L'article 16 du projet de loi pour l'égalité des chances prévoit la création d'une nouvelle structure administrative afin de renforcer la présence de l'État dans les quartiers : l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
L'ANCSEC doit, nous dit-on, reprendre les missions de divers organismes spécialisés dans les domaines de l'intégration, de la politique de la ville et de l'égalité des chances.
Cette nouvelle institution suscite de nombreuses interrogations auprès des acteurs de la politique de la ville, qui craignent une complexification des dispositifs et des financements.
Un nouvel empilement de structures aux missions proches voire similaires, ce qui serait source d'inefficacité, est également à craindre.
Le rapport de notre collègue Pierre André a pourtant bien montré comment, en matière de politique de la ville, la discontinuité des financements avait conduit à une sédimentation des dispositifs.
Nous ne sommes pourtant pas hostiles à une logique de guichet unique. L'ANCSEC pourrait être un outil utile pour mutualiser les moyens et un facteur d'efficacité si elle rend plus lisibles les procédures, mais à condition de bien définir les missions de chacun et d'éviter la multiplication des doublons.
L'agence vise, en effet, à fédérer l'ensemble des moyens humains, logistiques et financiers dans le domaine de l'égalité des chances et de l'intégration, et à permettre une meilleure coordination de missions jusqu'alors dispersées entre diverses agences ou administrations.
C'est une bonne idée. En effet, la complexité croissante des dispositifs de la politique de la ville fait l'objet d'un constat unanime. Je rappellerai à cet égard le jugement émis lors des Assises nationales de la ville en avril 2005 : « La multiplication, l'empilement progressif, voire l'enchevêtrement, de multiples dispositifs sur un même territoire affectent gravement aujourd'hui la lisibilité et la crédibilité de la politique de la ville. »
Avec cette nouvelle agence, échappe-t-on à cet écueil ? Sommes-nous sûrs que nous allons clarifier les répartitions de compétences et les missions ? L'effet mobilisateur et fédérateur de la nouvelle agence ne risque-t-il pas d'être limité de ce fait ?
C'est pourquoi nous devons être particulièrement attentifs à clarifier les missions de chacune des agences. Nous partageons, à cet égard, les interrogations de la commission des affaires sociales : quel sera le rôle des six préfets délégués à l'égalité des chances à l'égard de l'agence ?
Que deviennent les chargés de mission territoriaux de la délégation interministérielle à la ville ?
Quelle articulation existera-t-il entre l'ANCSEC, qui a dans ses missions la lutte contre l'illettrisme, et l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, l'ANLCI ?
Ne risque-t-on pas de multiplier les doublons et d'aggraver l'éparpillement des crédits ?
Il ne nous est rien dit non plus sur les rapports entre l'ANCSEC et la délégation interministérielle à la ville.
Enfin, quelle sera la place - et l'autorité ? - du nouveau délégué interministériel à la ville et à la cohésion sociale, installé récemment auprès du Premier ministre, entre ces deux structures ? Créer un nouvel échelon de décision risque d'accroître la confusion et l'impuissance de l'action menée par le Gouvernement dans le domaine de la politique de la ville. Où est la cohérence de la politique gouvernementale ?
Je voudrais également relayer les inquiétudes des acteurs de terrain. En tant qu'acteurs de la politique de la ville, comme élus locaux, nous ne voudrions pas voir se reproduire avec I'ANCSEC ce qui s'est passé avec l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU.
Je rappellerai que nous avons perdu un an et demi lors de la création de l'ANRU en raison de la mise en place de dispositifs lourds et complexes. Le risque, c'est que les dispositifs qui existent et qui ont fait leur preuve n'aient plus les moyens de fonctionner, surtout si les nouveaux mettent du temps à prendre le relais des anciens.
Les acteurs de terrain, en particulier les associations, qui sont dans un état précaire lié à l'incertitude financière, s'inquiètent de voir leurs projets supprimés faute de financements pérennes, alors qu'ils ont besoin de stabilité au niveau à la fois des interlocuteurs et des procédures.
C'est pourquoi nous nous réjouissons que l'ANCSEC, selon vos propos, madame la ministre, s'engage sur des financements pluriannuels, car ils sont essentiels. Le risque, c'est que nous perdions à nouveau du temps dans un domaine où des actions dans la durée sont nécessaires et urgentes.
Pourquoi ne pas, au contraire, renforcer les compétences et les moyens des maires, les premiers en ligne de mire en temps de crise, les premiers interlocuteurs des populations en difficulté ? Dès lors, nous avons souhaité qu'une proportion plus importante d'élus soit présente au sein du conseil d'administration de la nouvelle agence de cohésion sociale.
Pour éviter ces écueils, nous souhaitons également que soient précisées les missions de l'agence, car, comme l'a noté la commission des affaires sociales, elles sont particulièrement imprécises. Ma collègue Valérie Létard défendra tout à l'heure un amendement visant à les clarifier. J'évoquerai seulement l'étrange amalgame fait par le Gouvernement entre populations en difficulté, quartiers sensibles et populations issues de l'immigration.
Par ailleurs, nous souhaitons que soit tranchée la question de la tutelle de l'agence. Pour que I'ANRU et l'ANCSEC soient les deux « bras armés » du ministre chargé de la ville, il semblerait naturel que ce dernier soit le pilote de ces deux agences, l'une chargée de la rénovation urbaine, l'autre du volet social et humain, qui est si important. L'ANCSEC, c'est, après l'ANRU, la deuxième phase de la refondation de la politique de la ville, c'est le volet le plus important de la politique urbaine, l'accompagnement social des populations.
Enfin, plus généralement, c'est la question du montant annuel et de la pérennité des financements de l'État en matière de la politique de la ville qui est posée.