Je voudrais tout d'abord insister sur l'importance que la commission des lois attache à cet amendement, tout en précisant, pour que les choses soient claires, que la commission des lois est néanmoins favorable au renforcement des pouvoirs de la HALDE, à des fins de sanction effective des discriminations.
Comme le disait notre collègue David Assouline, il y a en moyenne, dans notre pays, quarante condamnations contentieuses par an en matière de discrimination, ce qui, mes chers collègues, est tout à fait insignifiant à l'échelle de notre République.
La commission des lois relève toutefois que les infractions de discrimination relèvent essentiellement de la justice pénale. Pour autant, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, confie à la HALDE le pouvoir d'apprécier et de sanctionner des éléments constitutifs d'infractions pénales.
Or une telle compétence excède largement les attributions reconnues jusqu'à ce jour aux autorités administratives qui, c'est vrai, cher collègue Mélenchon, prolifèrent depuis quelques années.
Ces autorités, lorsqu'elles sont dotées d'un pouvoir de sanction, l'exercent en effet pour réprimer des manquements à des législations sectorielles dont elles ont la charge et non pas pour sanctionner des atteintes à la personne humaine définies par le code pénal.
Par exemple, le Conseil de la concurrence sanctionne les manquements au code de commerce en matière de concurrence, et l'on pourrait de la même façon citer la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la Commission d'accès aux documents administratifs ou encore la Commission bancaire.
Le pouvoir ainsi reconnu à la HALDE tendrait donc à assimiler celle-ci à une quasi-juridiction, qui constituerait dès lors - comment l'appeler autrement ? -un démembrement de l'autorité judiciaire.
Nous estimons donc que, sur ce point, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi porte atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.
C'est pourquoi le présent amendement, que je défends au nom de la commission des lois, vise à mettre en place un mécanisme différent, qui, s'il donne à la HALDE un véritable pouvoir de sanction, respecte néanmoins le bloc de compétences de l'autorité judiciaire.
La HALDE aurait ainsi le droit de proposer une transaction aux auteurs de discrimination, transaction dont l'homologation par le procureur de la République, suivie de son exécution volontaire, éteindrait l'action publique, ce qui prolongerait la mission de médiation déjà reconnue à la HALDE.
En outre, si le procureur estimait que la sanction était beaucoup trop faible par rapport à l'importance de discrimination, il lui suffirait tout simplement de ne pas homologuer.
En cas d'échec de cette transaction, la HALDE pourrait mettre en mouvement l'action publique en matière de discrimination.
Ces nouveaux pouvoirs, qui ressemblent fort à ceux qui sont que la loi confie à des administrations spécialisées, comme les douanes ou l'administration des eaux et forêts, rendent ainsi complémentaires, et non plus en opposition, l'action de la HALDE et celle des autorités judiciaires.
Ils offriraient une garantie d'efficacité semblable à celle, par exemple, de la composition pénale, qui constitue une version élargie du règlement transactionnel du délit ; si l'occasion m'en est donnée ultérieurement, je pourrai citer quelques extraits du remarquable rapport rédigé par notre collègue François Zocchetto, au nom de la mission d'information relative aux procédures accélérées de jugement, dans lequel figure toute une série de statistiques sur la composition pénale qui peuvent, en l'occurrence, se révéler très intéressantes.
Une preuve supplémentaire, s'il en était besoin, de notre volonté de renforcer le pouvoir de la HALDE tient en deux propositions annexes incluses dans cet amendement : il s'agit, d'une part, d'habiliter les agents de la HALDE à constater les délits de discrimination, notamment dans le cadre des testing, et, d'autre part, de permettre au président de la Haute autorité, en cas d'opposition du responsable des lieux à des vérifications sur place, de saisir sans délai le juge des référés afin qu'il autorise ces vérifications.
Cela est sans doute le signe d'une certaine obstination de votre rapporteur pour avis de la commission des lois, puisque j'avais vainement fait une proposition identique lors de la discussion du projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Tel est l'objet de cet amendement, auquel la commission des lois attache, je le répète, une grande importance.