Madame la ministre, avec l'article 12, vous prétendiez faciliter les installations commerciales dans les zones franches urbaines en raccourcissant les délais de la procédure administrative. J'ai eu l'occasion de souligner ce matin les effets néfastes et dérisoires de ces propositions.
Mais, avec l'article 14, vous allez plus loin encore dans la dérégulation des activités commerciales. C'est à une véritable mise en pièces des règles d'urbanisme commercial que vous vous livrez. En supprimant tout système d'autorisation pour les équipements commerciaux de moins de 1 500 mètres carrés dans les ZFU, vous vouez ces quartiers à un développement commercial anarchique et chaotique.
Permettez-moi de rappeler toute l'importance des règles régissant l'installation des surfaces commerciales. Dans la procédure actuelle, les commissions départementales d'équipement commercial doivent apprécier l'impact d'une nouvelle grande surface au regard de « l'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ».
Autrement dit, si vous supprimez ce garde-fou, un magasin de plus de 1 000 mètres carrés pourra librement s'installer dans une ZFU. Tant pis pour les quelques commerces de proximité qui subsistent encore péniblement et qui subiront de plein fouet cette nouvelle concurrence, très déloyale.
Vous confondez dynamisation économique et concurrence déloyale. La fin de la procédure d'autorisation pour les surfaces commerciales de taille moyenne accentuera les difficultés des plus petits commerces. Je ne pense pas que ce soit l'objectif recherché. Ces petits magasins sont les vecteurs du lien social dans les quartiers. Une boulangerie, une librairie ou une petite supérette créent dans un quartier en grande difficulté bien plus de lien et de proximité qu'un magasin de 1 500 mètres carrés.
Pourtant, ces petits commerçants « héroïques » - il en existe encore quelques-uns -, qui travaillent durement, longuement, et qui gagnent péniblement leur vie, sont complètement oubliés par votre projet de loi. Vous les livrez à la loi de la jungle, à la concurrence entretenue par les enseignes de moyenne distribution qui cassent les prix.
Désormais, les magasins de hard discount, dont la surface est souvent inférieure à 1 500 mètres carrés, pourront s'installer librement là où ils le veulent. Les conséquences sur le tissu commercial et artisanal local de leur implantation ne seront plus étudiées. Là encore, ce seront les commerces déjà existant qui en souffriront le plus où qui disparaîtront.
Par ailleurs, l'autre intérêt de la procédure d'autorisation est de mesurer « l'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés. » C'est bien là l'un des objectifs de la revitalisation urbaine : offrir des emplois aux habitants de ces quartiers défavorisés. Supprimer cette évaluation sur l'emploi ouvre la porte aux effets d'aubaine. Des équipements commerciaux pourront tout simplement s'installer dans une ZFU sans création nette d'emplois.
L'article 14 trahit votre conception éminemment libérale de la politique de la ville. Vous pensez que les quartiers populaires ont besoin de déréglementation. Pour notre part, nous pensons le contraire, nous estimons qu'il faut leur apporter une offre en matière d'emplois et non entretenir la loi de la jungle.
Pour toutes ces raisons, exposées tout aussi bien par le président Fischer, nous défendrons un amendement de suppression de l'article 14.