Quant à la présence effective de l’avocat dès le début de la garde à vue, cela suppose que celui-ci puisse exercer, dès le début, « toute la vaste gamme » des droits de la défense, selon les termes mêmes de la Cour européenne des droits de l’homme. Le conseil doit non seulement pouvoir s’entretenir avec son client, mais également assister aux interrogatoires et accéder au dossier pénal. Si vous ne reprenez pas ces exigences, cette réforme n’aura servi qu’à toiletter une procédure qui demeurera contraire à la Convention européenne des droits de l’homme.
Pour ce qui concerne les régimes de garde à vue applicables au crime en bande organisée, au trafic de stupéfiants et au terrorisme, nous constatons qu’il n’y a pas de réelle avancée. L’avocat continuera d’intervenir à la quarante-huitième heure pour ce qui concerne les crimes commis en bande organisée et à la soixante-douzième heure en matière de terrorisme, la seule différence notable étant une intervention moins tardive – de soixante-douze heures, nous passons à quarante-huit heures – pour ce qui concerne les trafics de stupéfiants.
Vous le voyez, madame le ministre d’État, nous avons passé au crible votre avant-projet de réforme, et c’est en connaissance de cause que nous pouvons conclure que cette modification mineure ne changera pas grand-chose.
En effet, ces différents régimes dérogatoires demeurent contraires à la Convention européenne des droits de l’homme, puisque la Cour européenne des droits de l’homme exige la présence de l’avocat au début de la garde à vue, et ce indépendamment de la gravité de l’infraction retenue.
Madame le ministre d’État, j’ose espérer que cet avant- projet de loi évoluera, grâce à la concertation, vers une meilleure prise en compte des exigences européennes, notamment des principes découlant des droits de la défense, dont nous avons longuement parlé ici. J’ose également espérer, en toute sincérité, que la concertation qui devrait aboutir dans quelques semaines permettra d’apporter à votre texte toutes les modifications nécessaires, pour ne pas dire fondamentales, pour le rendre acceptable.
Au vu de ces éléments, la proposition de loi de Jacques Mézard pose un principe important, celui de la présence immédiate de l’avocat, même si notre collègue n’en a pas, il est vrai, tiré toutes les conséquences pratiques pour ce qui est de la procédure.
Ainsi, il serait dommage qu’une garde à vue soit annulée si l’avocat refuse d’assister à l’audition au motif, par exemple, qu’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants pour assurer la défense de son client. Sur ce point, la proposition de loi reste muette.
Même si une réflexion d’ensemble et approfondie doit être engagée, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une excellente proposition de loi, qui permet de rappeler, avec force et vigueur, une exigence fondamentale : nous devrons, tôt ou tard, intégrer dans notre droit l’assistance immédiate d’un avocat aux personnes placées en garde à vue.
À cette exigence d’urgence, il faudra ajouter l’exigence d’efficacité et d’effectivité. Mais nous reviendrons sur cette question le 25 avril prochain, lors de l’examen de la proposition de loi portant réforme de la garde à vue du groupe socialiste.