Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 3 mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 16

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Selon l'exposé des motifs du texte dont nous débattons, « la création d'une Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances répond à la volonté d'accroître la présence de l'État dans les quartiers sensibles ».

Nous aurions aimé que cet article nous prouve que Gouvernement et majorité parlementaire avaient enfin compris l'urgence de répondre aux besoins et aux attentes de nos concitoyens et sondé la profondeur de la crise révélée par les violences de cet automne dans notre pays.

De fait, cette agence paraît avoir beaucoup d'ambitions : insertion sociale et professionnelle, politique de la ville, intégration, lutte contre les discriminations, lutte contre l'illettrisme, mise en oeuvre du service civil volontaire !

Hélas ! quand on y regarde de plus près, cet article prouve le contraire.

Réalisée sur le modèle de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, l'agence créée par l'article 16 aura pour mission, selon la commission des affaires sociales, de fédérer toutes les actions nationales dans le domaine de la cohésion sociale et de l'égalité des chances, en particulier dans le cadre de la politique de la ville.

Pour cela, elle reprendra, pour partie, les missions qui étaient notamment celles du FASILD, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, et de la DIV, la direction interministérielle à la ville.

Cela suscite une première remarque. L'action de l'agence envisagée est prioritairement centrée sur les quartiers en zone urbaine sensible ou les quartiers équivalents. Or l'intervention du FASILD ne se résume pas à ces quartiers. Réduire ainsi son action, c'est, par exemple, méconnaître la réalité de la présence immigrée sur le territoire ; c'est réduire encore les moyens de l'action envers les immigrés et renforcer les représentations négatives, les amalgames et les stigmatisations.

Quant à la politique de la ville proprement dite, elle a effectivement des limites. Mais ces limites tiennent pour l'essentiel à la dégradation du tissu économique et social, au fait que cette politique s'est vue, peu à peu, chargée de porter remède à tous les dysfonctionnements dès lors qu'ils avaient une traduction territoriale.

Ainsi, une politique dont l'objectif était de faire du projet de territoire l'espace utile à une mobilisation collective des acteurs locaux s'est trop souvent transformée en un « guichet » devenu indispensable pour tous ceux qui luttent contre l'exclusion dans l'espace urbain.

Les limites de la politique de la ville tiennent aussi aux diminutions des subventions accordées aux associations, qui jouent un rôle positif dans les quartiers, diminutions qui ont « coûté la vie » à de nombreuses associations locales et dans lesquelles votre gouvernement, madame la ministre, s'est largement illustré.

Le peu de cas qu'il fait des réalités de terrain a d'ailleurs conduit le Gouvernement à ne pas inclure de représentants du milieu associatif dans la composition du conseil d'administration de l'agence.

Pourtant, aucune réforme en matière de politique de la ville ne peut se faire, comme c'est le cas pour celle-ci, dans la précipitation et sans la moindre concertation avec les personnels concernés, les milieux associatifs, les élus, les habitants ; je rappelle que les ZUS comptent aujourd'hui près de cinq millions d'habitants.

Il faut remettre en chantier de grandes politiques nationales audacieuses pour l'école publique, pour la justice sociale, pour la sécurisation de l'emploi. Vous n'avez de cesse de supprimer les services publics. Il faut au contraire les développer à nouveau partout, car, à défaut, le sentiment de relégation des habitants de ces quartiers ne pourra que s'accentuer.

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