Madame la ministre, ce projet de loi me semble particulièrement intéressant à « décortiquer » sur cet aspect que nous allons examiner maintenant, à savoir la cohésion sociale. En effet, je l'ai déjà déclaré clairement et fermement, nous sommes opposés aux dispositions de ce projet de loi en général et à celles qui sont relatives à l'égalité des chances et à la lutte contre les discriminations en particulier, tant elles nous semblent scandaleuses !
Cette opposition n'est pas fondée sur une raison dogmatique me poussant à être contre tout ce que le Gouvernement propose. Non ! Elle tient à de simples et accablants constats sur la forme et sur le fond. Je vous demande donc un moment d'attention sur cette question très spécifique.
Sur la forme, le Gouvernement a présenté ce projet de loi sans réelle concertation avec les partenaires sociaux et les personnels du FASILD, de la DIV, de l'ANCLI et d'autres structures qui seront concernées par ce projet de loi. Comme d'autres collègues l'ont déjà dit, il a lancé cette initiative sans tenter ni débat ni rencontre avec les différents intéressés.
Par ailleurs, en appliquant lui-même à l'Assemblée nationale l'article 49-3, en modifiant, jour après jour, les modalités, le cours et, donc, l'équilibre des débats au sein de cette Haute Assemblée, ce n'est rien d'autre qu'une adoption à marche forcée que l'on tente de nous imposer aujourd'hui.
Malheureusement, le fond ne rattrape pas la forme.
En effet, parmi l'ensemble des mesures hétéroclites que contient ce projet de loi, se trouve le démantèlement des outils existants en matière de soutien à l'intégration et de lutte contre les discriminations, tel que le FASILD, ou en faveur des quartiers en difficulté, comme la DIV, et cela, au profit d'une agence unique, dédiée à la cohésion sociale et à l'égalité des chances, aux contours et aux modalités d'intervention mal définies, qui serait le pendant de l'ANRU.
L'ANCSEC, comme on commence à prendre l'habitude de l'appeler, semble annoncer une série de risques graves pour la cohésion sociale que vous prônez si facilement en paroles, mais que, dans les faits, on voit malheureusement se déconstruire.
Vont ainsi être abandonnés ou disparaître : les espaces de concertation et d'échanges croisés entre chercheurs, associations, partenaires institutionnels, représentants de la société civile ; la production et la diffusion des connaissances, des analyses fondamentales sur l'immigration, les zones urbaines sensibles, les processus d'intégration, la lutte contre les discriminations, ainsi que toutes les expériences qui ont été menées autour de ces questions ; l'expérimentation et le développement d'actions innovantes, préalable essentiel et primordial à toute forme de généralisation, qui faisaient jusqu'à aujourd'hui la plus-value du FASILD et de la DIV par rapport aux services de droit commun, alors qu'une compréhension transversale des problématiques est susceptible d'entraîner une stigmatisation accrue des territoires et de leur public.
La configuration actuelle de l'ANCSEC laisse redouter une déclinaison territoriale qui sera à la merci des pressions politiques locales, notamment à travers les nouvelles compétences des préfets.
De plus, dans la vision ultralibérale du Gouvernement, se dessine un traitement tout à fait technique et comptable des enjeux.
L'application de la loi sur l'égalité des chances telle que vous la présentez aura trois grandes conséquences.
Tout d'abord, elle entraînera une baisse importante du soutien aux associations de proximité porteuses de lien social, de solidarité et de citoyenneté. Cela met à nu les contradictions de ce Gouvernement qui, selon la même logique de populisme social, annonce, avec tambours et trompettes, l'augmentation de la dotation aux associations de quartiers, mais leur retire leurs autres sources de revenus.
Ensuite, elle provoquera le délitement du réseau d'acteurs associatifs développé avec le soutien du FASILD sur l'ensemble du territoire national.
Enfin, elle conduira à l'affaiblissement massif des actions visant l'intégration et l'accès aux droits des immigrés du fait de leur dilution dans une politique « fourre-tout » de cohésion sociale.
Mais comme, dans le même temps, le ministre de l'intérieur nous annonce une immigration choisie puisque ne viendront plus en France que des informaticiens, des chercheurs et non plus des éboueurs, cette dynamique montre ici toute sa cohérence anti-sociale.
La capacité d'action collective dans le domaine de la lutte contre les discriminations ne peut être réduite à l'égalité des chances, mais devrait être étendue à l'égalité des droits. Or, on note la focalisation de l'action de l'État sur certains territoires au détriment d'une intervention sur l'ensemble du territoire national.
Compte tenu de l'étendue du périmètre d'intervention de cette nouvelle agence, le pire risque est de voir surgir une sorte « d'usine à gaz » dont l'opérationnalité fera défaut.
Tous ces risques mis bout à bout tendent à démontrer que l'ANCSEC ne constitue pas une réponse pertinente et efficace à la hauteur des enjeux mis en évidence par la récente révolte des banlieues.
La préservation du FASILD et de la DIV, que mes collègues et moi-même vous demanderons tout au long des débats concernant l'ANCSEC, relève non d'un attachement dogmatique ou nostalgique, mais plutôt de la volonté de préserver l'exercice de principes forts que notre société et notre démocratie ont déjà mis en place.
Parmi ces principes se trouve celui de l'égalité, l'égalité des droits et l'égalité la plus juste !
La réponse aux enjeux et difficultés exprimés par les uns et les autres ne saurait se satisfaire d'une réponse en termes d'égalité des chances alors que la demande réitérée de tous, les immigrés et les plus jeunes notamment, est celle d'une égalité des droits. En fait d'égalité, c'est l'égalité de tous devant la précarité que vous nous proposez, avec notamment le CPE qui s'ajoute au CNE.
Autre principe fort, corollaire du précédent, celui de la solidarité avec les plus fragilisés. Or ce projet de loi, par une analyse simpliste des événements et des réalités quotidiennes, stigmatise et sanctionne des populations à travers la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale, puis - nous le verrons un peu plus tard - par la remise en cause du droit à l'école ou d'autres droits pour certains jeunes.
Enfin, l'esprit du FASILD et de la DIV sous-tendait l'inclusion sociale et territoriale, c'est-à-dire, « le mieux vivre ensemble ». Or ce dispositif et cet objectif semblent absents de votre projet de loi.
Nous, Verts, ne pouvons accepter cette pérennisation de l'inégalité des droits qui, aujourd'hui, de plus en plus, va se traduire par une forme de discrimination légalisée.