Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons l'examen d'un projet de loi qui traite d'une question, la réserve militaire, aujourd'hui trop méconnue des Françaises et des Français et qui semble bien éloignée de leurs préoccupations immédiates, alors même que nos soldats sont engagés, parfois dangereusement, à l'étranger, loin de leurs familles.
M. le rapporteur a bien rendu compte des positions de la commission, dont les membres étaient d'ailleurs d'accord sur de nombreux points.
Cela étant, le dispositif de la réserve militaire, en ces temps d'incertitude, de terrorisme, de perte de valeurs et de repères chez un grand nombre de nos concitoyens, en particulier chez les jeunes, est en relation directe avec tout ce qui fonde notre République, avec le concept de nation et avec l'exigence de la cohésion nationale.
En dépit des apparences, c'est donc là, je le crois, un sujet d'actualité et d'importance, puisqu'il concerne notre défense nationale et quelque 70 000 Français.
J'en veux pour preuve le débat, engagé depuis quelque temps par des intervenants venus de tous horizons politiques, sur l'opportunité de créer un service civil pour les jeunes gens et les jeunes filles, sujet que j'ai moi-même évoqué à plusieurs reprises. C'est là une reconnaissance implicite, et peut-être un peu nostalgique, du rôle que jouait le service national en termes de brassage social, d'enseignement de certaines valeurs, bref en tant que « creuset social et républicain ». À cet égard, la volonté d'aller aider les victimes du tsunami manifestée par les garçons et les filles de notre pays témoigne de l'état d'esprit de notre jeunesse.
Sur l'initiative d'un hebdomadaire, un appel à réfléchir et à légiférer sur cette question a été signé par un grand nombre de personnalités, dont des parlementaires. Je me félicite de ce que ce sujet soit actuellement discuté à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances, malheureusement sans qu'il ait été procédé à une consultation préalable.
Lorsque, en 1996, le Président de la République avait décidé, conformément à ses attributions, certes, mais sans consultation du Parlement, de professionnaliser les armées, de suspendre la conscription et de supprimer le service militaire, le gouvernement de M. Jospin avait dû mettre en place un nouveau système de réserve, adapté à l'armée professionnelle.
Je veux rappeler ici que notre groupe avait, à l'époque, considéré que la professionnalisation totale des armées était une erreur et qu'il n'était pas judicieux de dessaisir complètement les citoyens de la responsabilité de la défense nationale en laissant celle-ci entièrement aux mains des professionnels. Bien sûr, nous connaissons, apprécions et saluons la compétence de nos forces armées et de l'Institut des hautes études de défense nationale ; bien sûr, il fallait transformer le service militaire ; bien sûr, il fallait former en plus grand nombre les spécialistes de l'armée ; mais il ne fallait pas supprimer le service militaire. Nous avions proposé une réforme profonde de ce dernier, visant à modifier sa durée et son contenu et à le rendre réellement universel.
Cela étant, la professionnalisation des armées et la suspension de la conscription imposaient de réorganiser le système de la réserve, laquelle changeait de nature : nous passions d'une réserve de masse, issue de la conscription, à une réserve d'emploi, fondée sur le volontariat et complémentaire des forces d'active. Tel était l'objet de la loi du 22 octobre 1999, qu'il nous est aujourd'hui proposé de modifier.
Cette loi consacrait les réserves comme une composante indispensable à la défense du pays, avec le recours à des forces de réserve, c'est-à-dire à des citoyens participant à temps partiel, lorsque les circonstances l'exigent, à la défense du territoire et des intérêts de la France.
En outre, le recours à des forces de réserve est encore l'un des principaux moyens de préserver les liens entre nos armées et la nation, mis à mal par la professionnalisation totale.
J'approuve donc les objectifs qui avaient été fixés au travers de la loi de 1999. Il faut cependant reconnaître qu'elle n'a pas permis de les atteindre tous, principalement en raison du tarissement progressif de la ressource, qui a assurément entraîné des difficultés de recrutement. Le manque d'attractivité de la réserve, sur le plan financier et en matière d'emploi et de perspectives de carrière, les relations parfois difficiles entre les réservistes et les employeurs et la faiblesse de l'information donnée sur cette question sont aussi des explications.
Eu égard à ces lacunes, la loi de 1999 devait être modifiée.
Votre objectif, madame la ministre, est essentiellement de mieux répondre aux besoins des armées tels qu'ils s'expriment, notamment en ce qui concerne les délais de préavis et la durée des périodes de service, ainsi qu'aux attentes des réservistes. Vous voulez, à juste titre, renforcer la réactivité et la disponibilité de la réserve opérationnelle. Je pense toutefois que vous répondez en priorité aux besoins des armées, et beaucoup moins aux attentes des réservistes.
Vous avez raison de vouloir rendre la réserve opérationnelle plus compétente et plus professionnelle afin d'améliorer son intégration aux forces d'active. J'approuve, en particulier, tout ce qui est propre à la rendre plus réactive et plus disponible en assouplissant ses conditions d'emploi, en particulier par la réduction de la durée du préavis donné aux employeurs, par la clause de réactivité ou par l'allongement du plafond de la durée des services. Nous n'avons, bien entendu, pas de désaccord de fond sur ces aspects du projet de loi.