Intervention de Georges Othily

Réunion du 6 décembre 2006 à 11h00
Loi de finances pour 2007 — Outre-mer

Photo de Georges OthilyGeorges Othily :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il est des territoires qui ont tellement plus de handicaps que, si on ne leur donne pas plus qu'aux autres, ils ne pourront pas s'en sortir. ». L'auteur de cette phrase très juste n'est autre qu'un candidat, désormais officiellement déclaré à l'élection présidentielle, qui, par ailleurs, dirige l'exécutif d'un territoire connu pour être le département le plus riche de France.

Si cette phrase constitue déjà en elle-même tout un programme pour notre pays, elle s'adapte parfaitement à la situation et aux enjeux des régions ultrapériphériques que sont les collectivités françaises d'outre-mer. Et c'est parce que ces territoires connaissent des situations spécifiques et font face à des difficultés complexes qu'ils nécessitent davantage de moyens budgétaires et financiers.

Les collectivités d'outre-mer, au même titre que le reste du territoire français, bénéficient des crédits du budget de l'État répartis dans l'ensemble des ministères. Mais, en raison de leur spécificité, ces collectivités se répartissent les crédits de leur propre ministère, crédits qui représentent donc une part, et non la totalité, de l'effort national en faveur de l'outre-mer, puisque celui-ci peut être chiffré à hauteur de 13 milliards d'euros pour 2007.

Concernant la seule fraction spécifique du budget de l'État, celle qui nous intéresse aujourd'hui et qui correspond à la mission « Outre-mer », elle s'élève en valeur absolue à 1 963 millions d'euros pour 2007, contre 1 898 millions dans le précédent budget. Aussi, globalement, il est bien de dire que notre pays maintient son effort de solidarité en direction de l'outre-mer et de ses besoins spécifiques, et ce dans un contexte budgétaire que nous savons difficile. Mais reconnaissons aussi que cela reste insuffisant, car la plus belle France ne peut donner que ce qu'elle a...

La situation des territoires d'outre-mer, vous le savez bien, monsieur le ministre, est, elle aussi, particulièrement difficile, à tel point que, dans beaucoup de secteurs, elle est proche de la crise, voire de la rupture, mais - hélas ! - pas de la « rupture tranquille » !

S'agissant de la Guyane, les crédits de l'outre-mer lui accordent 990 387 milliers d'euros, ce qui en fait le moins bien loti des quatre départements d'outre-mer. Par ailleurs, je remarque, à la lecture de l'excellent rapport de la commission des finances, que d'importantes variations de crédits existent, parfois assez surprenantes, il faut bien le dire, entre les différents types de collectivités d'outre-mer, a fortiori si on ramène cette répartition per capita.

Pourtant, je crois pouvoir dire sous votre contrôle, monsieur le ministre, que la Guyane est le département d'outre-mer qui doit faire face aux plus grandes difficultés et aux situations les plus urgentes.

Le contrat de projet 2007-2013 prévoit, c'est vrai, une dotation quatre fois supérieure à la moyenne nationale par habitant ; il prévoit aussi un pôle d'excellence rurale pour aider l'est guyanais et un pôle universitaire pour déclencher des dynamiques de développement.

Toutefois, malgré cette volonté politique réelle, force est de constater que les moyens financiers ne sont pas à la hauteur des enjeux que doivent affronter les collectivités de Guyane et que leurs dotations demeurent encore trop insuffisantes. En effet, la grande fragilité de leur situation financière constitue un frein à leur capacité d'investissement.

À cela s'ajoute la non-compensation par l'État des charges générées par le transfert des compétences. Pour le seul RMI, le département de la Guyane doit jongler avec une dette cumulée sur deux ans de plus de 25 millions d'euros. Quant au financement du transport scolaire fluvial, sur des fleuves non navigables juridiquement, il coûte à la collectivité départementale près de 2 millions d'euros.

Concernant le logement et la très grave crise que traverse son financement - question abordée déjà par nombre de mes collègues -, il en va pour la Guyane comme pour l'outre-mer en général : il faut refaire du logement une « priorité réelle ».

Comme tous mes collègues ultramarins, je me réjouis, bien sûr, de l'affectation annoncée par le Gouvernement de 120 millions d'euros de crédits supplémentaires pour le logement social et de l'application du plan Borloo outre-mer.

Ainsi, lors de son récent déplacement aux Antilles, le Premier Ministre a donné un signal fort en annonçant un plan de rattrapage exceptionnel des crédits de paiement avec des effets attendus dès le début de l'année 2007.

Enfin, pour clore ce thème essentiel du logement, vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, qu'en Guyane, au manque de logements et au mauvais état du parc immobilier, vient s'ajouter le problème sensible des occupations et des constructions illicites sur des terrains aussi bien privés que publics.

Une habilitation à légiférer par ordonnance sur cette question des constructions illicites a été adoptée par le Sénat lors de l'examen du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Mais l'Assemblée nationale ne l'a pas encore examiné, et le temps presse.

D'ailleurs, ces occupations illégales sont à mettre en relation directe avec la présence massive d'immigrés clandestins sur le territoire guyanais. Car le développement économique de la Guyane passe inexorablement par la lutte contre l'immigration clandestine, qui atteint dans ce territoire des proportions totalement inacceptables - de l'ordre de 40 000 personnes -, mettant en péril son équilibre aussi bien démographique qu'économique et social.

Cette forte immigration clandestine se caractérise par ce que j'appelle depuis longtemps une « immigration-guichets », puisque ces populations viennent exclusivement pour bénéficier de prestations sociales en tout genre, prestations qui, aussitôt touchées, sont envoyées pour une très large part vers les pays d'origine.

Bien loin de nous apporter un soutien pour accélérer notre développement économique, cette immigration clandestine l'handicape et le retarde très fortement du fait de son coût sans fin, véritable tonneau des Danaïdes.

J'ai bien conscience, monsieur le ministre, que le Gouvernement et vous-même n'êtes pas restés sans réagir, notamment en acceptant des amendements que j'avais déposés sur les derniers textes spécifiques à l'outre-mer que notre assemblée a eu à examiner.

Toutefois, nous ne pourrons faire l'économie d'un texte spécifique à la Guyane, qui donnera à ses élus les moyens d'adapter la législation à sa situation locale si particulière, dans ce domaine de l'immigration clandestine comme dans bien d'autres.

Car c'est désormais l'ordre public lui-même qui est en péril. L'insécurité explose. L'exaspération des Guyanais grandit face à la multiplication des actes de violence. Des manifestations et des opérations « ville morte » sont régulièrement organisées.

Il y a peu, les habitants de Kourou, excédés par les vols et agressions à répétition au quotidien, ont manifesté leur colère en défilant dans les rues et en fermant les commerces.

Des élus de Kourou, accompagnés du député et du maire, ont été reçus par des conseillers du ministre de l'intérieur.

La Guyane, monsieur le ministre, est un territoire français qui a besoin, plus que beaucoup d'autres, de nombreux investissements financiers de la part de l'État, selon une logique d'équité et de solidarité entre les territoires.

En ce moment, une importante grève des agents d'EDF paralyse fortement la production et la consommation d'électricité aux Antilles et en Guyane. Ces personnels sont très inquiets parce qu'ils pensent que la production du service public de l'énergie dans les territoires d'outre-mer est davantage fragilisée qu'elle ne l'est en France hexagonale.

Une fois de plus, leurs inquiétudes légitimes traduisent une crainte constante d'être les laissés-pour-compte de la République. Ils ont besoin de mesures concrètes, monsieur le ministre, mais aussi de signaux forts de la part du Gouvernement, et notamment de votre part.

Aujourd'hui, dans une conjoncture économique difficile et à la veille d'échéances électorales majeures, le budget de l'outre-mer fait plus que résister : il réaffirme malgré tout l'effort de la nation en faveur de ces territoires du bout du monde. Et même s'il ne réglera pas tout, tout de suite, ce budget a le mérite de la sincérité et de l'aveu de ses limites.

Il emprunte néanmoins le bon chemin, ce qui ne l'empêchera pas à l'avenir d'être nécessairement plus ambitieux et, bien sûr, de se donner les moyens de ses ambitions.

Aussi, mes chers collègues le sénateur de la Guyane, parce qu'il est responsable, confiant et plein d'espérances, votera les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2007.

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