Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 6 décembre 2006 à 22h00
Loi de finances pour 2007 — Sécurité civile

Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie les rapporteurs de leur analyse approfondie et pertinente des enjeux de la mission « Sécurité civile », et je vais m'efforcer de leur répondre, ainsi qu'aux orateurs, tout en apportant un éclairage sur les principales articulations du budget pour 2007 de cette mission.

Je commencerai par évoquer les grands programmes d'équipement en moyens aériens. En cinq ans, de 2002 à 2007, notre gouvernement aura à la fois remis à niveau et considérablement diversifié et modernisé la flotte de bombardiers d'eau.

Nous acquerrons en 2007 le douzième Canadair, perdu en 1997 mais qui n'a jamais été remplacé. Le rapporteur spécial, M. Haut, a demandé à juste titre des précisions sur le schéma de financement de l'acquisition de ce dernier aéronef, schéma qui n'était pas fixé au moment de la discussion devant l'Assemblée nationale. Un Canadair coûte environ 25 millions d'euros. Son financement fera appel, pour une part significative, soit environ 10 millions d'euros, à des économies réalisées par les services opérationnels de la sécurité civile et, pour une autre part, d'environ 15 millions d'euros, à des économies de constatation sur les dépenses du titre 2 des deux programmes de la mission « Sécurité civile ».

Le projet de loi de finances qui vous est soumis prévoit aussi l'achat de trois hélicoptères de type EC 145 afin de remplacer deux hélicoptères accidentés en 2003 et 2006 et d'amorcer le remplacement des Alouette III, qui seront retirés du service en 2008.

En 2005, 10 000 personnes ont été secourues par les personnels navigants de la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile, soit une toutes les heures. Une telle performance ne va pas sans risque : je songe, en ce moment précis, aux agents du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire morts à Gavarnie en juin dernier dans un accident d'hélicoptère.

Les personnels navigants du Groupement d'hélicoptères de la sécurité civile font, vous le savez, un métier très exposé ; ils le font avec générosité, ils le font avec un professionnalisme reconnu et dans le respect des procédures rigoureuses dans lesquelles ils effectuent efficacement des missions délicates ; malheureusement, cela n'a pas évité des accidents tragiques.

À MM. Haut et Vallet, je veux dire que nous achèverons aussi en 2007 le programme Dash, d'un montant de 58 millions d'euros. Cet avion ayant fait l'objet d'un certain nombre d'inquiétudes, le ministre d'État a voulu qu'il soit expérimenté cet été avant de prendre une décision définitive. Il s'est révélé rapide, puissant, précis, généralement décisif et a été apprécié par les sapeurs-pompiers en intervention. Il vient donc d'être officiellement intégré dans la flotte opérationnelle de la sécurité civile.

Nous avons conjugué cette modernisation des équipements avec un quadrillage préventif systématique des zones à risque, un engagement rapide des moyens aériens sur les feux naissants et une participation croissante des services de police et de gendarmerie à titre répressif. Cela a donné des résultats remarquables cette année, comme l'a noté M. Guené dans son rapport pour avis. Seuls 5 200 hectares ont été touchés par le feu en 2006 dans les départements méditerranéens, ce qui représente moins du quart de la moyenne décennale. Nous avons touché cette année les dividendes des efforts cohérents de stratégie et d'équipement menés depuis plusieurs années.

L'effort sur le contre-terrorisme continue. Le service du déminage a renforcé de 24 démineurs les postes chargés du déminage à Roissy et Orly. Il poursuivra en 2007 la modernisation de ses équipements avec l'achat de deux embarcations équipées pour l'intervention sur les ferries et la mise en place d'une deuxième chaîne de décontamination à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.

Ce budget poursuit et parfois achève le travail entrepris dans le domaine du pilotage, de la coordination de l'ensemble des moyens de secours en France. En 2002, à Martigues, j'avais annoncé la mise en place du projet ANTARES. Il s'agissait de mutualiser l'infrastructure déployée par l'État au profit de la police et au profit de tous les services publics qui concourent aux missions de sécurité civile.

C'est un pas de géant en termes de coordination des secours, comme le souligne à juste titre M. Guéné dans son remarquable rapport, alors que des SDIS voisins, en 2006 - au XXIe siècle ! - n'ont même pas de réseaux interopérables !

Ce projet représente 118 millions d'euros financés par un prélèvement consenti pour neuf ans, par vos représentants à la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, la CNSIS, sur le fonds d'aide à l'investissement des SDIS. Et c'est en trois ans seulement qu'ANTARES sera déployé sur tous les territoires non couverts par le réseau police.

ANTARES permet d'ailleurs une meilleure géolocalisation des sapeurs-pompiers en intervention et améliorera donc leur sécurité. Les expérimentations conduites avec succès en 2006 l'ont démontré.

Je voudrais, à ce stade, répondre aux interrogations exprimées par le président de la commission des finances et par les deux rapporteurs, MM. Claude Haut et Charles Guéné, sur le fonds d'aide à l'investissement des SDIS, le FAI.

On a adressé à ce fonds un certain nombre de critiques, pas toujours illégitimes d'ailleurs. La première est celle du saupoudrage. Pourtant, le FAI était au départ destiné à financer des priorités structurantes. C'est pour cela qu'il avait été créé dans la loi de finances de 2003.

Mais la totalité des équipements et matériels nécessaires aux missions des SDIS sont éligibles. Dès lors, la plupart des zones se limitent à répartir les subventions du fonds au prorata de la population DGF des départements, et peu d'entre elles sélectionnent réellement les catégories d'opérations à subventionner en fonction de leur intérêt structurel pour la zone de défense. On aboutit donc à un saupoudrage des crédits.

Nous devons mettre fin à ce saupoudrage et revenir à l'esprit initial du FAI. M. le rapporteur pour avis a eu raison de le rappeler. Un projet de réforme du décret du 16 septembre 2003, en cours d'écriture, permettra prochainement de recentrer ce fonds vers les orientations nationales partagées de la sécurité civile. Il sera prochainement discuté au sein de la Conférence nationale des services d'incendies et de secours, où siègent vos représentants.

On a ensuite dit du FAI qu'il ne consommait pas assez ses crédits, pour cause de complexité des circuits.

Sans attendre la réforme des principes, Nicolas Sarkozy a demandé au directeur de la défense et de la sécurité civile de simplifier et de dynamiser, en 2006, la gestion financière du fonds, notamment de déléguer les crédits beaucoup plus tôt, contrairement à ce qu'a indiqué M. le rapporteur spécial. Les résultats sont probants : en 2006, la consommation de crédits de paiement aura sans doute augmenté de 50 % par rapport à 2005.

Mais ce sursaut n'apparaît pas encore suffisant : il restera probablement en fin d'année 16 millions d'euros de crédits de paiement non consommés. Cela veut dire que les services départementaux d'incendie et de secours n'ont pas pu ou pas su faire « sortir » les projets à temps, ou ont revu à la baisse des projets surévalués au départ.

Je voudrais qu'il soit simplement bien noté que l'État était au rendez-vous, avec des crédits de paiement disponibles en 2006, et que la sous-consommation n'est plus de son fait dès lors qu'il a simplifié les circuits au maximum.

Cette faible performance doit nous faire réfléchir et milite, au minimum, pour que l'on se concentre sur les projets structurants, projets qui feront l'objet de la réforme dont je vous ai parlé il y a un instant. Au moins, les crédits seront vite engagés et payés, pour le profit de chacun.

S'agissant des négociations relatives à l'application des accords Jacob aux sapeurs-pompiers professionnels, je ne peux qu'exprimer mon accord sur ce qu'a indiqué M. le rapporteur pour avis : l'avancée acceptée par les élus et par deux syndicats était non seulement équilibrée, mais démontrait par un contenu très substantiel, la volonté partagée de l'État et des financeurs locaux, de réellement aboutir.

Cette proposition de compromis est toujours sur la table et je souhaite, tout comme vous, que les organisations qui ont rompu les négociations pour s'engager dans une surenchère dangereuse puissent enfin retrouver la voie de la raison. Nous nous employons sans relâche, aux côtés des employeurs, à enfin faire accepter le fait qu'avancées et raison ne sont pas inconciliables.

Mme Assasi est intervenue sur la bonification indiciaire en zone urbaine sensible. La brigade des sapeurs-pompiers de Paris intervient sur Paris et les départements de la petite couronne, qui compte plus de 100 zones urbaines sensibles.

L'attribution d'une nouvelle bonification indiciaire au titre des interventions en zone urbaine sensible à des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris suppose une analyse et une évaluation préalables qui sont en cours.

Surtout, il est nécessaire de s'assurer de la cohérence nationale des dispositifs applicables à l'ensemble des 750 zones urbaines sensibles puisque, je vous le rappelle, cet élément fait partie des propositions formulées par les élus et le Gouvernement dans le cadre de la concertation en cours avec les organisations représentatives des sapeurs-pompiers professionnels civils.

La modernisation de la sécurité civile se poursuit activement. Je rappelle à cet égard que 80 % des décrets d'application de la loi de modernisation de 2004 ont été publiés à ce jour. La sécurité civile se modernise, mais qu'en est-il de ses structures financières et des conseils délivrés par le président Arthuis l'an dernier afin que les deux programmes soient fusionnés au sein d'une mission interministérielle regroupant toutes les contributions aux risques, de la prévention de ceux-ci à leur gestion ? M. le rapporteur pour avis a de nouveau évoqué la question.

Nicolas Sarkozy n'a pas attendu longtemps pour reprendre à son compte la proposition du président Arthuis et a écrit en ce sens dès le mois de février. Mais la complexité des ajustements à prévoir, quelle que soit la justesse de l'objectif, a retardé un projet qui, à ma connaissance, n'est pas abandonné.

Je voudrais répondre maintenant à M. Colombat, qui a regretté que les dépenses des collectivités locales ne soient pas retracées dans les documents budgétaires qui vous sont soumis. Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le député Georges Ginesta a fait adopter un amendement tendant à ce que cet effort des collectivités locales en faveur des secours soit retracé dans le document de politique transversale de la mission « Sécurité civile ».

Dans le même registre, celui de l'amélioration de l'information des contribuables, j'ai bien entendu la suggestion formulée par M. Vallet de mentionner sur les rôles d'imposition l'effort en faveur des services d'incendie et de secours. Techniquement, il sera très difficile de mettre en oeuvre une telle mesure. Mais les ressources des technologies de l'information nous permettront d'y apporter une réponse prochainement.

La défense civile se modernise aussi. Le pôle de défense civile de Cambrai, qui sera consacré à la formation à la lutte contre les effets du terrorisme, notamment NRBC - nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique - répond à un impératif de défense et de sécurité auquel le ministre d'État est tout particulièrement attaché. Il ouvrira début janvier, je vous rassure sur ce point, monsieur Girod.

Sous l'égide de l'Institut national des hautes études de sécurité, l'INHES, l'objectif est de former dans un délai de trois ans 800 à 900 stagiaires. Ce sera le noyau dur du pôle auquel pourront s'agréger d'autres formations afin de développer la culture de défense civile.

Je voudrais enfin insister sur l'effort d'indemnisation des conséquences de la sécheresse de 2003. Un effort exceptionnel a été entrepris pour indemniser les propriétaires sinistrés qui n'entraient pas dans le schéma de la procédure classique d'indemnisation : 218, 5 millions d'euros devraient à terme y être consacrés, après un abondement additionnel de 38, 5 millions d'euros en loi de finances rectificative.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous m'avez interrogé sur la mise en oeuvre de la sensibilisation des élèves à la prévention des risques et de l'apprentissage des gestes de premiers secours.

Pour répondre aux objectifs de l'article 5 de la loi de modernisation de la sécurité civile, les textes réglementaires nécessaires ont été publiés. La circulaire crée un comité de pilotage national qui est installé depuis début décembre en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la santé. Je le sais d'autant mieux qu'à titre personnel, dès lundi dernier, j'ai signé dans mon département ma propre convention avec ces deux ministères.

Ces aspects réglementaires viennent ainsi consolider et harmoniser de nombreuses initiatives locales déjà existantes. Cela m'a permis de revendiquer la mienne au passage.

Madame Assassi, je vous rassure, la prestation de fidélité et de reconnaissance sera versée dès le mois de décembre 2006. Par ailleurs, nous souhaitons, tout comme vous, que les pompiers continuent à intervenir dans les quartiers. J'espère pour cela que vous nous aiderez en votant l'article du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui criminalise les guets-apens dont ils sont l'objet.

M. Paul Girod a très légitimement évoqué le rapport Barnier, qui a été présenté à l'ensemble des ministres de l'intérieur de l'Union européenne. J'étais présent lors de la réunion qui a eu lieu à Bruxelles. Vous avez raison, monsieur Girod, il serait temps que l'Union européenne aille vers une mutualisation ou, en tout cas, une mise en commun d'un certain nombre de moyens.

Que propose dans un premier temps la France - c'est moi qui ai présenté cette proposition ? Que chaque pays identifie dans ses domaines de compétence en matière de sécurité civile ce qu'il sait le mieux faire pour pouvoir le mettre en commun lorsqu'il sera nécessaire d'additionner les moyens des uns et des autres.

Ainsi, durant l'été 2005, lorsque le Portugal a connu des incendies dramatiques contre lesquels il n'était pas particulièrement préparé à lutter, nous avons envoyé un certain nombre de nos aéronefs et mobilisé nos techniciens. Les Portugais nous en ont été fort reconnaissants.

Un grand nombre de nos partenaires du pourtour méditerranéen sont d'ores et déjà favorables à ce que nous nous engagions dans cette voie en cas de séismes, de tremblements de terre, d'intempéries, de tsunami... C'est le cas de nos amis portugais, espagnols, italiens et maltais ; au reste, nos amis allemands y sont également très favorables.

Malheureusement, tous nos partenaires ne sont pas prêts à entamer cette démarche ; les pays scandinaves, notamment, demandent un temps de réflexion. Quoi qu'il en soit, au cours de l'année écoulée, nous avons déjà accompli un grand nombre d'avancées qui pourraient, dès l'année 2007, déboucher sur un embryon d'organisation de sécurité civile au sein de l'Union européenne. En tout cas, monsieur le sénateur, je vous remercie de soutenir et d'encourager cette démarche.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la mission « Sécurité civile » marque un effort d'investissement ambitieux sur des équipements très structurants. C'est la raison pour laquelle j'espère, au nom du Gouvernement, que vous voterez les crédits qu'il vous propose de lui consacrer en 2007.

Je terminerai par un mot personnel au nom de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur un sujet qui a été évoqué par un certain nombre d'entre vous, y compris par Mme Assassi.

Le comportement inqualifiable d'un nombre limité de sapeurs-pompiers professionnels doit être condamné avec la plus grande fermeté, alors que le Gouvernement, dans le cadre des négociations engagées, n'a cessé d'être ouvert et que des propositions concrètes ont déjà été formulées.

Nous avons vécu, en novembre 2005, les violences urbaines que vous connaissez tous. Nous avons vu à cette occasion l'immense solidarité des sapeurs-pompiers, des gendarmes, de la police nationale, qui, ensemble, pendant des semaines, ont oeuvré pour rétablir la sécurité de nos concitoyens.

Que des pompiers se soient livrés à des exactions sur des gendarmes qui souffrent aujourd'hui dans leur chair - je souhaiterais que nous ayons une pensée pour eux - est inacceptable, alors que nous savons que les gendarmes comme les pompiers font partie de ces grandes institutions de la nation qui sont parmi les plus aimées et les plus appréciées par l'ensemble de nos concitoyens.

Nous ne pouvons pas accepter que quelques individus seulement viennent salir l'image d'une institution tout entière ; pas une seule cause ne peut justifier une telle attitude. Plus que jamais, le dialogue, la concertation doivent être le maître mot.

Je le répète, en aucun cas, ce type de comportement ne peut être toléré, et je remercie tous ceux et toutes celles qui, ici ce soir, ont condamné ces agissements. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et moi-même, sommes déterminés en tout état de cause à ne pas les accepter, parce qu'il y va de la dignité de cette grande institution que constituent les pompiers professionnels ou volontaires comme ceux qui sont engagés à Paris ou à Marseille dans les forces de la défense nationale.

Bien évidemment, nous devons faire la différence entre les comportements de quelques-uns et la conduite de l'ensemble de celles et de ceux qui se dévouent sans compter pour assurer la sécurité des personnes et des biens, qui ont fait un choix de vie, qui se sont engagés au service des autres, et auxquels il nous appartient de témoigner en toute circonstance notre totale solidarité.

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