Intervention de Roger Madec

Réunion du 3 mars 2006 à 9h45
Égalité des chances — Article 12

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'objectif déclaré de cet article 12, comme celui de l'article 14 que nous examinerons tout à l'heure, serait de répondre à « l'urgence de la revitalisation économique » dans les zones urbaines difficiles en encourageant l'installation de commerces de proximité dans ces quartiers. Nous partageons cet objectif noble, qui n'est cependant pas avéré dans ce texte.

Vous parlez d'« urgence » et vous déclarez prendre des mesures rapides. Je vous rappelle, madame la ministre, que le Gouvernement que vous représentez s'est empressé de ne pas inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi tendant à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce, qui a déjà été examinée par le Sénat.

Bien que cette proposition de loi soit insuffisante, elle envisageait le problème de l'urbanisme économique de manière plus globale. Le ministre des petites et moyennes entreprises affirmait d'ailleurs que ce texte serait « le premier élément d'une politique plus audacieuse ». Aussi, madame la ministre, ne serait-il pas préférable d'apporter aujourd'hui une réponse globale à l'équilibre des installations commerciales en poursuivant les débats sur cette proposition de loi ?

La situation actuelle du commerce en France est en effet problématique. Malgré une législation protectrice, les magasins de grande distribution se multiplient et fragilisent les commerces de proximité dans les zones tant urbaines que rurales. La situation serait probablement encore plus grave sans cette réglementation. Mais les détracteurs de cette dernière invoquent sa relative inefficacité pour demander sa suppression. Et c'est ce vers quoi nous entraîne l'article que nous examinons maintenant.

Plutôt que d'améliorer la réglementation, vous vous apprêtez encore une fois à déréglementer. C'est votre vrai visage, le libéralisme débridé. Au lieu d'améliorer le droit commun, vous multipliez les dérogations. C'est l'illustration de la vision du Gouvernement des activités commerciales.

Rappelons qu'à la fin de la discussion de la proposition de loi que j'évoquais précédemment, le ministre des petites et moyennes entreprises expliquait, à mots à peine couverts, que ce n'était pas à l'État de réguler les implantations commerciales et qu'il revenait aux petits commerçants de compter sur leurs propres forces pour faire face à la grande distribution. Il est sûr qu'une telle vision ne peut qu'amener au démantèlement des règles encadrant l'installation d'équipements commerciaux.

En réalité, la redynamisation économique des ZFU appelle un renforcement de la législation des implantations commerciales. Le développement des hypermarchés à l'extérieur des centres urbains doit être limité, faute de quoi vous pourrez toujours essayer d'encourager l'installation de commerces de proximité, la concurrence des grandes surfaces leur sera toujours fatale.

Rien ne sert de vouloir soigner les symptômes du dépérissement du commerce de proximité sans apporter un remède à sa cause profonde, c'est-à-dire le développement exponentiel de la grande distribution. Rien ne sert, madame la ministre, de vouloir faciliter l'implantation des petits commerces si vous encouragez en même temps leurs plus redoutables concurrents. Les conséquences de votre réforme de la loi Galland se font en effet ressentir aujourd'hui. Les analystes prévoient une perte de rentabilité de ce secteur qui entraînera la faillite de nombreux petits commerces.

Dans ce contexte, l'exacerbation de la concurrence et la fragilisation des PME appellent une plus grande protection des petits commerces. La dissolution des règles d'urbanisme commercial ne peut être que contre-productive.

Par ailleurs, vous vous trompez de cible, madame la ministre. Le commerce de proximité, ce n'est pas une moyenne surface de 2 000 mètres carrés. En simplifiant la procédure administrative pour l'installation des commerces de plus de 300 mètres carrés, vous encouragez l'implantation de magasins de 1 500 mètres carrés, que l'on voit fleurir ça et là, de 3 000 ou de 6 000 mètres carrés.

Les petits commerces, les artisans, les supérettes et tout le tissu économique de proximité seraient encore plus déstabilisés par cette concurrence très déloyale. Je rappellerai qu'un magasin alimentaire situé au pied d'un immeuble dans une cité crée certainement plus de convivialité et de lien social qu'une moyenne surface de 2 000 mètres carrés, voire de 500 mètres carrés, installée à la périphérie des villes.

Plutôt que d'adopter dans la précipitation des demi-mesures mal préparées, prenez le temps du recul et de la réflexion. Envisageons la revitalisation économique des quartiers prioritaires de manière plus globale. Améliorons l'ensemble de la procédure d'autorisation au lieu de la saborder. Recourons à des outils peu utilisés, comme l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA, qui a pour vocation de restructurer les pôles commerciaux situés sur les territoires visés par la géographie prioritaire de la politique de la ville. Renforçons les moyens du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, dont la mission est de préserver ou de développer un tissu d'entreprises de proximité. Rouvrez les débats sur la proposition de loi tendant à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce.

L'examen de ce texte permettrait au Parlement d'étudier d'une manière approfondie l'implantation des commerces dans les quartiers en difficulté.

En tout état de cause, madame la ministre, nous demanderons, par voie d'amendement, la suppression de cet article 12 très néfaste pour le commerce de proximité, particulièrement dans les quartiers en grande difficulté.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion