Intervention de André Dulait

Réunion du 8 février 2006 à 15h00
Réserve militaire et service de défense — Adoption d'un projet de loi

Photo de André DulaitAndré Dulait, rapporteur :

Sensibilisées désormais à l'évaluation et à la logique de performance, les administrations se montrent parfois réticentes à laisser leurs agents accomplir des activités dans la réserve au-delà de l'obligation légale. Or, servir la défense, c'est encore servir l'État.

Il nous faudra notamment veiller, madame la ministre, à ce que les activités de réserve ne soient pas prises en compte de façon négative par les indicateurs de performance de la loi organique relative aux lois de finances, ni considérées comme de l'absentéisme, ce qui semble être parfois le cas si j'en juge par un certain nombre de courriers adressés à la commission. Une implication plus forte des employeurs publics dans les travaux du Conseil supérieur de la réserve militaire est indispensable pour aborder ces questions.

La perception des armées elles-mêmes me paraît pouvoir évoluer. Si les armées ont bien intégré le concept de réserve opérationnelle, celui-ci doit encore se déployer dans tous ses aspects. La réserve ne se limite pas à un renfort de « spécialistes » qui apporteraient des compétences « civiles » ; elle constitue bien un apport de militaires qui doivent être formés et affectés en tant que tels. Les crédits destinés à la réserve évoluent dans ce sens et nous nous en félicitons. Cette tendance devra être maintenue pour garantir la crédibilité du dispositif.

La montée en puissance de la réserve opérationnelle est bien engagée, mais le concept de réserve citoyenne apparaît plus flou. Le recrutement, le rôle, l'animation de cette réserve diffèrent considérablement selon les armées. Le rôle de « vivier » pour la réserve opérationnelle, qui lui était dévolu par la loi de 1999, apparaît difficile à remplir dans un contexte où les effectifs de la réserve opérationnelle ne sont pas complets.

La commission a considéré que la perméabilité entre les deux réserves devait être maintenue pour permettre de faire coexister des conceptions, certes très différentes, mais qui ont chacune leur logique et leur légitimité. Un dialogue entre les armées reste néanmoins indispensable pour confronter les points de vue et harmoniser certains aspects ; je pense notamment à l'attribution des grades.

Les principes de la loi de 1999 font l'objet d'un large consensus, que nous avons vérifié en commission, et les principales difficultés constatées lors des auditions tiennent davantage à l'application du texte et à la gestion des réservistes.

Je citerai ainsi la facilitation du recrutement de spécialistes au titre de l'article 9 de la loi, la possibilité d'un accès plus tardif à la réserve opérationnelle dans la mesure où, depuis la suspension du service national, elle est connue plus tardivement, la recherche d'une meilleure adéquation entre les postes proposés et le profil du réserviste, ou encore le rythme des départs en opérations extérieures.

Ces aménagements ne relèvent pas du champ législatif, mais ils conditionnent largement l'attractivité de la réserve, tant pour les salariés que pour les employeurs.

Je m'attarderai plus longuement sur un point qui focalise les préoccupations et les attentes des associations que j'ai entendues, celui de la protection sociale du réserviste, très largement améliorée par la loi de 1999, mais perçue comme insuffisamment protectrice.

En tant que militaire, le réserviste bénéficie d'une égalité de traitement avec les militaires d'active en cas de maladie, de blessure ou de décès. Le principe de la réparation intégrale du préjudice subi, prévu par l'article 28 de la loi, vise à compenser la différence éventuelle entre l'indemnisation perçue en qualité de militaire et le préjudice effectivement subi. Il assure une couverture complète du risque.

Il n'en demeure pas moins que la perte brutale de revenus liée à un incident survenu lors d'activités dans la réserve reste un motif de profonde inquiétude, et ce pour plusieurs raisons : le dispositif est mal connu, y compris semble-t-il par les unités dans lesquelles servent les réservistes ; la notion de responsabilité de l'État est mal comprise ; enfin, et surtout, les délais d'indemnisation sont importants alors que les produits de prévoyance auxquels les réservistes sont vivement incités à souscrire excluent souvent le risque militaire ou comprennent des délais de carence qui les rendent inopérants.

Je crains que cette inquiétude ne se traduise, si elle n'est pas apaisée, par une perte de confiance préjudiciable aux armées et au recrutement de réservistes. Le Conseil supérieur de la réserve militaire me paraît être le lieu adéquat pour engager le dialogue avec les sociétés d'assurances, afin que les produits proposés correspondent aux besoins des réservistes.

Il convient également qu'une réponse soit apportée à la question des délais d'indemnisation afin qu'un réserviste ne se trouve pas brutalement privé d'une part importante de ses revenus pendant un certain temps, même s'il est totalement indemnisé in fine.

À l'article 28, la commission propose un amendement afin, comme nous l'avons fait pour les opérations extérieures, de présumer l'imputabilité du préjudice au service, en dehors des fautes personnelles dépourvues de tout lien avec le service. Cette modification permettrait aux services du ministère de prendre l'initiative du processus d'indemnisation en cas d'accident, tout en excluant les fautes les plus graves. Dans les faits, il semble au demeurant que l'imputabilité au service soit sinon présumée, du moins considérée dans un sens plutôt favorable aux réservistes.

Je n'exposerai pas plus longuement les autres amendements de la commission qui visent, pour la plupart, à améliorer la rédaction du texte ou à corriger quelques imprécisions.

Sous réserve de ces amendements, la commission recommande l'adoption de ce projet de loi qui modernise la réserve, la rend plus réactive et conforte sa place au sein de nos forces armées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion