Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 3 mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 13

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les multiplexes sont la source de nombreux déséquilibres ; Mme Catherine Tasca vient de le démontrer, après nos autres collègues.

Cela fait longtemps que l'on se bat ici et que les élus locaux se battent pour parvenir à un équilibre. Je veux souligner que loi relative à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacle cinématographique de 1992 a donné pour la première fois aux élus locaux la possibilité d'intervenir en ce qui concerne les salles de cinéma.

Personnellement, j'ai été très marqué par une expérience que j'ai vécue et qui a consisté, ayant compris que toutes les agglomérations le feraient à terme, à implanter un multiplexe dans le centre d'une ville de ce pays. Faute d'une telle implantation, dans cette ville comme dans d'autres d'ailleurs, on aurait assisté à la disparition progressive de la plupart des cinémas situés dans le centre au profit de ceux qui sont à la périphérie. Mais j'avoue qu'il a été très difficile de l'obtenir.

Je n'ai rien contre la périphérie ou les villes de banlieue, mais vous remarquerez que, selon les promoteurs - ils n'ont d'ailleurs pas manqué de me le dire ! -, le concept même de multiplexe suppose une implantation en périphérie. Ils ne vous proposent jamais le centre d'une ville de banlieue. Ils vous proposent toujours, au bord d'une route nationale, le lieu où il existe déjà un hypermarché, peut-être deux, ou un équipement équivalent et dont les parkings peuvent être utilisés par les personnes qui se rendent au multiplexe. C'est ainsi que l'on bâtit peu à peu une ville.

Un jour, j'ai demandé à un promoteur de multiplexes : « Mais enfin, monsieur, quelle idée vous faites-vous de la ville française, de la ville européenne ? » Il m'a répondu que là n'était pas véritablement la question.

Je lui ai alors rétorqué que la question était bien celle-ci : voulons-nous que le modèle de la ville pseudo-californienne se répande partout en Europe ? En ce cas, on videra peu à peu les villes, qu'il s'agisse des villes centres ou des villes de banlieue et des faubourgs, on videra toutes les formes d'urbanité de leur substance culturelle, économique et commerciale, au bénéfice de grands axes.

De part et d'autre de ces grands axes, on implantera les mêmes parallélépipèdes et les mêmes cubes, les mêmes pancartes, les mêmes bâtisses. Dans toute la France, du nord au sud, d'est en ouest, tout sera semblable !

Nous devons beaucoup réfléchir, mes chers collègues, à cette civilisation et au modèle urbain qu'elle induit. Il nous faut trouver un équilibre.

Cet équilibre est également nécessaire à la diversité et à la création cinématographiques. En effet, si la logique des multiplexes l'emporte, on le sait bien, ce sera au détriment de nombre d'autres salles de cinéma, des cinémas indépendants et des cinémas d'art et d'essai.

Or, nous sommes certains que cet équilibre ne va pas s'instaurer de lui-même. Si l'on veut aller dans ce sens, il convient de poser des règles du jeu, il faut avoir la volonté de maîtriser ce dispositif.

J'ai entendu, messieurs les rapporteurs, que vous aviez quelque peu changé votre fusil d'épaule.

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