réserve.