Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 24 mars 2010 à 14h30
Garde à vue — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Michèle Alliot-Marie, ministre d'État :

Pour autant, monsieur Mézard, la méthode que vous avez retenue me paraît parcellaire.

Voilà maintenant trente ans qu’en matière de procédure pénale la succession des réformes parcellaires se fait au détriment de la cohérence et de la lisibilité des textes, qui deviennent incompatibles dans un certain nombre de cas.

C’est bien la raison pour laquelle j’ai choisi, pour la réforme de la procédure pénale, une réflexion et des propositions globales, couvrant un champ très vaste, depuis le moment où les faits sont commis, depuis le début de l’enquête, jusqu’aux voies d’exécution.

C’est ma conviction, toute réflexion sur la garde à vue, qui n’est que l’un des éléments de l’enquête, doit s’inscrire dans cette approche globale de la procédure pénale. La question particulière de la présence de l’avocat lors de la garde à vue doit bien être placée dans ce cadre et prendre en compte tous les paramètres de l’enquête judiciaire.

Je cherche à avoir une démarche globale et équilibrée, et la question de la garde à vue s’inscrit pleinement dans cette ambition.

La réforme que j’ai l’honneur de conduire à la demande du Président de la République représente une véritable refondation de la procédure pénale. Elle est essentielle pour nos institutions et pour la République. Ne l’oublions pas, l’unité de la nation repose sur le fait que les mêmes règles s’appliquent à tous les Français, lesquels reconnaîtront que la justice joue auprès de l’ensemble des justiciables un rôle semblable.

Parce que nous sommes donc au cœur de ce qui fait l’unité de notre nation, je pense qu’il faut privilégier une démarche de clarification. C’est la raison pour laquelle nous élaborons un projet d’ensemble, animés par la volonté de produire le texte le plus lisible.

Cette démarche, je la souhaite la plus consensuelle possible. Bien entendu, je connais les limites du consensus au sein des assemblées, mais je souhaite au moins que nous y travaillions. Nous verrons bien quels seront les votes à l’issue du débat. Commençons dans la perspective de rédiger le meilleur texte possible. Et puis, chacun assumera sa position sur l’échiquier national.

Consciente de l’importance du consensus, j’ai entamé une longue concertation, sans doute la plus longue qui ait jamais été ménagée sur un texte. Elle a duré deux mois et j’ai même accepté de la prolonger d’une semaine supplémentaire en cas de besoin. Je l’ai voulue aussi la plus large possible : elle implique les syndicats de magistrats, les représentants des avocats, des policiers, des gendarmes, et les parlementaires.

Commencé voilà maintenant plus de quinze jours, le processus va se poursuivre jusqu’au début du mois de mai. Après quoi, le groupe de travail diversifié que j’ai constitué s’emploiera à intégrer le plus possible de suggestions et de propositions pour parvenir à rédiger le meilleur texte.

Nous ne sommes pas pour autant certains de satisfaire tout le monde ! En effet, nous le savons d’ores et déjà, un certain nombre de positions sont incompatibles. Je le dis d’emblée, j’assumerai mes propres responsabilités. Autant je reconnais que le texte tel qu’il est peut faire l’objet d’amendements sur chacun de ses articles, autant je sais qu’il viendra un moment où j’aurai à présenter, au nom du Gouvernement, un projet de loi. J’en assumerai alors la totale responsabilité. C’est ainsi que je conçois la méthode de travail.

La réforme de la garde à vue sera l’un des volets importants de la réforme plus générale de notre procédure pénale. Je peux vous dire, monsieur Mézard, qu’elle sera conduite en totale cohérence et en totale harmonie avec les propos que j’ai tenus le 9 février. Sur ce point, je ne changerai pas parce qu’il s’agit de trouver un point d’équilibre entre les libertés et les nécessités de la sécurité dans le cadre d’enquêtes menées pour découvrir la vérité dans des affaires de délinquance dont un certain nombre de nos concitoyens subissent les conséquences.

Bien entendu, dans ce cadre, nous nous posons et il faudra poser la question de la présence de l’avocat au cours de la garde à vue.

À ce propos, je tiens à préciser à l’intention de ceux, magistrats et autres, qui ont pris certaines positions en se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’il ne faut ni lui faire dire plus que ce qu’elle dit ni aller au-delà de ses règles.

La Cour européenne, nous le savons bien, statue selon un mode assez proche des principes du droit anglo-saxon, qui n’est pas le nôtre, et procède au cas par cas. La Cour européenne n’a jamais condamné la France pour sa pratique de la garde à vue. Lorsqu’elle dit qu’il faut que la personne mise en cause ait accès à un avocat, elle vise la totalité de la garde à vue et de la procédure d’enquête. Or la France a d’ores et déjà autorisé l’intervention d’un avocat pour une demi-heure au cours de la première heure. C’est dire que notre pays satisfait totalement les exigences de la Cour européenne.

Je tenais à le rappeler et pourrais, à l’appui de mes propos, vous relire l’intégralité de l’arrêt Adamkiewicz c. Pologne : les choses sont extrêmement claires en la matière.

La France aurait été condamnée s’il y avait eu le moindre problème dans ce domaine, mais, en prévoyant la possibilité de la présence de l’avocat dès la première demi-heure de la garde à vue, nous nous sommes, en effet, conformés aux exigences de la Cour européenne.

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