Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 18 décembre 2006 à 10h00
Loi de finances rectificative pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

C'est ainsi que le déficit public sera au mieux réduit à 2, 7 % du PIB en 2006, soit 0, 1 % de plus que le haut de la fourchette prévue par l'audit des finances publiques réalisé en 2002.

De plus, cette réduction du déficit est tout à fait conjoncturelle, car les plus-values fiscales dégagées sont liées au dynamisme de la croissance. Je ne peux que déplorer ces habillages à court terme et le manque de courage politique qui vous a fait reculer devant des choix indispensables bien que douloureux, dont les Français sont pourtant conscients et qu'ils appellent de leurs voeux.

L'aggravation de la pression fiscale sur les entreprises par l'aménagement du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés, l'IS, parfaitement injuste, n'est pas comprise des milieux économiques. Vous exigez désormais des entreprises le paiement de leur dernier acompte d'IS pour le 15 décembre, ce qui conduit à aggraver la pression fiscale, qui atteint 500 millions d'euros. Par ailleurs, depuis quand une loi est-elle rétroactive ? Car l'habitude a été prise d'agir de cette manière ! Est-ce ainsi que vous comptez ramener la confiance chez les entrepreneurs et les pousser à investir et à créer des emplois ? Enfin, cette mesure est doublement « court-termiste », puisqu'elle a pour conséquence de renforcer la sensibilité de l'impôt sur les sociétés à la conjoncture : prévoir des acomptes de 90 % est intéressant en termes de plus-values fiscales dans une conjoncture économique favorable, mais que se passera-t-il en cas d'inversion du cycle économique ? Voilà qui pourrait rendre encore plus difficile le redressement de nos recettes fiscales escompté dans les années à venir !

J'en viens maintenant aux ajustements nécessaires prévus dans le projet de loi de finances rectificative, pour lesquels le Gouvernement a eu recours à trois décrets d'ouverture et d'annulation de crédits, un quatrième étant en préparation. Je ne conteste pas ces nouvelles dépenses, non prévisibles au moment du vote du projet de loi de finances initiale, en ce qui concerne notamment le chikungunya ou diverses crises sanitaires agricoles. En revanche, je serai plus réservé sur la non-prévisiblité des financements nécessaires s'agissant de la distillation viticole, de l'indemnisation des descendants des victimes de la déportation ou de l'allocation d'installation étudiante.

Mais j'émets surtout une critique sur la sous-évaluation manifeste, dans la loi de finances initiale, de nombreuses dépenses. La Cour des comptes épingle régulièrement cette façon de procéder : la réalité des besoins est chaque année fortement sous-évaluée, ce qui oblige à avoir recours aux décrets d'avance, dispositif peu orthodoxe en termes de sincérité budgétaire et contraire aux exigences posées par les articles 6 et 62 de la LOLF.

Et je ne parle pas de quelques milliers d'euros ! Si l'on considère les OPEX, les opérations extérieures, sur quatre ans, la moyenne des écarts avec les sommes inscrites dans la loi de finances initiale a atteint - excusez du peu ! - 445 millions d'euros. En 2006, cet écart s'élève à 452 millions. Si l'on y ajoute les opérations de maintien de la paix, de plus en plus récurrentes et coûteuses, les dispositifs d'hébergement d'urgence, l'aide médicale d'État, qui a été sous-évaluée de près de 200 millions d'euros, et les dotations à certains fonds comme le FNGCA, le Fonds national de garantie des calamités agricoles, ou le FNADT, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, on obtient un total de 1 140 millions d'euros, soit 70 % du montant des crédits ouverts par décret d'avance en 2006. Et je pourrais vous donner d'autres exemples, à commencer par la prime de Noël !

Ces remarques me conduisent à évoquer la réserve de précaution, qui aurait dû être davantage mobilisée, puisqu'elle a été créée pour faire face à une éventuelle dégradation du solde budgétaire ou à des dépenses non prévisibles. Comment les 5, 5 milliards d'euros dont elle a été dotée ont-ils été utilisés et quel emploi sera fait des crédits mis en réserve en début d'année et qui n'ont pas encore été annulés ?

Enfin, monsieur le ministre, ce collectif budgétaire ne redéploie pas les crédits destinés aux collectivités locales. Le principe de la compensation « à l'euro près », pour reprendre votre expression favorite, est loin d'être respecté, notamment en ce qui concerne l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, dont le taux de couverture par l'État ne cesse de se dégrader, ou le RMI, le revenu minimum d'insertion, pour lequel un effort a cependant été fait cette année. Cependant, les nombreux présidents de conseils généraux qui sont dans cet hémicycle n'y trouvent pas leur compte ! On demande toujours aux collectivités locales de gérer et de financer de plus en plus de politiques à la place de l'État, sans leur transférer les moyens qui leur permettraient de mener ces politiques. Au contraire, on les critique et on les accuse quelquefois de mauvaise gestion !

Je terminerai mon propos en exprimant un dernier regret. Je déplore que cet exercice obligé qu'est le projet de loi de finances rectificative soit transformé, cette année, en un second projet de loi de finances, tant sont nombreuses les dispositions que vous avez souhaité voir reportées. Les sujets en sont variés et leur intérêt n'est pas des moindres, de la francisation des navires à la taxe professionnelle. Le volet « fiscalité locale » sera donc largement débattu, la taxe professionnelle demeurant une source persistante d'inquiétude pour les collectivités locales, les deux dernières réformes ayant mis en difficulté leur équilibre budgétaire.

J'espère, monsieur le ministre, qu'il ne s'agit pas là d'une volonté délibérée de votre part de réduire l'expression parlementaire à la portion congrue. Un nouvel exemple est donné par le tintamarre médiatique qu'a suscité le ministre des finances ce matin en annonçant l'instauration du prélèvement à la source des impôts des Français, sans que le Parlement ait au préalable été consulté et en ait débattu.

Le groupe de l'UDF, au nom duquel je m'exprime aujourd'hui, réserve donc sa position sur ce texte, et n'y apportera son adhésion qu'en fonction de la qualité des débats à venir et de l'écoute dont vous ferez preuve, monsieur le ministre.

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