Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un instant, M. le rapporteur général nous faisait part de son impatience. J'y ajoute une curiosité non déguisée à l'orée de l'ouverture de la discussion de ce projet de loi de finances rectificative, premier collectif budgétaire à être présenté en mode LOLF, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, et censé représenter - cerise sur le gâteau - le point d'orgue de la politique budgétaire conduite depuis quatre ans.
Quelques illusions parsèment le présent projet de loi. La commission des finances a l'habitude de parler d'inventaire à la Prévert. En fait, vous nous présentez un livre de recettes de cuisine de Noël, comprenant des mesures destinées à satisfaire certaines demandes, plutôt qu'un exercice d'ajustement des crédits aux recettes prévues dans le budget initial, comme l'exigerait une bonne orthodoxie budgétaire.
Je dois néanmoins reconnaître, après M. le rapporteur général, que l'exercice est difficile. Le présent projet de loi comporte certaines mesures que je tiens à saluer et qui vont dans la bonne direction.
Tout d'abord, j'apprécie les mesures d'ordre écologique, qui répondent aux attentes des professionnels et à celles de nos concitoyens, désormais très sensibilisés aux questions liées au développement durable et à l'avenir de notre planète.
La création du livret de développement durable, destiné à remplacer le compte pour le développement industriel, le CODEVI, favorisera, je l'espère, le renouvellement de l'offre immobilière de notre pays en optant pour une orientation résolument économe en énergie et protectrice de l'environnement.
Le relèvement du plafond des versements, de 4 600 euros à 6 000 euros, constitue également un facteur incitatif au développement de ce livret. Encore faut-il que les ménages aient la capacité financière de faire quelques économies sur leur salaire, lequel évolue peu en ce moment !
S'agissant du développement des biocarburants, les différentes mesures prévues permettent de favoriser l'acquisition par les entreprises et par les particuliers de véhicules fonctionnant grâce au superéthanol E85. Je me fais ici le relais de mes collègues Marcel Deneux, Yves Détraigne et Daniel Soulage, meilleurs spécialistes que moi de ce secteur. Les exonérations en matière de taxe additionnelle à la taxe proportionnelle sur les certificats d'immatriculation, de taxe sur les véhicules de société ou en matière de déduction de TVA sur les biocarburants sont des initiatives qui, même si elles amputent l'État d'une partie de ses recettes, favorisent le développement de filières plus propres et rassurent en partie les agriculteurs français sur leur avenir.
En ce qui concerne la fiscalité environnementale, notamment la création de la taxe sur le charbon, je suis d'accord avec vous sur le fond du problème, monsieur le ministre, et l'on ne peut que vous suivre en votant l'instauration de cette taxe. Néanmoins, comme l'a souligné M. le rapporteur général, des questions restent en suspens et des aménagements devront être apportés à cette disposition, ce qu'aurait pu éviter une meilleure concertation avec les milieux professionnels. Nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 23 du projet de loi de finances rectificative et de l'amendement de suppression proposé par la commission des finances.
Monsieur le ministre, continuant de distribuer les bons points, je tiens à saluer en matière de modernisation de l'administration fiscale les dispositions permettant de lutter contre la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
Le présent projet de loi permettra ainsi de s'attaquer à la fraude « carrousel » de TVA en proposant, d'une part, d'autoriser la remise en cause du droit à déduction exercé par un acheteur lorsque celui-ci participait en connaissance de cause, par son achat, à une opération de fraude à la TVA et, d'autre part, de rendre solidairement responsables du paiement de la TVA à rembourser les entreprises clientes participant sciemment, elles aussi, à la chaîne frauduleuse.
Au-delà du fait de permettre à l'État de récupérer des recettes qui, pour l'instant, faisaient figure de manques à gagner, ces mesures d'ordre curatif auront, je l'espère, un rôle préventif et feront diminuer le nombre de fraudeurs à la TVA.
Il est nécessaire de se donner les moyens, tant législatifs que financiers, pour lutter contre la fraude fiscale. Pour cela, l'état d'esprit de l'administration, mais aussi le nôtre et celui de chaque citoyen, doit évoluer. C'est ce qui apparaît dans la Charte du contribuable que vous avez mise en place, monsieur le ministre. Il me semble important que vos services fassent preuve d'une confiance grandissante à l'égard du citoyen usager de l'administration, très majoritairement bon contribuable, afin de concentrer ses efforts principaux, et donc ses moyens financiers et humains, sur le contrôle des vrais fraudeurs.
J'en viens à la régulation budgétaire. On pourrait saluer l'équilibre apparent entre le volume des ouvertures de crédits et celui des annulations sur le budget général. Ces dernières, aux termes du présent projet de loi, atteignent 1, 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1, 6 milliard d'euros de crédits de paiement. Elles compensent ainsi strictement les ouvertures de crédits hors régularisation comptable des pensions de décembre 2005.
Vous vous en félicitez, monsieur le ministre - vous l'avez rappelé tout à l'heure -, et vous présentez ces deux mouvements comme une caractéristique forte, traduisant la réussite financière de votre gouvernement. Or il s'agit, me semble-t-il, du minimum que l'on puisse attendre d'un collectif budgétaire. Il apparaît tout à fait naturel que, pour soutenir la politique économique et financière que vous souhaitez, vous vous donniez les moyens d'équilibrer les comptes que vous présentez au Parlement en fin d'année.
Après ces quelques satisfecit, monsieur le ministre, j'en viens à la partie la moins agréable, bien que tout aussi objective, de mon intervention, pour déplorer une fois encore la politique de gestion à court terme du Gouvernement, laquelle s'illustre de façon flagrante dans ce projet de loi de finances rectificative.
Cette absence de vue à long terme, on la trouve, tout d'abord, dans de nombreuses dispositions de bric et de broc qui s'apparentent plus à du saupoudrage électoraliste qu'à une politique économique constructive et ambitieuse. Certes, je ne le sais malheureusement que trop, la période est propice à ce type d'exercice ! Mais, cette fois-ci, il y en a vraiment pour tout le monde : les agriculteurs, le secteur du livre et du cinéma, les hôtels, cafés et restaurants - jusqu'où irons-nous pour ces derniers ? - les promoteurs, à travers l'exonération de la taxe foncière sur le bâti pour les constructions économes en énergie, et j'en passe ! Le problème, c'est que l'incidence budgétaire de ces cadeaux fiscaux n'est évaluée nulle part et que leur efficacité est souvent discutable.
Mais il y a plus grave que ces saupoudrages. Je m'étonne de la légèreté avec laquelle vous « surfez » sur la conjoncture et de l'absence de réalisme ou de vision à long terme que traduit votre projet de loi de finances rectificative.
Tout d'abord, je commencerai par m'interroger sur les hypothèses de croissance que vous avez retenues, un peu optimistes à mes yeux et de l'avis de très nombreux économistes. Au troisième trimestre de l'année 2006, la croissance a malheureusement été nulle, ce dont personne ne peut se réjouir. Le nombre de créations d'emplois n'a augmenté que de 0, 1 %, et le chômage n'a pas réellement diminué. Nous avons également assisté à un recul de la consommation et des investissements, ainsi qu'à une nouvelle dégradation du solde du commerce extérieur, ce qui devrait aboutir à un plafonnement de la croissance aux alentours de 1, 8 % pour l'année.
L'économie française devra donc commencer l'année 2007 en opérant un rattrapage de croissance par rapport à 2006, dans un contexte économique relativement atone. En conséquence, l'hypothèse de croissance de 2, 25 % retenue pour 2007 me paraît imprudente.
Ensuite, je regrette la mollesse avec laquelle vous vous attaquez à la réduction des déficits, monsieur le ministre. Malgré des recettes en progression, notamment en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, nos finances publiques demeurent dans le rouge. Le déficit budgétaire s'élève à 42, 5 milliards d'euros, en baisse de 4, 4 milliards d'euros seulement par rapport au chiffre affiché dans la loi de finances initiale. Cette amélioration s'explique par des plus-values fiscales nettes d'un montant de 5, 3 milliards d'euros. Elles ne doivent toutefois pas faire oublier que le déficit de l'État reste supérieur de 10 milliards d'euros aux 32 milliards d'euros atteints à la fin de l'année 2001 ! Je vous l'ai déjà dit lors de l'examen du projet de loi de finances, monsieur le ministre, malgré tous les efforts que vous avez fournis à la fin de cette législature, vous avez encore creusé, malheureusement, l'héritage catastrophique que nous avaient laissé les socialistes en 2001.