Intervention de Lucette Michaux-Chevry

Réunion du 6 décembre 2006 à 11h00
Loi de finances pour 2007 — Outre-mer

Photo de Lucette Michaux-ChevryLucette Michaux-Chevry :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à souligner le bilan positif de l'action gouvernementale, marquée, d'une part, par le respect des engagements pris et, d'autre part, par la prise en compte de l'acuité des problèmes de l'outre-mer du fait de leur particularisme.

Soulignons notamment la loi de programme pour l'outre-mer, qui a rompu avec le traitement social du développement et qui a créé les conditions de redynamisation du secteur productif.

Rappelons les efforts réalisés pour améliorer la continuité territoriale.

Évoquons par ailleurs les nouveaux dispositifs mis en place pour régler les flux migratoires et relever les infractions commises par l'entrée irrégulière des étrangers, grâce à une mesure portant notamment sur l'immobilisation des véhicules terrestres, des aéronefs et des navires.

Notons, de plus, monsieur le ministre, l'intervention pragmatique du Gouvernement auprès des instances communautaires pour maintenir le régime de l'octroi de mer jusqu'en juillet 2014, précisément pour défendre les productions locales face aux négative lists de la Caraïbe.

Relevons, enfin, la réforme constitutionnelle voulue par M. le président de la République, qui permettait la modernisation du statut des collectivités tout en respectant leurs populations, en tenant compte de leur particularisme et en maintenant leur ancrage dans la République.

Le 7 décembre 2003, la Guadeloupe a fui ses responsabilités. La France de l'outre-mer connaît, vous le savez, de nombreux handicaps structurels du fait de son éloignement, de sa dispersion, et surtout de son caractère insulaire.

Depuis 1986, sur l'initiative de l'actuel Président de la République, une attention toute particulière portée à ces terres lointaines a permis d'atténuer leur retard de développement ; je veux parler des nombreux mémorandums déposés auprès des instances communautaires. Et c'est l'action que vous poursuivez, monsieur le ministre.

Même si nous enregistrons, en Guadeloupe, une certaine tendance administrative au maintien d'un impact trop marqué sur le terrain, ce qui n'est pas tolérable, nous devons toutefois admettre votre volonté de conserver la reconnaissance de nos identités particulières et de nous soutenir dans nos responsabilités locales.

En dépit des contraintes qu'imposent les finances publiques et que nous devons avoir le courage de reconnaître, les engagements de l'État pour l'outre-mer ont été reconduits. En effet, les crédits de paiement directement gérés par votre ministère sont en hausse, particulièrement ceux qui concernent le logement, la continuité territoriale et le « passeport mobilité ».

Vous avez fait souvent acte de courage, monsieur le ministre. Souvenons-nous de la tempête déclenchée par vos propos à Mayotte relatifs aux effets dévastateurs de l'immigration. Il fallait du courage politique pour le dire ! Et vous avez eu raison, car il s'est ensuivi une réelle prise de conscience de la réalité des problèmes de l'outre-mer.

Mais notre grande inquiétude sur l'immigration clandestine et ses lourdes conséquences connaît un apaisement à la suite de l'annonce faite par le Gouvernement de mesures concrètes visant à réaffirmer l'état de droit sur nos territoires, même si nous nous devons de rester toujours très vigilants dans ce domaine.

Pour ce qui est de l'emploi, le projet de budget de la mission « Outre-mer » affecte tout de même 60 % des crédits à la lutte contre le chômage. Pourtant, il faut avoir le courage de dire que nous devons inverser la tendance à l'assistanat. Nous demandons plus de crédits en faveur du dispositif du RMI, comme si nous voulions inciter les gens à ne pas travailler ! Nous demandons plus de crédits pour le logement, comme si chacun ne devait pas, comme nos aînés, apporter sa contribution à son logement ! Certes, l'État doit accomplir des efforts, mais cela n'empêche pas une participation active ; c'est une question de dignité, et c'est là toute la force de l'outre-mer !

Votre projet de budget est donc courageux, monsieur le ministre. Il est plus juste, car il tend à gommer les inégalités qui frappent l'outre-mer. Il est cohérent et respectueux des engagements du Gouvernement.

À ce stade de mon intervention, permettez-moi d'évoquer quelques problèmes touchant en particulier au logement, à l'équipement des réseaux, à la justice, à la coopération et à la jeunesse.

Le sujet du logement ayant été abordé par tous les intervenants précédents, j'insisterai pour ma part sur l'amélioration des conditions de logement et la nécessité de trouver des solutions pour le monde agricole et les personnes âgées.

Compte tenu de la faiblesse de leurs revenus, les personnes âgées peuvent difficilement financer la réhabilitation de leur logement. Il faut donc que les préfets, qui ont compétence dans ce domaine, utilisent la ligne budgétaire unique pour permettre à une population qui n'a jamais bénéficié d'aucun soutien, ni du RMI, ni de l'aide au logement, ni même parfois de la sécurité sociale, d'accéder au moins aux logements sociaux.

S'agissant de la construction de logements, nous ne pouvons plus continuer à voir une concentration excessive de population dans certains logements, en particulier dans nos campagnes. De même, il importe de souligner le manque d'entretien de la part des bailleurs.

Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur les graves retards enregistrés en matière de réseaux d'eau potable, d'assainissement, de stations d'épuration et de gestion des déchets. Aucune mesure n'est prise en Guadeloupe dans le domaine des déchets et la situation est préoccupante : d'un côté, les deux usines de traitement existantes sont fermées, de l'autre il est proposé de créer un centre de stockage des déchets ultimes. Comment stocker ces derniers s'il n'y a pas eu de traitement des déchets ?

J'en viens à la justice. Incontestablement, un effort considérable a été réalisé en vue de l'amélioration de la situation carcérale, grâce à un certain nombre de projets d'agrandissement. En Guadeloupe, il s'agit notamment de la prison de Basse-Terre, du palais de justice et, surtout, de la rénovation extrêmement intéressante de l'ancienne gendarmerie de Pointe-à-Pitre pour accueillir les services de l'instruction judiciaire.

Il reste toutefois un effort à accomplir - et c'est la juriste qui parle - pour remédier au manque de greffiers.

En outre, les crédits font défaut pour mener à bien les expertises. L'absence d'expertise est inadmissible dans des dossiers particulièrement sensibles, comme ceux concernant les viols, puisque, faute de preuves intangibles, le juge d'instruction est obligé de libérer le prévenu au terme d'un certain délai.

Dans le domaine de la coopération, les mesures mises en place avec l'ensemble des pays de la Caraïbe permettent de lutter de façon plus intelligente contre l'immigration clandestine. La convention en matière de police signée en 2005 et les accords de réadmission et de circulation de 2006 ont donné des résultats positifs.

Cependant, compte tenu de la modification qui a été apportée au statut de Saint-Martin, l'accord franco-néerlandais est figé depuis quelques années. Même si elle n'en porte pas la responsabilité, la France doit imposer une renégociation de cet accord afin de l'étendre à de nombreux domaines. Par exemple, il n'est pas acceptable de voir des étrangers entrer dans la zone hollandaise et, après avoir acquitté les taxes aéroportuaires, venir se faire soigner gratuitement dans les hôpitaux français !

Par ailleurs, j'insiste sur la perception d'une présence française trop administrative et diplomatique au sein de l'Association des États de la Caraïbe, l'AEC. Les relations ont perdu la souplesse voulue à l'origine par le Président de la République, les présidents des collectivités régionales et départementales ayant laissé peu à peu la place aux diplomates, ce qui ne correspond pas à la réalité des problèmes dans la zone.

Le rôle de la France dans cette partie du monde est primordial, car elle doit montrer la voie de la stabilité et de l'efficacité des actions régionales.

J'évoquerai enfin une question qui me tient à coeur : la violence provoquée par l'usage des drogues qui détruisent notre jeunesse.

À cet égard, les femmes de Guadeloupe vivent dans la peur d'être souillées par de jeunes drogués, depuis qu'un certain nombre d'agressions ont été perpétrées en plein jour à l'encontre de femmes, pourtant sportives et battantes.

Je ne souhaite pas que la société que nous sommes en train de bâtir détruise le patrimoine qui nous est le plus cher et le plus précieux : notre jeunesse.

Certes, monsieur le ministre, vous avez fait mettre en place un certain nombre de structures d'information, de dialogue, d'écoute, de concertation, d'échange avec notre jeunesse. Il importe de les renforcer, particulièrement dans le domaine de la justice, pour apaiser ce climat d'agressivité et d'incompréhension entre ceux qui n'ont pas de travail et les autres. Ne l'oublions pas, la jeunesse qui vit dans le désoeuvrement a besoin de la culture de l'espoir.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, je soutiendrai votre action et je voterai votre budget.

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