Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la création d'une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, malgré son appellation attrayante, n'est pas vraiment bienvenue. Elle ne constitue pas une solution miracle pour améliorer la situation actuelle. Bien au contraire, elle contribue au démantèlement du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, y compris de proximité régionale, de la CRILD, ainsi que de la DIV.
Né dans la précipitation à la suite des violences urbaines d'octobre et novembre derniers, ce texte ne tient pas compte des analyses existantes, comme les actes des Assises de la ville d'avril 2005, le rapport de notre collègue Pierre André, les rapports de l'IGAS et des inspections générales des ministères concernés sur les contrats locaux de sécurité, ainsi que le rapport de l'Observatoire national des ZUS.
Il s'agit donc de créer un nouveau guichet unique pour rassembler les financements liés à l'intégration et ce qui reste de la politique de la ville.
Cette agence est symbolisée, d'une part, par la reprise en main du sujet par le ministère de l'intérieur et ce, au détriment du ministère de la cohésion sociale, d'autre part, par son champ d'action rétréci du point de vue géographique, mais élargi du point de vue des missions.
S'agissant de celles-ci, on peut légitimement s'interroger sur leur imprécision. Elles reflètent, en effet, un amalgame entre populations en difficulté, quartiers sensibles, populations issues de l'immigration et migrants. Cela est encore plus vrai pour la question non traitée de la prévention de la délinquance. On peut donc craindre un certain morcellement des interventions susceptible de générer de nouvelles injustices, à l'inverse du but recherché.
On peut aussi s'interroger sur les moyens dont peut disposer un établissement public pour influer sur le droit commun et agir en concertation avec les compétences sectorielles des différents ministères concernés
Par ailleurs, la contractualisation envisagée entre l'ANCSEC et les collectivités locales, les associations, sans inscription formelle de pouvoirs de recours en cas de non- respect des engagements réduira les contrats à des manifestes de bonnes intentions. De plus, la multiplicité des contrats annoncés ne paraît pas aller dans le sens de la simplification recherchée, pourtant indispensable.
Sur le terrain, les inquiétudes sont nombreuses. La disparition du FASILD, qui avait entrepris un important travail d'accompagnement des associations en donnant une priorité à la lutte contre les discriminations, est regrettable. Le FASILD, organisme neutre, traite les dossiers de manière autonome. Sa politique d'accompagnement a fait ses preuves. Les associations craignent de ne plus être écoutées.
Qu'adviendra-t-il, en outre, des commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté, les COPEC, créées en septembre 2005 en remplacement des commissions départementales d'accès à la citoyenneté, les CODAC ? Elles devaient mener des actions de prévention contre toute forme de discrimination directe ou indirecte en vue d'une meilleure insertion professionnelle des populations issues de l'immigration, notamment les jeunes et les femmes. Vont-elle être dissoutes ?
Il est également à craindre que les financements de l'État ne soient pas au rendez-vous chaque année. En effet, aucune garantie dans ce domaine ne figure dans ce projet de loi. Ce sont donc les collectivités locales et les autres financeurs de l'ANCSEC qui devront avancer les crédits incombant à l'État, et ce sans aucune garantie de remboursement.
Enfin, de nombreuses interrogations portent sur l'articulation entre le niveau départemental et le niveau régional de l'action de l'État.
Alors que le projet de loi confie au préfet du département le rôle de représentant de l'agence auprès des maires, aucune disposition n'est prévue quant à l'articulation avec les actions menées à l'échelon régional, que ce soit en matière de santé avec les programmes régionaux d'accès à la prévention des soins, en matière d'éducation artistique et culturelle avec les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, ou encore en matière d'intégration des populations immigrées et de gestion des crédits tant nationaux qu'européens dans le cadre des budgets opérationnels de programmes régionaux, en application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
En résumé, madame la ministre, que vont devenir toutes ces thématiques régionales dans lesquelles sont impliqués de nombreux acteurs ? Les interrogations sont à cet égard multiples et les inquiétudes grandissantes devant la menace d'un démantèlement du dispositif existant et d'un anéantissement des efforts accomplis jusqu'ici. Que vont devenir les personnes affectées à ces missions ?
Nous sommes en présence d'une structure autonome, conçue dans la hâte et décidée unilatéralement par le Gouvernement, sans concertation avec les principaux acteurs de terrain.
Je l'ai dit, cette agence dépendra entièrement du ministère de l'intérieur, ce qui entraînera forcément une confusion entre politique de sécurité et politique d'intégration et de lutte contre les discriminations et les exclusions.
Pour notre part, nous ne saurions accepter une telle démarche.