Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 8 février 2006 à 15h00
Réserve militaire et service de défense — Adoption d'un projet de loi

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel :

Il y aurait lieu, me semble-t-il, de plus et de mieux communiquer à tous les échelons de la hiérarchie militaire. Les réservistes certes le méritent, mais, surtout, cette valorisation de l'engagement faciliterait le recrutement

Pour ce faire, les occasions ne manquent pas au sein même du ministère de la défense, au travers des revues spécialisées ou autres, sans compter que l'on peut intéresser les journalistes de télévision, de radio ou de la presse écrite à ces volontaires professionnels à temps partiel.

Pourquoi ne pas prévoir de faire défiler, à Paris comme en province, des réservistes le 14 juillet ? Ce serait, vis-à-vis d'eux et des Français, la démonstration qu'ils sont réellement partie intégrante des armées d'aujourd'hui.

Revenons à la gendarmerie. Qui sait, par exemple, à part quelques initiés, que la réserve de la gendarmerie constitue une entité opérationnelle, partie intégrante du dispositif de sécurité générale, en mesure de renforcer, en temps normal comme en situation de crise, le personnel d'active ? Qui sait que les engagés à servir dans la réserve, les ESR, apportent tous les jours leur concours aux brigades territoriales pour l'exécution de leur mission quotidienne de sécurité, agissant non pas en théorie mais dans le concret, donc dans l'opérationnel ?

A titre d'exemple, je tiens à préciser à mes collègues que, pour l'année 2005, 201 militaires ESR ont été affectés dans le groupement de mon département, le Haut-Rhin, soit 11 officiers, 67 sous-officiers et 123 militaires du rang, ce qui correspond à l'équivalent, en permanence, de l'effectif de deux escadrons à la disposition des autorités compétentes.

Quels sont les chiffres mesurant l'emploi de ces réservistes dans le groupement du Haut-Rhin ? Durant l'année 2004, 4085 journées ont été exécutées et, durant l'année 2005, 5032 journées programmées ont été comptabilisées.

L'emploi opérationnel représente environ 90 % de l'activité globale des réserves.

Quant à l'emploi prévisionnel des réservistes pour l'année 2006, pour un budget initial demandé de 476 929 euros, ce qui n'est pas négligeable, les coûts de fonctionnement sont estimés à 150 175 euros. Cette dotation, si elle était accordée, devrait permettre de garantir 6007 jours d'emploi franc.

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, deux observations méritent d'être formulées sur le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

La première concerne la période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement ayant pour objet de remplacer la préparation militaire par une période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale.

Au-delà d'un aspect purement sémantique, le caractère novateur de cet amendement réside dans une possible rémunération des stagiaires.

Cette mesure, dont je ne conteste pas le bien-fondé, aura pour la gendarmerie des incidences non négligeables sur les activités opérationnelles de sa réserve au travers de la charge budgétaire nouvelle qui lui sera imposée.

En effet, en 2006, la gendarmerie prévoit d'organiser 2 500 préparations militaires à 20 jours et 150 préparations militaires supérieures à 30 jours, soit 54 500 journées de formation.

Dans l'hypothèse d'une rémunération des stagiaires à hauteur de la solde d'un 2ème classe, ces 54 500 journées représenteraient, sur le plan financier, 12, 22 % de la capacité opérationnelle de la réserve de la gendarmerie, laquelle est, comme pour l'active, essentiellement consacrée à la mission de sécurité au titre de l'une des cinq actions du programme 152 Gendarmerie nationale.

Cette charge financière viendra s'ajouter à celle que génère - c'est non seulement souhaitable, mais indispensable - l'attribution à l'ensemble des réservistes opérationnels de la gendarmerie de la qualité d'agent de police judiciaire adjoint.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, le rapporteur a précisé « qu'il s'agissait de substituer aux préparations militaires, qui ont perdu beaucoup de leur intérêt, une formation nouvelle et plus attrayante ».

Cette appréciation, peut-être fondée pour d'autres armes, ne vaut pas pour la gendarmerie où, au contraire, le dispositif territorial mis en place fait apparaître un engouement sans cesse croissant des jeunes issus du monde civil qui souhaitent s'engager dans les rangs de la réserve opérationnelle.

Cette rémunération de la « préparation militaire gendarmerie », nouvelle formule, serait donc préjudiciable à la gendarmerie, puisqu'elle amputerait de 12, 2 % les crédits affectés à sa réserve opérationnelle sans lui apporter en contrepartie une quelconque amélioration de sa capacité à assurer sa mission principale de service public.

La solution serait de prévoir un financement « extérieur » à celui des allocations budgétaires attribuées à l'emploi de la réserve.

« La loi organique relative aux lois de finances offre la souplesse nécessaire pour organiser l'allocation de ressources dans ce domaine », de l'avis même de M. Teissier, président de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale. Est-ce bien la solution que vous envisagez, madame le ministre ?

La seconde observation concerne la modification de l'article 21 du code de procédure pénale, relatif à la qualification d'agent de police judiciaire.

L'adoption définitive de cet article donnera aux réservistes, confrontés aux mêmes situations que leurs camarades d'active, une qualification indispensable - j'y insiste - pour remplir pleinement et efficacement leur mission. En effet, ils renforcent au quotidien les unités de gendarmerie et participent à l'ensemble des missions de sécurité incombant à l'« arme ».

En 2005, ce sont plus de 80 % du temps d'activité effectué par les réservistes de la gendarmerie qui ont été consacrés à l'activité opérationnelle.

Pourtant, l'action effective d'une grande partie de ces réservistes sur le terrain est limitée par l'absence de compétence judiciaire. Simples agents de la force publique, leur qualification n'est ni définie ni reconnue par le code de procédure pénale.

La modification de l'article 21 dudit code - j'espère que nous allons l'adopter, modifié par l'amendement de la commission - permettra d'élargir le champ de compétence de cette catégorie de personnels et de rendre leur emploi encore plus adapté aux besoins quotidiens de l'institution.

Elle sera, en outre, une forte source de motivation et de reconnaissance pour les bénéficiaires de la mesure, en leur conférant des pouvoirs coercitifs similaires à ceux des agents de police municipale et des gendarmes adjoints.

Ces nouvelles attributions seront bien évidemment conditionnées par un cycle de formation spécifique, établi en liaison avec la Chancellerie, ainsi que par une prestation de serment. Selon mes informations, la gendarmerie est toute prête à ouvrir ce cycle de formation et a engagé des pourparlers avec la Chancellerie pour mettre en oeuvre ces différentes dispositions.

Je souhaiterais, madame le ministre, vous poser quelques questions.

Chacun mesure l'impérieuse nécessité pour notre défense de pouvoir compter sur des réservistes opérationnels nombreux, motivés, équipés et entraînés. Chacun comprend également le rôle essentiel des réservistes citoyens pour promouvoir l'esprit de défense au sein de la société civile, afin que ne cesse de se renforcer le lien qui doit nécessairement unir les armées à la nation.

Nous sommes cependant peu nombreux à mesurer l'importance des « réservistes spécialistes volontaires » qui composent la réserve opérationnelle. Même s'ils sont moins nombreux que les réservistes opérationnels « classiques » et que les réservistes citoyens, ces « réservistes spécialistes » méritent aussi toute notre attention, car ils contribuent à assurer des missions « civilo-militaires » extrêmement spécifiques, et à faire ainsi bénéficier la défense d'expertises particulières qui, dès lors, lui sont proposées non plus par des consultants privés mais par des réservistes spécialistes sous l'uniforme.

L'Institut des hautes études de défense nationale est, par exemple, l'un des viviers dans lequel les armées recrutent ces réservistes spécialistes, car cette institution a la mission essentielle de sensibiliser les cadres de notre pays aux questions de défense et de sécurité.

Madame le ministre, pouvez-vous nous confirmer l'intérêt que vous portez à cette catégorie de réservistes créée par loi de 1999 ?

Par ailleurs, nous sommes tous convaincus que, sous l'uniforme, rien ne doit différencier le militaire appartenant à la réserve opérationnelle du militaire d'active, gage d'efficacité dans l'accomplissement de leur mission commune.

Ce point appelle toutefois de ma part une observation particulière et deux questions précises.

L'observation est la suivante : s'il est essentiel qu'aucune différence ne puisse être faite entre deux militaires opérationnels, qu'ils soient d'active ou de réserve, il n'en est pas de même pour les réservistes citoyens, le port de l'uniforme ne leur étant pas autorisé, puisque leurs missions n'ont pas de caractère strictement militaire.

J'en viens maintenant aux questions.

N'envisagez-vous pas de promouvoir, par exemple au grade de général, quelques réservistes opérationnels qui pourraient, dès lors, occuper des fonctions dans lesquelles leur double cursus, civil et militaire, serait particulièrement utile ?

Je pense, par exemple, au Conseil supérieur de la réserve militaire, aux délégations aux réserves des différentes armées, au groupement des opérations civilo-militaires ou à l'Institut des hautes études de défense nationale. Vous pourriez, dans le même temps, honorer des réservistes opérationnels à la carrière exceptionnelle et, surtout, marquer de façon emblématique l'apport essentiel des réservistes à la défense nationale.

Enfin, la journée nationale du réserviste, instituée par la loi de 1999, est une excellente chose, dès lors qu'elle peut permettre à tous nos réservistes de révéler leur existence. Je pense, notamment, à tous ceux qui vivent presque « clandestinement » leur emploi dans la réserve vis-à-vis de leurs employeurs.

Je suis membre du conseil d'administration de la SNCF, grande entreprise nationale s'il en est, dont l'histoire est tellement liée à celle de la France, ses personnels ayant toujours pris une part active à la défense de notre pays.

Eh bien, la direction de la SNCF est incapable de recenser « ses » réservistes, alors même qu'elle souhaite développer son partenariat avec la défense et que certains savoir-faire ferroviaires ne sont pas si éloignés de certains métiers exercés dans les armées.

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