Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 3 mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 16

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L'article 16 du projet de loi tend à créer un nouveau guichet unique, rassemblant les financements liés à l'intégration : d'une part, ceux de l'ex-FASILD, absorbé par l'ANCSEC, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, ainsi que par l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, et, d'autre part, ce qui reste de la politique de la ville confiée à l'État, à savoir les crédits du ministère de la ville, exception faite de ceux qui sont destinés à la rénovation urbaine, qui se voit, elle, confiée à l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Ainsi, s'agissant des quartiers défavorisés, la rénovation serait désormais du ressort de l'ANRU et le social relèverait de l'Agence nationale de cohésion sociale. Quant à la prévention de la délinquance, pourtant inscrite dans le décret du 28 octobre 1988, qui la confie à la DIV, elle ressortirait au ministre de l'intérieur, dans le cadre d'un futur projet de loi.

Il semble d'ailleurs que le ministère de l'intérieur doive également exercer la tutelle sur l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. L'article 16 du projet de loi précise, en effet, que le « représentant du département y est le délégué de l'agence » et « signe les conventions passées pour son compte ». Nous assisterons donc à une prise en main des décisions, structures et instances de l'agence par le ministère de l'intérieur.

Cela est d'autant plus inquiétant que ce texte intervient dans un contexte de stigmatisation et de répression des immigrés, que l'avant-projet de loi de M. Sarkozy sur l'immigration, modifiant le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou CESEDA, alourdira considérablement. Ainsi, les questions de l'intégration et de la lutte contre les discriminations risquent d'être soumises à des pressions et dominées par des enjeux sécuritaires. Les titres III et IV du projet de loi en donnent déjà le ton.

Par ailleurs, des questions ne manquent pas de se poser quant aux liens entre le projet CESEDA et le présent texte. Le rôle de l'agence sera-t-il de choisir, en application de cet avant-projet, les « bons » immigrés auxquels M. Sarkozy accordera le droit de travailler en France ?

Avec ce texte, nous assistons à une véritable confusion entre les différentes politiques, qu'elles relèvent de la sécurité, de la prévention de la délinquance, de l'intégration ou de la lutte contre les discriminations. Ces amalgames empêcheront de mener sereinement les actions nécessaires en faveur des populations concernées.

Par ailleurs, l'article 16 du projet de loi donne compétence à l'ANCSEC en matière de lutte contre l'illettrisme. Même si l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme semble devoir subsister, nous craignons qu'elle ne devienne à terme une coquille vide.

Nos inquiétudes ont également trait aux moyens de l'agence : en effet, s'agissant de l'ANRU, la loi a prévu explicitement le montant annuel du financement de l'État ; or, rien de tel ne figure dans le projet de loi sur l'égalité des chances au profit de l'ANCSEC.

Alors qu'il est à prévoir que l'accroissement de la précarisation rendra indispensable et toujours plus important le recours aux actions qui relèvent aujourd'hui de la DIV ou du FASILD, la réalité de ce texte, c'est le démantèlement de ces organismes. La disparition de tout un tissu associatif autonome, reconnu comme nécessaire pour lutter contre les inégalités, favoriser le « vivre ensemble », est également prévisible.

Quant aux liens et à la coordination avec d'autres organismes ou institutions, qu'il s'agisse de la délégation interministérielle à la ville, de l'échelon régional, de la HALDE ou de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, le flou le plus complet règne. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 16.

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