Intervention de Guy Fischer

Réunion du 3 mars 2006 à 9h45
Égalité des chances — Article 10

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Vouloir supprimer cet article 10 participe, nous l'avons souligné, de notre démarche générale sur ce texte. Il s'agit de s'interroger sur la pertinence du choix des zones franches urbaines et donc de rejeter toute disposition qui tend à le prolonger.

Mais cela pose aussi, comme nous l'avons dit, la question de l'application du principe de la clause locale d'embauche, qui vise à obliger les entreprises implantées en ZFU à recruter, pour un tiers dès la troisième embauche, des salariés issus des quartiers d'implantation.

La remarque que nous avons faite précédemment visait à constater que la plupart des emplois créés par les entreprises en ZFU sont éligibles au dispositif d'exonération, ce qui veut dire que la rémunération de ces emplois est inférieure au plafond fixé à 1, 4 SMIC depuis la loi de finances 2006.

En clair, la clause locale d'embauche trouverait ses limites dans le développement d'un salariat sous-rémunéré - au demeurant assez nettement induit par les secteurs les plus représentés en termes de création d'établissements - et probablement à qualification non reconnue.

Ainsi, des jeunes titulaires d'un bac professionnel ou encore d'un bac sciences et technologies tertiaires, dit bac STT, se retrouveraient embauchés au SMIC, majoré par quelques primes de résultat, dans un centre d'appel dont le seul avantage serait d'être situé à proximité immédiate de leur domicile...

L'examen de la réalité de la demande d'emploi dans les zones urbaines sensibles donne des éléments relativement précis. Rappelons ainsi les données fournies par le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.

Fin 2004, ces quartiers comptaient 326 527 personnes privées d'emploi, dont 69 722 jeunes. Sur cet ensemble de personnes privées d'emploi, nous comptions 16, 4 % de demandeurs à la recherche d'un emploi ouvrier non qualifié et 26, 1 % de demandeurs à la recherche d'un poste d'employé non qualifié ; 14, 5 % des mêmes personnes privées d'emploi recherchaient un emploi d'ouvrier qualifié, 34, 3 % un poste d'employé qualifié et 8, 7 % un poste d'ICTAM, ingénieurs, cadres, techniciens ou agents de maîtrise.

En clair, la grande majorité des demandeurs d'emploi des ZUS, zones urbaines sensibles, recherchaient un emploi à qualification reconnue, ce qui implique, la plupart du temps, un niveau de rémunération plus important que celui qui peut être proposé par les entreprises implantées dans ces mêmes quartiers pour bénéficier de l'exonération de cotisations sociales.

Le processus est sans doute en phase de progression avec le relèvement global du niveau de la formation initiale des demandeurs d'emploi les plus jeunes ; 29, 5 % des demandeurs d'emploi recensés ont un niveau de formation égal ou supérieur au bac.

De fait, la clause locale d'embauche risque fort, si l'on n'y prend garde, de se retourner contre les résidents des ZFU en les contraignant à accepter des rémunérations inférieures au niveau de formation qu'ils ont atteint. Mais cela, c'est aussi et surtout parce que l'aide au développement des entreprises prend cette forme-là que le problème finit par se poser.

Quand on encourage les bas salaires, on encourage, y compris dans les zones franches urbaines, un processus de dévalorisation des qualifications acquises, bien loin de la sécurité professionnelle que pourraient légitimement revendiquer les personnes aujourd'hui privées d'emploi.

Tout cela montre, une fois encore, que les conditions d'un développement économique et social durable des quartiers ne sont pas réunies dans le cadre dans lequel nous nous situons. C'est aussi pour ces raisons que nous ne pouvons que vous inviter à voter cet amendement de suppression de l'article 10.

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