A ce stade du débat, je souhaiterais replacer celui-ci dans son contexte.
Ce débat sur la HALDE tire son existence d'un échec. Dans notre Constitution et dans le fondement de notre République, il y a le principe essentiel d'égalité et de non-discrimination. Or la réalité vécue dans ce pays est plutôt celle des discriminations, discriminations sur tous les terrains, économiques et sociaux, de représentation. Et c'est là que le problème se pose avec acuité.
Si nos politiques publiques, économiques, sociales étaient menées en conformité avec cette égalité inscrite sur le fronton de nos mairies, de nos écoles, nous n'en serions pas à chercher par des « machins » à panser un corps social malade.
Nous ne nous sommes pas opposés à la création de cette Haute autorité, laquelle résulte d'une recommandation européenne que seule la France n'avait pas encore mise en application. Mais, s'il s'agit de remplacer une politique républicaine, laïque, valable pour tous, où chaque citoyen est considéré à égalité avec un autre, par la mise en place d'une haute autorité administrative qui donnerait bonne conscience à la société, je n'y vois pas d'intérêt ?
Nos efforts de sensibilisation aux discriminations seraient d'ailleurs inutiles si devait se poursuivre, comme on peut le redouter avec la politique que nous prépare le ministre de l'intérieur, la stigmatisation des différences dans le pays de l'immigration.
Qu'on le veuille ou non, on a mis sciemment le problème sous le feu de l'actualité, comme si c'était la préoccupation essentielle des Français ! Avec l'approche d'échéances électorales, on a manipulé la sensibilité des Français en parlant de l'immigration clandestine comme de la cause de tous les maux du pays.
Le résultat s'en est fait sentir dans la vie quotidienne. Même s'il n'est pas écrit « immigré clandestin » ou « sans papiers » sur le front du basané qui prend le métro, il est devenu l'objet d'une suspicion qui s'est étendu sur l'ensemble des immigrés, y compris sur les immigrés en situation régulière. Allons plus loin : ses enfants, des Français de la même couleur de peau que lui, furent montrés du doigt et tenus, eux aussi, en suspicion !
À partir du moment où l'on se permet, à l'approche des échéances électorales, de stigmatiser l'immigration, d'en faire le sujet essentiel de préoccupation comme on s'apprête encore à le faire, à quelques mois d'une échéance électorale, à l'occasion d'une loi sur l'immigration qui va faire le tri entre les bons et les mauvais immigrés, on ruine tous les efforts d'éducation de la société, parce que cela encourage l'exclusion, la discrimination.
Le consensus qui s'est manifesté ce soir quant au plus qu'apporterait ce projet de loi me laisse sceptique. Certes, la justice ne poursuit pas assez : le chiffre de quarante condamnations cité par Mme Khiari en est la preuve. Mais est-ce parce que la justice n'est pas suffisamment saisie qu'il faut donner à une autorité administrative le pouvoir de faire ce que la justice ne fait pas ? Ce faisant, on réduit l'impact de la sanction dans la mesure où une décision de justice a un tout autre poids qu'une peine d'amende prononcée par une haute autorité. Si l'on accepte ce transfert, la prochaine fois, ce ne seront pas quarante affaires qui auront été traitées par le pouvoir judiciaire, il n'y en aura plus que dix !
Se pose aussi la question de l'indépendance.