Intervention de Henri Torre

Réunion du 6 décembre 2006 à 11h00
Loi de finances pour 2007 — Outre-mer

Photo de Henri TorreHenri Torre, rapporteur spécial :

J'en viens à la deuxième catégorie : les dotations aux collectivités. Sur ce point, le ministère a peu d'influence, un grand nombre d'entre elles relevant de dispositions législatives antérieures ou de lois organiques. Je constate cependant que leur évolution est conforme aux règles établies.

La troisième et dernière catégorie intègre plusieurs actions directement gérées par le ministère, notamment le logement sur lequel je m'attarderai quelques instants.

J'ai présenté devant la commission des finances, le 22 novembre dernier, les conclusions d'une mission d'information que j'ai menée sur les politiques en faveur du logement en outre-mer. Cette mission m'a conduit en Guadeloupe et en Guyane, afin de comprendre au mieux les enjeux de ce dossier, crucial pour les populations, mais aussi pour les économies ultramarines, qui sont insuffisamment diversifiées ; les activités de construction, qui ne sont pas délocalisables, constituent un acquis certain.

Le principal constat de ce rapport est que le logement traverse aujourd'hui une crise grave. Les élus d'outre-mer, toutes tendances confondues, l'ont signalé - il faut leur rendre cet hommage - et ont essayé de trouver des solutions pour parer au plus pressé.

Cette crise a une double origine.

D'une part, elle provient d'une gestion insuffisamment rigoureuse des crédits consacrés à l'outre-mer, mais je ne voudrais pas trop insister sur ce point, d'autant que l'outre-mer a été tenu à l'écart des grands mouvements de la métropole, en particulier du plan de cohésion sociale. Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement laissent apparaître que l'écart résultant de cette gestion est compris entre 450 millions d'euros et 800 millions d'euros. Nous avons voté trop d'engagements par rapports aux crédits disponibles ; c'est de cette situation que résulte la crise.

D'autre part, les outils sont mal adaptés, au mieux mal évalués, comme la défiscalisation dont les effets discutables sont aujourd'hui évidents.

Je rappelle tout de même que la défiscalisation en matière de logement représente 180 millions d'euros par an, soit autant que les crédits de paiement consacrés à ce secteur. C'est considérable, mais la défiscalisation n'a pas que des effets positifs. Elle a entraîné une hausse des coûts des terrains et de la construction. Il convient donc d'apprécier son efficacité avec beaucoup de rigueur et de perspicacité.

Un consensus semble se dégager sur la nécessité de recentrer le bénéfice de la défiscalisation sur le logement social, ce qui nous permettra, du moins je l'espère, d'alléger quelque peu les problèmes dans ce domaine.

On a assisté depuis 2001 à un double mouvement : des autorisations de programme ont été votées, tandis que les crédits de paiement ne suivaient pas le même rythme. Les autorisations de programme ont été engagées. Le résultat, c'est une dette, étalée certes sur plusieurs années, d'un montant compris entre 450 millions et 800 millions d'euros et correspondant à toutes les autorisations de programme engagées par le ministère. Il faudra bien les honorer, dans le futur ! À la fin de l'année 2005, le total des factures impayées s'élevait à 60 millions d'euros ; il sera peut-être de 100 millions d'euros à la fin de cette année.

Si l'on veut faire la part des choses, on peut avancer que, avant 2002, les crédits étaient peu consommés, que le ministère a pris des mesures très intéressantes afin d'améliorer sa gestion, mais que certaines « promesses » n'ont pas pu être tenues.

Je tiens ici à rendre un hommage particulier aux personnes que j'ai pu rencontrer lors de mon déplacement, notamment à celles qui travaillent dans les zones insalubres et qui mènent avec un grand dévouement une action nécessaire et difficile : il est de notre devoir de leur donner les moyens d'agir.

À ce sujet, le Premier ministre, lors de son voyage aux Antilles, a pris un certain nombre d'engagements, dont celui d'abonder de 120 millions d'euros les crédits en faveur du logement. Monsieur le ministre, vous avez apporté des précisions lors de la discussion à l'Assemblée nationale des crédits de l'outre-mer. Nous attendons de votre part tous les éclairages possibles.

À ce stade, voici ce que l'on peut en dire, sous votre contrôle, monsieur le ministre, et j'espère que vous aurez au cours du débat l'occasion de nous apporter les compléments d'information nécessaires.

Afin d'honorer la dette de l'État - il s'agit effectivement d'impayés -, vous avez dégagé 60 millions d'euros, en provenance pour moitié de la Caisse des dépôts et consignations, grâce à un prélèvement sur les sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI, et pour moitié de crédits budgétaires proprement dits, dont une partie vient de fonds de tiroirs que vous avez raclés et une autre partie d'une anticipation de 12 millions d'euros sur ce qui va être prévu dans le collectif budgétaire. Vous soldez une partie de la dette, c'est bien, car celle-ci devient inquiétante : je le répète, elle porte atteinte non seulement au logement social, auquel nous sommes attachés, mais également à l'économie locale, qui s'appuie fortement sur la construction de logements.

Nous nous posons cependant une question. D'après vos déclarations, 60 millions d'euros supplémentaires seraient ouverts en autorisations d'engagement dans le collectif pour 2006, et 60 millions ensuite répartis sur 2007, 2008 et 2009. Mais, pour « couvrir » la première tranche de 60 millions d'euros - cela figure dans le collectif, je ne l'invente pas -, vous avez inscrit 25 millions d'euros de crédits de paiement. Ces 25 millions étant déjà amputés des 12 millions prélevés pour faire face à la situation que j'ai décrite, il vous resterait théoriquement, en 2007, par rapport aux crédits inscrits au projet de budget, outre le supplément de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement, seulement 13 millions d'euros de crédits de paiement. Cela signifie que la situation que nous déplorons aujourd'hui ne va pas s'améliorer ! Les chiffres que je viens de citer me paraissent indiscutables ; aussi, monsieur le ministre, j'attends que vous nous apportiez des précisions sur ce sujet.

L'initiative que vous avez prise avec le Premier ministre appelle de ma part deux remarques.

La première est qu'il est extrêmement satisfaisant que le Premier ministre et vous-même ayez entendu les appels lancés par les élus d'outre-mer et par nous tous. Il faut vous rendre cet hommage, monsieur le ministre : les engagements de l'État en 2006 seront beaucoup mieux tenus, grâce à l'apport cette année de ces 60 millions d'euros en crédits de paiement, c'est exact. Il s'agissait d'une nécessité absolue pour l'activité locale ; encore fallait-il qu'elle se traduise sur le plan budgétaire ! C'est aujourd'hui le cas, l'incertitude ne valant que pour l'année prochaine.

Ma seconde remarque sera plus nuancée. J'ai eu le sentiment, lors de l'élaboration du rapport d'information, qu'on avait laissé se creuser depuis plusieurs années un écart sans cesse croissant entre les autorisations de programme, devenues autorisations d'engagement, et les crédits de paiement. Cet écart a conduit de nombreux entrepreneurs au bord de la faillite, tant l'État a eu du mal à honorer sa parole.

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