Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 3 mars 2006 à 22h00
Égalité des chances — Article 19

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L'article 19 du présent projet de loi a pour objet de renforcer les pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Je rappelle que cette haute autorité administrative, qui a été créée par la loi du 30 décembre 2004, n'a été mise en oeuvre concrètement que le 4 mars 2005, date du décret d'application.

Alors que cela fait seulement un an, presque jour pour jour, que cette instance existe, le Gouvernement a décidé, sans avoir le recul nécessaire quant à l'application de ladite loi et sans que l'Assemblée nationale en débatte, de renforcer ses pouvoirs.

J'estime qu'avant de procéder au renforcement des pouvoirs de sanctions de la HALDE, qui n'est pas une mesure anodine, il aurait été préférable de procéder à d'autres modifications concernant son fonctionnement. Car, à mon sens, pour bénéficier de toute sa légitimité, la HALDE doit apparaître comme une autorité aussi légitimement fondée dans son établissement que dans son fonctionnement.

Or sa composition reste très institutionnelle, pour ne pas dire politiquement verrouillée, et son action est par conséquent difficilement indépendante du pouvoir en place.

Ses moyens, tant humains que matériels, sont soumis aux contraintes budgétaires. Quant à ses pouvoirs d'investigation et d'enquête, ils ne sont pas aussi importants que le préconisait la commission Stasi.

Dans ces conditions, cette autorité peine à paraître réellement indépendante, pluraliste et impartiale.

Les choix opérés par le collège de la HALDE pour former le comité consultatif révèlent une hiérarchie inacceptable entre les discriminations.

Il est donc urgent de mettre en oeuvre une politique véritablement offensive dans le domaine de la lutte contre les discriminations pour faire en sorte que cette instance devienne enfin un organe dynamique, efficace et reconnu comme tel, qui soit enfin composé de façon pluraliste et ouvert à toutes les formes de discriminations.

En outre, l'existence d'une telle autorité n'a d'intérêt qu'à condition de doter celle-ci de moyens différents de ceux dont disposent déjà les victimes de discriminations et les acteurs qui luttent contre les discriminations.

Pour que la Haute autorité soit efficace, il conviendrait de renforcer ses missions dans le domaine de l'assistance aux victimes en termes de constitution du dossier, notamment de rassemblement d'éléments de preuve, pour permettre aux victimes de faire valoir leurs droits en vue d'une médiation ou d'une action en justice. Malheureusement, les capacités d'action de la Haute autorité demeurent limitées.

Cette autorité administrative ne pourra être efficace que si elle est dotée des moyens de réaliser un travail de terrain effectif et d'agir au niveau des institutions et instances républicaines : l'école, le lieu de travail, l'habitat, etc. La question des moyens humains et matériels adaptés est, à l'évidence, fondamentale. La lutte contre les discriminations - phénomène massif et complexe - exige en effet plus que de bonnes intentions.

En tout état de cause, cette Haute autorité ne peut pas, à elle seule, « réparer » le mal causé par les politiques antisociales d'exclusion et de stigmatisation qui sont menées par ce gouvernement et qui conduisent aux souffrances, à la mal-vie, à la précarité à vie que l'on connaît trop dans ce pays.

Pour autant, nous estimons - et il semblerait que nous soyons suivis en cela par le Conseil d'État - que cette instance ne doit se substituer ni à l'action du pouvoir judiciaire, et nous aurons l'occasion de revenir sur ce point lors de l'examen des amendements, ni à celle des pouvoirs publics, dont le rôle essentiel est de promouvoir et mettre en oeuvre le principe d'égalité et de lutte contre les discriminations.

De même, les responsables politiques ne doivent pas se sentir dédouanés de leur responsabilité en la matière du fait de l'existence de cette instance. Il en va du type de société que nous voulons léguer aux générations futures.

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