Intervention de Hélène Luc

Réunion du 8 février 2006 à 15h00
Réserve militaire et service de défense — Adoption d'un projet de loi

Photo de Hélène LucHélène Luc :

En revanche, le rattachement de l'ensemble des anciens militaires à la réserve opérationnelle conduira à ne laisser que les seuls civils bénévoles au sein de la réserve citoyenne. Cela risque, à terme, de la dévaloriser.

En effet, elle n'aura aucune activité militaire et sera cantonnée à un rôle de relations publiques des armées, assuré par des civils sans uniforme et sans grade. Il est à craindre que le manque d'intérêt de ses missions n'entraîne un nouvel affaiblissement des liens entre l'armée et la nation. Aucun progrès, par rapport au texte de l'Assemblée nationale, ne nous est proposé sur ce point, à nos yeux important.

En revanche, le renforcement du partenariat avec les entreprises, grâce à l'instauration d'un crédit formation introduit par l'Assemblée nationale, est un élément positif et important. Cela va dans le bon sens au regard des difficultés rencontrées pour attirer et fidéliser les réservistes, que ce soit avec les employeurs privés ou avec certaines administrations, hélas !

Il en va de même du crédit d'impôt, qui vise à encourager le maintien, par les employeurs, de la rémunération des réservistes pendant les périodes accomplies au-delà de l'obligation minimale de cinq jours par an.

Toutes ces mesures vont dans le bon sens, car elles auront des répercussions positives tant sur l'implication des entreprises que sur l'attractivité des réserves.

En effet, l'embauche d'un réserviste peut constituer une contrainte pour l'employeur, surtout dans les petites entreprises, qui, au-delà de la période d'absence de cinq jours par an, sont parfois conduites à faire appel à des intérimaires pour occuper les postes vacants.

Les réticences des employeurs peuvent freiner les bonnes volontés et dissuader certaines personnes de souscrire un engagement à servir dans la réserve. Cela reste toutefois marginal et ne concerne que la réserve opérationnelle. Si l'on étudie la durée moyenne annuelle d'activité en 2004, on constate que 7 % des réservistes comptaient cinq jours d'activité, 72 % de six à trente jours, et seulement 4 % de trente et un à soixante jours.

Pour ma part, j'estime donc, madame la ministre, que votre projet de loi comporte un grand nombre de compensations et de mesures incitatives en faveur des employeurs, comme le crédit formation ou le crédit d'impôt, institué par la loi de finances rectificative, mais pas suffisamment en faveur des réservistes.

Pourtant, pour faire vivre les réserves et garantir leur efficacité, il faut faire en sorte que la stabilité de la situation économique, sociale ou familiale des réservistes ne soit pas remise en cause du fait des services qu'ils rendent au pays.

Comme l'a bien souligné M. Dulait, ces garanties, et la protection sociale des réservistes en général, sont une forte préoccupation des associations concernées. Je veux, au passage, vous remercier, monsieur le rapporteur, d'avoir reçu leurs représentants, comme je vous l'avais suggéré.

Je pense que, au-delà du dispositif du crédit d'impôt, il faudrait, par exemple, examiner la question du différentiel de rémunération entre l'activité militaire et la vie professionnelle. Elle n'est que partiellement résolue avec l'instauration du crédit formation pour les entreprises. Il est certain que cette difficulté nuit actuellement à l'attractivité de la réserve opérationnelle, en particulier pour les sous-officiers.

Pour ce qui concerne plus généralement la protection sociale des réservistes, celle-ci, bien qu'elle ait été largement améliorée par la loi de 1999, reste cependant d'un niveau insuffisant par rapport à celle de l'emploi civil, et le dispositif manque de clarté. Les inquiétudes et les interrogations dont m'ont également fait part les responsables d'associations que j'ai rencontrés en témoignent.

Certes, en principe, les réservistes sont bien protégés dans leurs activités par la continuité de la couverture sociale civile, qui organise la continuité des droits pendant la suspension du contrat de travail. Il en va de même pour l'égalité de traitement avec les militaires d'active en cas de maladie ou d'accident survenu pendant une période.

Enfin, le système de la réparation intégrale des dommages subis semble approprié puisque, selon M. le rapporteur, il n'a pas donné lieu à des contentieux juridictionnels.

Toutefois, ce mécanisme d'indemnisation mériterait d'être étendu aux accidents de la circulation survenant au cours du trajet entre le domicile et le lieu des activités militaires, qui représentent la plupart des accidents dont sont victimes les réservistes.

En réalité, les mécanismes de réparation et les procédures sont très mal connus des réservistes et des unités qui les emploient. Cette situation explique qu'un trop grand nombre de victimes d'accident soient plongées dans un profond désarroi. De la même façon, les délais d'indemnisation sont en règle générale beaucoup trop longs et entraînent des pertes temporaires de revenus pénalisantes.

Votre projet de loi, madame la ministre, ne comporte aucune disposition nouvelle relative à la protection sociale des réservistes. Il aurait pourtant été juste et nécessaire que de telles mesures trouvent leur place dans un projet de loi qui vise à améliorer le fonctionnement de structures, mais ne reflète pas une attention suffisante aux hommes qui les composent.

C'est dans cet esprit que, à la suite des remarques faites par M. le rapporteur, j'ai formulé quelques propositions qui, je le sais, sont d'ordre réglementaire.

D'autres suggestions font l'objet d'amendements. L'un d'entre eux, en particulier, prévoit qu'un rapport du Gouvernement sur la protection sociale des réservistes soit déposé chaque année. On m'a objecté que le Conseil supérieur de la réserve militaire élabore un rapport annuel, mais je demande qu'un rapport spécifique soit consacré à la protection sociale des réservistes. Cette question est néanmoins du ressort du Conseil supérieur de la réserve militaire, qui, d'une manière générale, devrait jouer un rôle plus important et permanent. Je me permets d'ailleurs de souligner que les réservistes souhaitent qu'une journée soit spécialement dédiée à la réserve, au lieu qu'elle soit confondue avec les journées armée-nation, comme ce fut le cas ces dernières années, me semble-t-il.

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