Cela dit, permettez à notre assemblée, qui représente les collectivités locales, d'apporter un éclairage particulier sur l'article 26 qui vise à étendre les pouvoirs des agents de police municipale en leur permettant de constater les contraventions relatives à ce qu'il est convenu d'appeler des « incivilités ».
Notons tout d'abord que le concept d'incivilité reste flou et qu'il n'est pas juridiquement défini. Nous sommes ainsi devant un objet juridique non identifié.
En fait, l'article 26 vise à étendre les prérogatives de constatation des agents de police municipale aux contraventions mentionnées au livre VI du code pénal dont la liste serait fixée par décret en Conseil d'État.
Ainsi, aux termes de cette future loi, seraient dorénavant considérées comme des « incivilités » les contraventions suivantes : la divagation d'animaux dangereux, les menaces de violences, les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes, l'excitation d'animaux dangereux, la diffusion de messages contraires à la décence, l'abandon d'ordures et de déchets, enfin, les destructions, dégradations et détériorations légères.
Ce faisant, nous élargirions considérablement le pouvoir des polices municipales et je comprends la sagesse de la commission des lois qui nous demande de supprimer cet article au motif qu'il serait inopportun d'étendre les prérogatives des agents de police municipale. Permettez-nous de considérer que ce serait non seulement inopportun, mais également dangereux.
Depuis que la loi a autorisé la mise en place des polices municipales, le législateur a particulièrement veillé à encadrer strictement leurs missions. L'élargissement qui nous est proposé aujourd'hui fait exploser le cadre juridique actuel.
Permettez-moi de rappeler que ces polices tirent leurs prérogatives des pouvoirs de police des maires et qu'en vertu de l'article 21 du code de procédure pénale, les agents de police municipale sont considérés comme des agents de police judiciaire adjoints. Ainsi, ils doivent seconder les officiers de police judiciaire dans leur mission.
En élargissant leur périmètre d'intervention, nous élargissons aussi leur pouvoir de constatation et d'instruction sur des affaires plus graves, en s'appuyant sur les missions d'officier de police judiciaire des maires et de leurs adjoints. La dérive est alors à notre porte.
Nous savons tous ici que certains maires n'attendent qu'un signe pour réactiver avec force les prérogatives d'officier de police judiciaire qu'ils détiennent en vertu de l'article 16 du code de procédure pénale.
Nous ne saurions admettre que le présent projet de loi, dont la représentation nationale issue du suffrage universel n'a pu discuter, ouvre ainsi la porte à un basculement de l'ordre républicain.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons l'avis de la commission des lois et nous vous demandons de supprimer l'article 26.