Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 13 novembre 2006 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange :

Je ne reprendrai pas ses propos, mais je partage tout à fait son analyse.

Nous ne ferons pas l'économie d'un débat sur l'avenir du financement de la sécurité sociale. Vous avez rappelé, monsieur le ministre délégué, le débat qu'a tenu notre Haute Assemblée la semaine dernière. Mais la question ne peut se régler n'importe comment, et certainement pas à l'encontre de la logique de notre système. Pouvez-nous, monsieur le ministre délégué, nous informer de l'état d'avancement de la réflexion du Gouvernement sur ce point ?

Par ailleurs, pour la première fois en 2007, l'État paiera, à hauteur de 160 millions d'euros, des intérêts pour sa dette à l'égard du régime général, qui s'établit actuellement à 5 milliards d'euros. Il est certain qu'il aurait été encore mieux que l'État rembourse une partie du principal de la dette, mais cette mesure, qui respecte le principe de neutralisation des effets de trésorerie, va dans le bon sens et nous satisfait.

Toutefois, l'essentiel du problème de la sécurité sociale résulte aujourd'hui de l'augmentation des dépenses.

L'assurance maladie semble entrer dans un cycle vertueux, mais qui reste terriblement fragile. Le déficit de la branche maladie était de 11, 6 milliards d'euros en 2004. Il ne devrait pas en 2007 dépasser la barre des 4 milliards d'euros, grâce à la maîtrise médicalisée des soins de ville, des dépenses de médicaments et des indemnités journalières. Sans doute, monsieur le ministre délégué, auriez-vous fait mieux encore si nous avions dès le départ engagé une réflexion forte sur l'hôpital ; car, à vrai dire, nous savons tous ici que c'est l'hôpital qui coûte cher à la sécurité sociale. Cela étant, pour la première fois depuis sa création en 1997, l'ONDAM des soins de ville a pu être respecté grâce à l'implication de tous les acteurs de santé, notamment des médecins généralistes. Cela constitue un réel progrès.

Pour autant, des efforts restent à accomplir. Il n'est pas normal que l'Organisation pour la coopération et le développement économique ait constaté que les dépenses françaises de médicaments sont nettement supérieures à celles des autres nations de l'OCDE, avec 600 dollars par an contre 400 dollars en moyenne, et qu'elles correspondent à 2, 1 % du produit intérieur brut en France, contre 1, 6 % en Allemagne.

La consommation en volume est également très élevée. Nous savons toutefois que des résultats de modération ont pu être obtenus pour les antibiotiques et les médicaments anticholestérol. Pour ces modifications des comportements, la CNAM a dû déployer beaucoup d'énergie. En déploie-t-elle autant pour les médicaments utilisés en psychiatrie ? Monsieur le ministre délégué, j'ai vu récemment un jeune sortir d'un hôpital psychiatrique avec une ordonnance comportant vingt et un médicaments à prendre chaque jour !

Par ailleurs, la CNAM s'intéresse-t-elle à toutes les ordonnances délivrées en matière de produits de substitution, dont le coût est important pour la sécurité sociale ? Je vous invite, monsieur le ministre délégué, à vous rendre un dimanche aux urgences médico-judiciaires de l'Hôtel-Dieu : des hommes et des femmes viennent se faire prescrire des produits de substitution, produits dont il paraît qu'il est plus difficile de se sevrer que de la drogue elle-même ! Je vous encourage donc à conduire en la matière une politique tout aussi ferme que celle que vous avez menée pour les antibiotiques.

J'en viens à l'ONDAM des soins de ville. Son taux de progression, initialement fixé à 0, 8 %, n'a pas été jugé suffisant par les députés, qui ont choisi de le relever à 1, 1 % pour permettre notamment aux partenaires conventionnels de négocier l'alignement du tarif des consultations des généralistes sur celui des spécialistes.

Je soulignerai à cet égard qu'il convient aussi, comme l'indiquait devant moi un médecin, de prendre en compte tous les effets pervers que peut avoir la politique du médecin traitant. C'est ainsi que, en dermatologie, les grands bénéficiaires de ce dispositif sont aujourd'hui ceux qui fabriquent des dermocorticoïdes ou des antifongiques, dont l'utilisation excessive retarde parfois le dépistage d'un cancer de la peau. Il est donc nécessaire d'être mesuré en la matière.

Je voudrais également attirer votre attention sur le problème de l'avenir de la chirurgie en France. On a évoqué tout à l'heure les honoraires des chirurgiens et leur revalorisation « pondérée » de 25 % depuis 2004. Toutefois, la possibilité donnée aux praticiens de choisir leur secteur d'exercice, actée dans le protocole du 24 août 2004 sur la chirurgie française, n'a pas été mise en oeuvre. Il y a là un blocage. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre délégué, l'état de la réflexion en la matière ?

Le plan « médicament » est également poursuivi. À ce propos, la Cour des comptes a relevé que la pratique de la rétrocession hospitalière avait beaucoup augmenté au cours des dernières années, le montant des médicaments rétrocédés étant passé de 660 millions d'euros en 2000 à 1, 4 milliard d'euros en 2004. Des mesures ont été prises pour réduire cette somme, telle la définition d'une liste limitative des médicaments susceptibles d'être rétrocédés, mais les objectifs fixés n'ont pas été atteints. J'aurais souhaité, monsieur le ministre délégué, connaître votre opinion sur la question ; vous nous en ferez probablement part lorsque nous examinerons l'amendement que j'ai déposé sur la clarification des règles fixant le prix des médicaments.

Je voudrais aussi remercier M. Xavier Bertrand de nous avoir assuré qu'il ferait son possible pour que la directive « médicaments » puisse enfin trouver sa traduction législative dans notre pays. Et puisque le Sénat a longuement travaillé sur la politique du médicament, j'espère que le Gouvernement acceptera l'amendement sur les études post-AMM que j'ai déposé avec Anne-Marie Payet et Gilbert Barbier et qui reprend une recommandation formulée voilà quelques mois dans le rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments.

S'agissant maintenant de l'ONDAM hospitalier, fixé à 3, 5 %, il devrait effectivement permettre de faire face à l'accroissement de la masse salariale et de poursuivre le plan « Hôpital 2007 ».

Je voudrais à cette occasion, monsieur le ministre délégué, évoquer le problème de la tarification à l'activité. Il ne faudrait pas que celle-ci ait les mêmes effets pervers que le point ISA.

Aujourd'hui, la tarification à l'activité souffre de plusieurs défauts. La Cour des comptes a ainsi dénoncé des modalités de pilotage complexes, un manque de transparence, un dispositif tarifaire trop sophistiqué et un risque de contournement par le biais des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation.

Je vous invite, monsieur le ministre délégué, si vous ne l'avez pas déjà fait, à vous faire établir un comparatif par pathologie du coût des soins respectivement en hospitalisation de jour et en hospitalisation traditionnelle. Un cancer de la peau bénin - si toutefois un cancer peut être bénin - en hospitalisation traditionnelle coûte 500 euros et, en hospitalisation de jour, 60 euros. Il convient donc là aussi de mettre l'hôpital à contribution.

Comme Alain Vasselle, nous pensons qu'il faut sortir la psychiatrie de l'expérimentation de la tarification à l'activité. D'autres pathologies sont beaucoup plus lisibles, moins complexes à évaluer, qui pourraient permettre une tarification à l'activité plus lisible.

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