Je ne reviendrai pas sur les avancées tout à fait intéressantes et méritant, bien sûr, d'être approuvées, qui figurent dans ce texte et qui concernent les anciens légionnaires non français, la limite d'âge des militaires du rang, l'assouplissement de la durée des engagements, car plusieurs collègues avant moi les ont fort bien évoquées. Cependant d'autres dispositions du projet de loi soulèvent des interrogations, qui, si elles ne relèvent pas strictement du cadre législatif, méritent d'être abordées.
Ainsi la modification de la structure de la réserve militaire - réserve opérationnelle et réserve citoyenne -préoccupe certaines associations de réservistes, des associations au demeurant bien utiles lorsque l'armée n'est plus présente - sauf la gendarmerie - pour structurer, non seulement les réservistes en dehors de leur emploi, mais également l'esprit de défense.
En effet, la loi précise que seuls peuvent servir dans la réserve opérationnelle ceux qui ont signé un engagement, exception faite des anciens militaires placés en disponibilité. Les réservistes opérationnels qui viennent à se trouver sans engagement pour une raison personnelle peuvent demander à intégrer la réserve citoyenne, puis revenir dans la réserve opérationnelle en signant un nouvel ESR.
Les associations de réservistes regrettent l'absence de position statutaire concrète des réservistes se trouvant provisoirement sans ESR, et soulignent le manque d'une situation intermédiaire entre le statut de réserviste citoyen et celui de réserviste opérationnel. Il serait intéressant, madame la ministre, de connaître votre sentiment sur ce point.
En ce qui concerne les relations entre les employeurs et les réservistes, on note de nombreuses avancées et quelques « peut mieux faire » - plusieurs orateurs sont intervenus de manière éloquente sur ce sujet. Il est vrai que le jour où l'employeur, qu'il soit public ou privé, portera un autre regard sur les réservistes au sein de son entreprise, y compris en termes de «gagnant-gagnant », pour parler un langage actuel, une étape aura été franchie !
Nous approuvons la relance des conventions « entreprises défense », le dispositif de « crédit formation », introduit par l'Assemblée nationale, ainsi que le crédit d'impôt pour les entreprises qui emploient des réservistes, consacré dans la loi de finances rectificatives pour 2005, autant de dispositions qui renforcent le partenariat entre les employeurs, les réservistes, les armées et les familles.
Mais ces mesures favorables aux entreprises ne devraient-elles pas pouvoir trouver leur pendant en faveur du futur volontaire réserviste ? Certes, le contexte financier est très contraint, mais il s'agit également de prévoir de justes compensations. Madame la ministre, je souhaite donc que la mise à l'étude, que vous annonciez tout à l'heure, des primes de réactivité et de fidélisation ainsi que la réflexion sur les avancées de carrière puissent aboutir dès que possible.
Quant à l'attractivité des réserves, il faut reconnaître que la connaissance des possibilités offertes et des obligations qui en découlent se révèle encore très imparfaite - de nombreux orateurs l'ont souligné -, faute d'actions de communication suffisantes en direction d'un jeune public pour qui la réserve reste un objet lointain et n'est pas une réalité tangible.
La journée du réserviste n'a pas suffisamment d'ampleur, et s'il faut conserver une souplesse dans son organisation, une campagne d'information à la hauteur des enjeux est également nécessaire.
Certaines associations de réservistes proposent - il serait intéressant de connaître votre opinion sur ce point, madame la ministre - la création d'un centre français de promotion des réserves, qui aurait notamment pour objet de concevoir et de mener des actions de promotion de la réserve militaire, de participer, dans le cadre d'un plan d'action national soumis par le ministère de la défense, à la promotion de l'esprit de défense et au développement du lien entre la nation et ses forces armées.
Un autre sujet délicat pour les associations de réservistes est la protection sociale du réserviste, qui reste au premier rang de leurs préoccupations.
Dans ce domaine, ainsi que le note M. André Dulait dans son rapport, la loi de 1999 a constitué une avancée très importante en apportant aux réservistes un socle de garanties indispensable, dont le principe de réparation intégrale des dommages subis par un réserviste.
Or ce mécanisme de réparation et ses procédures, ainsi que celui ayant trait aux accidents de la circulation, qui représentent une part importante des dommages, sont très mal connus, non seulement des réservistes, mais aussi des unités où ils sont appelés à servir. Il convient, à cet égard, de veiller à ce qu'une information suffisante soit diffusée, notamment via le mémento de la protection sociale établit par le CSRM.
Je souhaite également vous faire part, madame la ministre, des difficultés auxquelles font face de nombreux réservistes pour trouver des produits d'assurance adaptés, car le risque militaire peut être exclu des risques assurés. C'est un point sur lequel les associations de réservistes sont mobilisées - Mme Luc y a fait allusion tout à l'heure.
Enfin, permettez-moi d'aborder la question de la protection des réservistes à l'échelon de l'Europe et de la Suisse.
Un accord de réciprocité ne pourrait-il être envisagé pour protéger les réservistes français servant à l'étranger et les citoyens étrangers ayant un employeur français et servant comme réservistes dans les armées alliées de la France ?
Si relativement peu de personnes, à ce jour, sont concernées, leur nombre pourrait s'accroître dans les années à venir, notamment en raison du resserrement de nos liens interalliés européens. Cette question mérite d'être étudiée tranquillement.
Madame la ministre, sur tous ces points, nous entendrons vos réponses avec intérêt.
Au-delà de ce texte, auquel le groupe socialiste est favorable, la question d'un service civil ou militaire obligatoire reste posée quant à son format, à sa durée, à ses missions, à son coût, à son encadrement.
Nous ne reviendrons certes pas en arrière, car nous n'avons pas de machine à remonter le temps ! D'ailleurs, faut-il chercher à reproduire à l'identique le service militaire qui a existé à une certaine époque, avec toute l'utilité qu'on lui reconnaît sur tous les plans ?
Je suis conscient, en posant cette question sur un sujet auquel je suis très attaché à titre personnel, de la difficulté de l'exercice.
Les responsables militaires eux-mêmes sont tout à fait intéressés, mais ils ont également conscience que le format actuel rend extrêmement difficile la mise en oeuvre d'un tel changement. Et encore, je n'ai pas évoqué le problème que posent une certaine dégradation des comportements dans notre société et un certain éloignement !
Il se pourrait, en effet, que nous connaissions des difficultés considérables par rapport à une partie du public concerné, car nous n'avons pas su garder la main. Ou alors, il faudrait considérer d'emblée qu'une partie de notre jeunesse doit être exclue de cette démarche, ce qui n'est pas notre objectif !
Dans la pratique, nous nous trouvons devant une véritable difficulté et un vrai sujet de débat. Le Sénat pourrait être le bon lieu pour mener une telle réflexion, qui prendra forcément un certain temps. Nous sommes déjà plusieurs, ici ou là, à réfléchir à cette question, mais je pense très sincèrement que nous ne pourrons pas simplement nous contenter d'éprouver une certaine nostalgie en nous disant qu'une page est tournée.
Pour ma part, j'estime que ce sujet mérite encore réflexion !