Monsieur le président, je me fais le porte-voix de mon ami Robert Bret, qui ne peut être présent ce soir.
La perte accidentelle de deux bombardiers d'eau en 2004 et en 2005 et la grande vétusté de nombreux appareils démontrent que le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile est une priorité. Certes, j'ai bien entendu les propos de M. le ministre, mais j'insiste sur le fait que les crédits budgétaires alloués doivent être pleinement consacrés à cet objectif.
Cet amendement vise donc à réajuster en ce sens le budget que nous examinons.
Le dispositif complet de lutte contre les feux se compose de 26 appareils, dont, notamment, 11 Canadair acquis depuis 1995, auxquels s'ajoute un douzième programmé pour l'été 2007, 9 Tracker acquis dans les années quatre-vingt - alors qu'ils devaient être remplacés en 2008, ils seront maintenus jusqu'en 2020 ! - 2 Dash 8 acquis en 2004 et 2005.
Inutile d'épiloguer sur la vétusté de la flotte ; les périodes d'acquisition parlent d'elles-mêmes ! La situation est donc inquiétante, d'autant qu'aucune programmation à long terme n'est prévue et que les revendications des professionnels en matière de lutte aérienne contre les incendies ne sont pas entendues à bon escient.
En effet, alors que les pilotes contestent les critères de résistance, de rapidité d'intervention, de sécurité des missions, de transport de matériels et de personnes du Dash 8, celui-ci est considéré comme étant l'appareil le plus approprié aux tâches dévolues à la sécurité civile ! Pourtant, les essais de chargement pour les opérations spéciales de secours n'ont pas été concluants et les essais opérés lors des incendies de cet été ne sont pas significatifs, puisque le vent était, comme les feux, de faible importance. De fait, les pilotes maintiennent que cet avion est inapproprié aux reliefs les plus tourmentés et qu'il ne permet pas de couvrir la totalité des zones à risques. En outre, le Dash 8 ne bénéficie toujours pas de la certification propre au transport mixte.
Qui faut-il croire ? Ceux qui risquent leur vie pour défendre la nôtre ou ceux qui n'ont jamais piloté d'avion dans pareilles conditions ?
Par ailleurs, alors que les dispositions de la LOPSI permettaient l'achat, chaque année, d'un Canadair pour renouveler progressivement la flotte, cette perspective est abandonnée, au grand dam des pilotes, qui estiment que cet appareil répond le mieux possible aux difficiles conditions d'approche des incendies d'été.
Enfin, le non-renouvellement des six Tracker avant 2020 serait compensé par la location d'appareils agricoles américains Air Tractor, monopilote et monomoteur. Si tel est le cas, la France s'illustrerait en utilisant des avions supposés, dès l'origine, ne pas répondre parfaitement aux besoins, alors que des Canadair de nouvelle génération seraient bien plus appropriés, comme en témoigne le choix effectué par l'Espagne, qui a commandé dix Canadair pour faire face aux situations dramatiques de ces dernières années.
Nous sommes confrontés, c'est un fait, à la volonté récurrente du Gouvernement de ne pas prendre en considération les besoins liés aux missions de service public pour s'en tenir à une gestion comptable du problème. En louant ou en achetant des appareils inappropriés et donc inefficaces, voire dangereux, l'État respectera peut-être son budget, mais il ne parviendra certainement pas à conduire une politique efficace et pérenne en matière de lutte contre les incendies.
Surtout, la priorité est à l'évidence donnée aux Dash 8, au détriment d'appareils bien plus adaptés. Nous savons que le Dash 8 est principalement utilisé, hors période de feux, pour assurer des opérations de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, en provenance notamment d'Europe de l'Est. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur les critères retenus dans le choix de ces appareils. S'agit-il de faciliter la politique de reconduite à la frontière du ministre de l'intérieur, qui s'est fixé pour objectif la reconduite de 25 000 personnes par an ?
Au-delà de l'effet d'annonce, cette politique d'affichage a un coût élevé. En effet, le montant moyen d'un éloignement administratif incluant le coût du transport s'élève à 4 000 euros. Les 25 000 renvois coûtent donc 100 millions d'euros : autant d'argent qui permettrait de financer chaque année quatre Canadair, le coût de chaque appareil étant évalué de 20 millions à 25 millions d'euros !
Bien entendu, ce constat nous conduit, monsieur le ministre, à vous demander sur quel budget sont financées les heures de vol des pilotes et la maintenance des Dash 8 lors des opérations de reconduite à la frontière. Car, au-delà de l'aspect politique et humain de la question, il ne saurait être question d'accepter que cette procédure ampute le budget de la sécurité civile, qui connaît suffisamment d'impondérables.
Compte tenu de tous ces éléments, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.