Intervention de Adrien Giraud

Réunion du 6 décembre 2006 à 11h00
Loi de finances pour 2007 — Outre-mer

Photo de Adrien GiraudAdrien Giraud :

Notre collectivité départementale, quant à elle, recevra, entre 2004 et 2008, environ 15 millions d'euros du FED. Cette comparaison n'a qu'une valeur indicative, mais, à mes yeux, monsieur le ministre, elle suffit à faire apparaître une inégalité de traitement qui ressemble fort à une injustice.

Au sein même de la nation française, la Communauté européenne aide beaucoup moins ceux qui en ont le plus besoin : ainsi, le département de la Réunion - je demande également à mes collègues de la Réunion de bien vouloir m'excuser pour cette nouvelle comparaison - s'est vu allouer, dans la même période, 1, 5 milliard d'euros, soit cent fois plus que Mayotte.

Pour tenter de justifier de tels écarts, de savants juristes - ou prétendus tels - nous expliquent que les DOM français sont des régions ultrapériphériques, alors que Mayotte ne l'est pas. « Voilà pourquoi votre fille est muette ! » dirait Molière.

En réalité, monsieur le ministre de l'outre-mer, il est plus que temps de corriger cette anomalie, qui demeure, en dépit de nombreuses requêtes, un véritable obstacle aux progrès de la collectivité départementale de Mayotte. Il faut tenir compte des réalités économiques et sociales, ainsi que des retards structurels, évidents, au lieu de s'en tenir à des critères juridiques, nécessairement abstraits.

Comme le Président de la République s'en est lui-même expliqué lors de son dernier voyage officiel à Mayotte, à l'instar de plusieurs de vos prédécesseurs, l'engagement a été pris de négocier auprès de la Commission européenne l'éligibilité de notre collectivité départementale aux fonds structurels.

Monsieur le ministre, je vous ai moi-même interrogé sur l'évolution de ce dossier si important à nos yeux. Vous en conviendrez sans doute, pour le développement de leur territoire, les Mahorais n'ont obtenu jusqu'ici que des réponses très évasives et, finalement, incertaines. Il n'est pas douteux que la question du statut européen de Mayotte figurera, pour nous, au nombre des enjeux des prochaines consultations nationales.

En attendant, une nouvelle occasion se présente à vous de régler enfin ce problème qui n'a que trop duré.

Lors de votre récente audition par la commission des lois du Sénat, vous avez indiqué que vos services avaient reçu la mission d'engager avec la Commission européenne les négociations destinées à permettre aux collectivités antillaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy de conserver, en dépit de leur changement de statut, le bénéfice des fonds structurels européens pour la période 2007-2013.

Cette indication est pour nous fort éclairante : elle signifie que le statut départemental n'est pas, comme on l'a souvent prétendu, une condition d'octroi des fonds structurels européens.

En conséquence, au nom des Mahorais, je vous demande de bien vouloir évoquer devant la Commission européenne le dossier de Mayotte, en même temps que celui de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Selon nous, l'argument est simple : aucun territoire ne peut être plus ultrapériphérique que Mayotte, en raison des distances, de l'insularité, des retards historiques et des handicaps structurels qui pénalisent ses efforts.

Notre collectivité départementale doit pouvoir combler les écarts de développement qu'elle subit, du fait de l'ambiguïté et des incertitudes de notre système institutionnel. L'éligibilité de Mayotte aux fonds structurels européens est une première réponse à apporter aux attentes, aux demandes et aux besoins de la population mahoraise.

Un autre sujet de préoccupation réside, monsieur le ministre, dans la maîtrise encore bien insuffisante des flux migratoires étrangers vers Mayotte. Certes, l'immigration clandestine menace l'équilibre de plusieurs départements et collectivités d'outre-mer. Mais, ici encore, les spécificités mahoraises s'imposent à l'attention de tous : l'étroitesse de notre territoire, l'insuffisance persistante de nos équipements, les lacunes criantes de la protection sociale de notre population, les déséquilibres du marché de l'emploi, tout concourt à aggraver les inconvénients de l'afflux d'immigrés clandestins, venus pour l'essentiel des Comores voisines.

Confrontés à cette « émigration de la misère », nous voyons bien les conditions inhumaines que s'imposent ces populations déshéritées. Nous combattons, à Mayotte même, les abus dont elles sont souvent victimes. Mais nous sommes aussi contraints de limiter les atteintes portées à l'environnement mahorais par des habitats insalubres, eux-mêmes clandestins, ainsi que les surcharges abusives subies par nos établissements hospitaliers et de soins ou par notre système d'enseignement.

C'est pourquoi nous préconisons deux séries de mesures.

Tout d'abord, le renforcement de la surveillance de nos côtes s'impose désormais comme une mesure de survie pour Mayotte, qui est menacée dans tous ses équilibres et dans sa tranquillité. Une telle surveillance permettra également d'éviter bien des drames humains, liés aux multiples dangers des traversées maritimes, généralement nocturnes, entre les îles. Au demeurant, il est clair que les reconduites à la frontière des clandestins n'empêcheront pas de nouveaux départs à destination de Mayotte, de la Réunion ou du territoire métropolitain de la France.

Je souhaite d'ailleurs rendre hommage à nos forces de gendarmerie et de police pour le travail exceptionnel accompli lors de leurs difficiles missions.

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