Intervention de François Zocchetto

Réunion du 3 mars 2006 à 22h00
Égalité des chances — Article 19

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

La loi du 30 décembre 2004 a créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et l'a dotée d'un certain nombre de pouvoirs : pouvoir d'investigation, de médiation, de recommandation et pouvoir de transmission des dossiers au parquet ou aux autorités disciplinaires.

La HALDE dispose aussi d'un pouvoir d'intervention devant les juridictions civiles, pénales ou administratives, et, devant les juridictions pénales, elle peut demander à présenter des observations.

Il faut souligner que, depuis quelques mois, la Haute autorité a très bien utilisé ses différents pouvoirs. La loi a ainsi été bien accueillie : elle répond aux exigences posées par le législateur européen ; elle répond aussi, il faut le dire, au souhait qui avait été émis par le Président de la République.

On peut donc considérer que cette loi est équilibrée et que la Haute autorité satisfait ainsi, dans son fonctionnement, au principe de séparation des pouvoirs.

D'un côté, il y a la Haute autorité, qui participe à la lutte contre les discriminations et assiste les victimes de ces discriminations. Lorsque les discriminations sont graves ou répétées, elle transmet le dossier au parquet, qui peut seul engager les poursuites. La décision appartient donc au procureur.

De l'autre côté, il y a l'autorité judiciaire, qui, classiquement, en vertu de nos principes constitutionnels, poursuit et propose de réprimer les infractions.

Vous comprenez que, dans ces circonstances, nous émettions les réserves les plus extrêmes - pour ne pas dire une opposition totale - à l'article 19 du projet de loi tel qu'il nous est présenté.

La première réserve concerne, cela a déjà été clairement exprimé avant moi, le pouvoir de sanction qui serait attribué à la HALDE. En effet, les actes de discrimination constituent très clairement des délits qui sont prévus dans le code pénal aux articles 225-2 et 432-7. Or la répression des délits, la poursuite des auteurs de ces délits ne sont-elles pas, de par notre Constitution, réservées à l'autorité judiciaire ?

Attribuer à la Haute autorité un pouvoir de sanction serait, à mon avis, une véritable discrimination, mais, là, en l'espèce, vis-à-vis de l'autorité judiciaire. Quel paradoxe ! En effet, doter la Haute autorité d'un pouvoir juridictionnel revient à nier complètement un certain nombre d'équilibres qui ont été posés par notre Constitution.

La deuxième réserve porte sur la capacité donnée à la Haute Autorité de réunir des preuves, de poursuivre et de juger. On peut l'admettre, mais encore faut-il que tout se fasse dans le respect des libertés individuelles et des droits de la défense, auxquels nous sommes tous attachés.

Pour ces raisons, il serait également nécessaire d'encadrer les pouvoirs d'intervention de la Haute Autorité, de façon à éviter toute dérive dans l'exercice des vérifications sur place.

Enfin, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur un problème crucial qui ne manquera pas de surgir très rapidement si vous osez adopter l'article 19, ce que je ne peux pas imaginer.

On nous propose dans cet article que les recours à l'encontre des décisions de la Haute Autorité soient portés devant le Conseil d'État, alors qu'il s'agit, purement et simplement, de décisions qui concerneraient la répression de délits.

Chacun sait bien que tout ce qui concerne les délits est du ressort de la Cour de cassation. Que va-t-il se passer lorsqu'il y aura des décisions du Conseil d'État d'un côté, des décisions de la Cour de cassation de l'autre côté ?

Bref, cet article 19 n'est pas acceptable et la commission des lois l'a très bien compris puisque, dans un amendement déposé à l'article 90, elle propose de revoir complètement le mécanisme.

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