Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 3 mars 2006 à 22h00
Égalité des chances — Article 19

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Notre Constitution proclame l'égalité des droits ; l'année 2006 est placée sous le signe du combat pour l'égalité des chances ; nos concitoyens réclament l'égalité de traitement. Voila donc comment se décline l'égalité aujourd'hui : égalité des droits, égalité des chances, égalité de traitement. C'est le fondement même de notre contrat social, de notre pacte républicain.

À cet égard, les discriminations sont des pratiques qui se traduisent par une inégalité en droit, en chances et en traitement, et minent notre cohésion sociale.

Les pratiques discriminatoires sont innombrables, quotidiennes, « routinisées ». Elles peuvent revêtir des formes bien différentes. Certaines peuvent paraître anodines : un regard, un geste, une question déplacée qui jette d'emblée la suspicion sur une personne. D'autres sont bien plus graves. Pourtant, elles ont longtemps été occultées, voire niées.

Les pratiques discriminatoires portent d'autant plus gravement atteintes à la République qu'elles se déploient en toute invisibilité, ou du moins en toute impunité. Or cette impunité discrédite - surtout aux yeux de ceux qui en sont les victimes - le projet républicain et notre contrat social.

À ce jour, quarante condamnations au pénal seulement ont été prononcées. Depuis sa création, il y a un an, la HALDE, autorité encore inconnue, a néanmoins été saisie par plus de 1 300 personnes.

Pourtant, ce n'est pas l'outil qui manque : notre arsenal juridique est un des plus étoffés au monde. En 2001, l'aménagement de la charge de la preuve a considérablement facilité l'action en justice, et l'onction législative que nous allons donner au testing va contribuer à consolider plus encore notre corpus législatif et juridique.

Dès lors, comment expliquer ce chiffre étonnant, ridicule, de quarante condamnations par an ? Les magistrats, on le sait, sont bien plus prompts à condamner les atteintes matérielles que les atteintes morales ou psychologiques. La justice manque également cruellement de moyens. Notre police n'est pas formée en matière de lutte contre les discriminations.

Faut-il pour autant accorder des pouvoirs de nature quasi juridictionnelle à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité en lui octroyant un pouvoir de sanction pécuniaire ou, comme le prévoit l'amendement de la commission des lois, un pouvoir de sanction transactionnelle ?

Je vous avoue, monsieur le ministre, que, à la lecture du texte, j'y étais personnellement favorable pour avoir vu tant de morts sociales dues aux discriminations. Nous avons eu, au sein de notre groupe, de longues discussions à ce sujet. Pesant le pour et le contre, nous avons arrêté notre position en toute connaissance de cause : il revient à la justice, et à la justice seule, de sanctionner les délits. Nos institutions, concernant un sujet aussi grave, aussi vital pour notre pacte républicain, ne peuvent se défausser de leurs responsabilités sur une autorité administrative indépendante.

C'est pourquoi le groupe socialiste n'est favorable à l'octroi ni d'un pouvoir de sanction financière ni d'un pouvoir de sanction transactionnelle à la HALDE.

Pour autant, il convient parallèlement de renforcer les autres pouvoirs de la HALDE. C'est l'objet des amendements déposés par le groupe socialiste.

Nous souhaitons renforcer les pouvoirs de la HALDE en lui octroyant certains pouvoirs de sanction qui la rendent non seulement visible, mais également crédible.

La HALDE est déjà dotée d'un pouvoir d'investigation sur place et, le cas échéant, d'un pouvoir de transmission auprès des juridictions compétentes. Quand elle est saisie d'une demande d'intervention, elle a plusieurs modes de réponse : la médiation ou la recommandation.

Nous proposons des amendements visant à ce que les décisions de la HALDE soient rendues publiques afin que cette haute autorité développe ce que j'appellerai la « publicité négative ».

Pour ma part, dans la mesure où l'essentiel des discriminations portées à la connaissance de la HALDE concernent des discriminations à l'embauche, je crois qu'il est plus dissuasif pour une entreprise publique ou privée de payer une contre-publicité lui recommandant de cesser ses pratiques discriminatoires que de se voir infliger une sanction transactionnelle qui, au final, risque d'être assez indolore ; cela sans préjudice, bien sûr, des poursuites pénales.

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