Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 6 décembre 2006 à 22h00
Loi de finances pour 2007 — Sécurité

Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier les rapporteurs et chacun des intervenants de l'attention qu'ils ont manifestée à l'égard de la gendarmerie.

Nous examinons aujourd'hui le dernier budget de la législature pour la gendarmerie, c'est aussi le dernier de la période de programmation prévue par la LOPSI. Il conforte quatre années d'action destinées à donner à la gendarmerie les moyens de ses missions.

Ce budget, qui accompagne aussi un renouveau de grande ampleur de la gendarmerie, s'inscrit strictement dans l'exécution de la LOPSI.

Les crédits du programme « Gendarmerie nationale » augmentent de 2, 9 %, c'est-à-dire plus fortement que ceux de l'ensemble de la mission « Sécurité », dont la hausse est déjà supérieure à celle de bien d'autres missions. Cette augmentation correspond à ma détermination à donner à la gendarmerie les moyens nécessaires à l'exercice de ses missions.

Depuis 2002, les crédits que vous avez votés pour la gendarmerie ont toujours été sanctuarisés et utilisés conformément à ce qui était prévu. Cet argent n'a pas été utilisé, comme je l'entends dire parfois, pour les besoins des armées, qui ont bénéficié de crédits dans le cadre de la loi de programmation militaire, la LPM. Comme j'ai eu l'occasion de vous l'exposer hier, ici même, la LPM entre, elle aussi, dans sa dernière année d'une exécution tout à fait conforme aux prévisions.

Quels sont les moyens de la gendarmerie ?

La gendarmerie, c'est tout d'abord plus de 100 000 hommes et femmes. Moins nombreux que leurs collègues policiers, les gendarmes assurent la sécurité des Français sur 96 % du territoire, dans des conditions parfois difficiles et risquées.

En cet instant, nous serons tous d'accord pour leur rendre un hommage solennel. Depuis un an, douze gendarmes sont morts en service et 1 645 autres ont été blessés. Ne les oublions pas !

En 2007, 950 emplois de gendarmes seront créés. Cela porte à 6 050 le nombre d'emplois créés pour la gendarmerie en cinq ans, soit une augmentation des effectifs de 6 %. Bien peu de corps de fonctionnaires, militaire ou civil, ont connu une évolution comparable depuis 2002.

Monsieur Faure, cette augmentation est quasiment le maximum que l'on puisse faire, compte tenu de la capacité d'accueil des écoles de la gendarmerie. On peut certes créer des postes, mais encore faut-il que ces personnels soient formés avant d'être envoyés sur le terrain. Les 950 derniers postes ne seront donc créés qu'en 2008, en raison de cette insuffisante capacité d'absorption.

Monsieur Barbier, nous avons des difficultés à nous occuper de la formation des policiers municipaux puisque nous n'arrivons déjà pas à assurer celle de la totalité des gendarmes dont les emplois peuvent être mis à notre disposition.

Je voudrais rassurer M. Courtois : les gendarmes recrutés sur ces nouveaux emplois sont affectés prioritairement aux missions d'ordre et de sécurité publics. Je tiens à ce qu'ils soient prioritairement affectés à ces missions au plus près du terrain, comme je le rappelle régulièrement à la direction générale de la gendarmerie nationale. Ce n'est pas dans les états-majors que nous avons le plus besoin de gendarmes, mais bien sûr le terrain, dans nos communes.

L'effort porte aussi sur la réserve. Les réservistes de la gendarmerie jouent un rôle particulièrement actif. Leur importance est reconnue : les crédits, en 2007, atteindront 41 millions d'euros. Les 25 000 réservistes représenteront un doublement de leur nombre par rapport à 2002.

En faisant défiler, pour la première fois, des réservistes de la gendarmerie le 14 juillet dernier sur les Champs-Elysées, j'ai voulu que la nation leur rende hommage pour leur participation directe à la sécurité des Français. Ils y ont été sensibles.

Au-delà des effectifs, il est essentiel de veiller à la condition des personnels.

Le plan d'adaptation des grades aux emplois que j'ai lancé en 2004, mis en oeuvre pour la troisième année consécutive, renforce la capacité d'encadrement en ouvrant notamment de nouvelles perspectives aux sous-officiers : 750 postes d'officiers et 634 de sous-officiers supérieurs seront créés par transformation de postes de sous-officiers. En trois ans, 64 millions d'euros auront été consacrés à ce plan.

Les crédits d'investissement, qui sont les moyens matériels mis à la disposition des gendarmes, ouverts au titre de la LOPSI augmentent de 10 % en 2007. Ils s'élèvent à 220 millions d'euros. La gendarmerie bénéficie de plus, au même titre que les armées, de l'effort budgétaire réalisé par la LPM. Au total, la gendarmerie recevra 570 millions d'euros.

Ces crédits permettront de commander en 2007 les nouveaux véhicules blindés de la gendarmerie. Ceux-ci doivent remplacer les véhicules actuels, qui datent de la fin des années soixante et dont le taux de disponibilité est inférieur à 60 %.

Comme l'a souligné M. Jean Faure, les 97 millions d'euros d'autorisations d'engagement permettront de commander les 78 premiers véhicules sur les 122 attendus. Le marché sera notifié en début de l'année 2007, pour une première livraison en 2008.

Le remplacement des véhicules blindés s'ajoute au renouvellement du parc d'hélicoptères. En 2006, les marchés de renouvellement des hélicoptères d'intervention et de surveillance ont été mis en oeuvre comme prévu.

Il s'agit ensuite des équipements de terrain, comme les nouvelles tenues, les gilets pare-balles et les pistolets de nouvelle génération. Les escadrons de gendarmerie mobile sont progressivement équipés du nouveau véhicule de groupe. Les télécommunications et l'informatique ne sont pas oubliées : 100 millions d'euros y seront consacrés l'an prochain.

En matière d'immobilier, élément clé de la gendarmerie et de la disponibilité des personnels, j'ai obtenu les moyens de dynamiser notre politique. En plus des 220 millions d'euros, 400 millions d'euros permettront cinq opérations immobilières de grande ampleur réalisées selon l'article 3 de la LOPSI.

Parmi elles, le transfert du siège de la gendarmerie nationale à Issy-les-Moulineaux permettra de regrouper en 2008 douze sites aujourd'hui dispersés à Paris et en banlieue.

En 2007, plus de 4 000 unités de logement seront mises en chantier. Les constructions domaniales augmenteront de 130 % et, comme cette politique a été lancée depuis un certain temps, le nombre de livraisons fera plus que doubler en 2007 par rapport à la moyenne de 2003-2006, avec près de 3 000 unités de logement livrées.

Le succès des la formule des baux emphytéotiques administratifs, les BEA, n'est plus à démontrer. Comme l'ont remarqué MM. Faure et de Montesquiou, il faut être vigilant car les BEA contribuent à l'augmentation des charges de loyers, d'autant plus que certains opérateurs se montrent particulièrement gourmands. Il n'est pas admissible qu'un intervenant opérateur s'installe en situation de quasi-monopole, en particulier au motif de son statut public. Il doit y avoir une mise en concurrence.

J'ai proposé au ministre délégué au budget d'aménager le décret de 1993 relatif aux subventions d'investissement afin de le rendre plus attractif pour les collectivités locales, car elles nous permettent de renouveler plus rapidement le parc immobilier de la gendarmerie, qui laisse encore beaucoup à désirer dans certains endroits. Nous manquons de moyens parce que des constructions sont nécessaires, mais aussi parce que le parc est mal entretenu.

Afin d'améliorer la qualité de l'entretien du parc immobilier, j'ai décidé de lancer une première phase d'externalisation de la gestion des logements de gendarmerie, en commençant en particulier par les lieux où l'entretien laissait le plus à désirer. Le mauvais état du parc prouvait l'inefficacité de l'ancien système. L'externalisation est une nouvelle voie très pragmatique pour améliorer la situation.

La première phase concernera trois ensembles : les gendarmeries du Nord et de Picardie, quatorze casernes domaniales d'Île-de-France et six casernes domaniales de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ces trois appels d'offres aboutiront à la sélection des lauréats à la fin du premier trimestre prochain.

Au bilan, la mise en oeuvre de la LOPSI pour la gendarmerie représente une des réussites du Gouvernement. Bien entendu, comme pour la police, les objectifs quantitatifs n'ont pas encore été totalement atteints. Ainsi que je le soulignais à l'été 2002, la mise en oeuvre de la LOPSI aurait été plus facile si elle avait été annualisée, comme la LPM, ce qui aurait permis un meilleur suivi.

Néanmoins, le coup d'accélérateur que j'ai donné à la LOPSI depuis deux ans, avec votre soutien, ce dont je vous remercie, a quasiment permis d'effacer les retards résultant des négociations budgétaires de l'été 2004.

Aujourd'hui, la gendarmerie nationale est prête à répondre aux missions qui lui ont été fixées, ce qui représente un bel effort et un bon résultat depuis 2002.

Cette amélioration budgétaire s'est accompagnée d'un renouveau profond de la gendarmerie.

D'abord, nous constatons que, aujourd'hui, la gendarmerie est encore plus efficace. Les principaux objectifs en matière de délinquance sont atteints. Les résultats en matière de sécurité routière sont remarquables. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit à ce sujet Christian Estrosi.

Je note ensuite les succès récents de la gendarmerie, en complément d'ailleurs de la police nationale, dans la lutte contre l'immigration irrégulière. Au cours des huit premiers mois de l'année, le nombre de personnes mises en cause par la gendarmerie pour avoir facilité l'immigration illégale a augmenté de 60 %.

Je veux enfin souligner la participation de la gendarmerie dans la lutte contre le terrorisme, à travers notamment l'action quotidienne des unités, l'emploi des unités spécifiques et la protection des points sensibles, aussi bien en France qu'à l'étranger.

Au-delà de ces résultats concrets, je tiens également à souligner devant vous les changements majeurs qui font que la gendarmerie de 2007 ne ressemble plus à la gendarmerie de 2002.

D'abord, le caractère militaire de la gendarmerie est confirmé. Le retour au recrutement des officiers par les écoles supérieures militaires, la place significative de la gendarmerie dans le nouveau statut général des militaires et la nomination d'un officier général à sa tête renforcent son caractère militaire.

Dans le même temps, la coopération avec les armées est devenue une réalité quotidienne, qui va bien au-delà des 5 % d'activité militaire dont j'entends parler de temps à autre. Par exemple, la gendarmerie maritime et la marine travaillent main dans la main pour la défense de nos côtes et de nos ports.

La gendarmerie de l'air et l'armée de l'air assurent la continuité de la défense de l'espace aérien, comme l'a d'ailleurs montré l'interception récente d'un ULM aux environs de la centrale nucléaire de Flamanville.

L'action de la gendarmerie sur certains territoires, notamment outre-mer, requiert, comme je l'ai constaté il y a peu dans les Antilles et en Guyane, un lien étroit avec l'armée de terre. Ce lien se manifeste de plus en plus.

Je tiens à dire que je suis favorable à une interarmisation poussée de nos moyens. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai demandé à l'armée de l'air et à l'armée de terre de mettre de façon permanente des moyens aéroportés à la disposition du GSIGN, le groupe de sécurité et d'intervention de la gendarmerie nationale, à Satory.

Le caractère militaire de la gendarmerie n'empêche pas une excellente collaboration avec la police, monsieur Goujon, notamment dans les groupements d'intervention régionaux, dans le réseau des attachés de sécurité intérieure ou encore concernant le fichier national automatisé des empreintes génétiques.

Mais, plus que jamais, la gendarmerie est une force armée parmi d'autres, conformément à nos principes républicains, qui ont toujours su éviter le regroupement des forces de sécurité. La gendarmerie doit donc demeurer sous la responsabilité du ministre de la défense.

Dans le même temps, les cadres d'emploi de la gendarmerie se sont diversifiés. L'action de la gendarmerie ne se limite pas à ses missions de police. Elle intervient d'abord dans le cadre des opérations intérieures, les OPINT, lors des sommets internationaux ou en cas de catastrophe naturelle.

Grâce à la réaffirmation de son caractère militaire, les missions exercées sous l'autorité du chef d'état-major des armées sont en pleine expansion.

Près de 600 gendarmes sont actuellement en opérations extérieures. Sur des théâtres en cours de stabilisation, leur présence est extrêmement utile et appréciée, compte tenu de l'éventail des actions qu'ils sont susceptibles de mener, depuis les actions de simple police jusqu'aux actions de haute intensité. Je compte favoriser ces déploiements.

M. Faure a raison de le souligner : le budget que j'ai l'honneur de vous présenter comporte une provision pour les OPEX de 15 millions d'euros pour la gendarmerie. C'est une grande première ! Le budget s'en trouve ainsi clarifié. Cette provision facilitera les OPEX menées par la gendarmerie.

La gendarmerie exerce aussi ses missions dans un cadre européen, au sein de la Force de gendarmerie européenne. Cette force, dont la création avait été proposée par la France à Rome, est devenue une réalité depuis 2004.

Les évolutions que j'ai lancées depuis 2002, mesdames, messieurs les sénateurs, sont appelées à se poursuivre.

Je suis convaincue que, à l'avenir, la gendarmerie devra continuer de travailler de façon de plus en plus étroite avec les armées, comme avec la police, et que ses missions seront de plus en plus liées à l'Europe de la défense et de la sécurité.

Depuis 2002, l'organisation interne de la gendarmerie a profondément évolué.

Avec Nicolas Sarkozy, nous avons réussi dans les délais prévus les redéploiements police - gendarmerie. C'est un véritable succès, comme l'a souligné M. Karoutchi.

Les communautés de brigade ont toutes été mises en place. Je crois que la réforme a été bien comprise par les autorités administratives et judiciaires, mais aussi - je le constate au cours de mes déplacements - par les élus locaux.

Monsieur Rouvière, je pense que les résultats parlent d'eux-mêmes : augmentation des heures de patrouille, de jour comme de nuit, baisse de la délinquance. Toutefois, et je veux bien le reconnaître, cette réforme n'est pas totalement achevée. La mise en réseaux informatiques se termine. Elle facilitera désormais à la fois le commandement et le partage de l'information entre les gendarmes.

La réorganisation du commandement territorial a pris effet au 1er juillet 2005. Là aussi, les premiers retours d'expérience de cette nouvelle organisation sont positifs.

Enfin, la gendarmerie est engagée, avec le reste du ministère, dans la stratégie ministérielle de réforme. La politique d'externalisation - je vous en parlais tout à l'heure - et d'interarmisation a permis d'économiser 371 emplois en cinq ans et de supprimer 502 emplois vacants, sans aucun impact sur la capacité de la gendarmerie à remplir ses missions, ce qui prouve qu'on peut se renforcer tout en étant économe.

En conclusion, je vous dirai, mesdames, messieurs les sénateurs, que la gendarmerie a été l'une de mes priorités depuis cinq ans. Engagée tous azimuts, elle représente un élément important de notre politique de défense et de sécurité. Elle contribue à la tranquillité d'esprit et à la sécurité concrète des Français, ainsi qu'à la préservation de la paix intérieure et de nos institutions. Sa disponibilité totale, sa discipline militaire, son moral retrouvé, son encadrement renforcé en font une force d'avenir.

Permettez-moi de vous adresser à tous un message : tout cela a été fait et bien fait. Il ne faudra pas relâcher l'effort dans les années à venir. Nous devons tous rester mobilisés, parce qu'il y va de la sécurité des Français et de celle de la France.

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