Une disposition représente incontestablement une avancée : l'obligation du choix du statut pour le conjoint collaborateur. Nous avons vu trop de situations de détresse qui faisaient suite au décès ou au départ du chef d'entreprise pour ne pas adhérer totalement au caractère obligatoire de la déclaration.
Il nous semble toutefois que vous n'allez pas jusqu'au bout de la logique : le conjoint aura un statut, mais vous ne lui donnez pas d'emblée des droits propres.
Monsieur le ministre, les bonnes intentions ne suffisent pas. Il faut aller jusqu'au bout de la démarche, sauf à devoir de nouveau y revenir. Or il y a urgence pour les conjoints.
Vous nous annoncez plusieurs dispositions en faveur de la formation, mais vous vous désengagez des financements, et nous ne vous suivrons pas en l'état sur ces articles.
Enfin, vous ne nous faites aucune proposition en faveur des salariés des très petites entreprises, que ce soit en matière d'aide à la reprise - alors que le salarié principal est souvent le mieux placé pour reprendre l'atelier ou le commerce - ou pour la validation des acquis, voire en termes d'avancée sociale, telle la possibilité de créer des comités d'action sociale inter-entreprise, comme le prévoyait le texte de François Patriat.
Véritable projet de loi à part entière, a été introduite dans ce projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises la réforme de la loi Galland, qui régit depuis 1996 les rapports entre la grande distribution et les fournisseurs. Cette loi serait la cause de tous les maux, elle empêcherait la baisse des prix, elle serait source d'inflation et, donc, de baisse du pouvoir d'achat des ménages. Nous nous refusons à accepter cette vision-là.
La boîte de Pandore a été ouverte il y a un an par Nicolas Sarkozy : depuis juin dernier, la loi Galland n'est plus appliquée, le seuil de revente à perte n'est pas respecté, les coopérations commerciales non plus. Car, au lieu de prendre de sérieuses dispositions pour faire appliquer la loi, on a annoncé une nouvelle loi !
On ne peut nier le rôle historique de la grande distribution dans l'amélioration du pouvoir d'achat du plus grand nombre. Il n'en demeure pas mois que, si elle se mobilise aujourd'hui, ce n'est pas pour qu'une éventuelle baisse des prix rende du pouvoir d'achat aux consommateur, c'est parce qu'elle doit faire face à un nouveau front : la concurrence des hard discounters. En effet, ces moyennes surfaces, très présentes sous forme de commerces de proximité qui se démarquent des grands distributeurs par leur absence d'effort de présentation des produits, proposent des prix plus bas. Pour ces nouvelles enseignes qui se développent, seuls comptent les prix. Peu importe d'où viennent les fournisseurs, peu importe la présentation des produits sur les linéaires, peu importent les conditions de travail de leurs employés, et il serait sans doute très intéressant d'y regarder de plus près en matière de pratiques anticoncurrentielles.
Ainsi que le développera plus avant Daniel Raoul, nous ne pensons pas que la légalisation de la pratique des marges arrière - car c'est bien ce qui nous est proposé - apportera une quelconque amélioration dans le fonctionnement actuel de la grande distribution, que ce soit en interne en direction des salariés, en amont en direction des fournisseurs et des producteurs, ou en aval en direction des consommateurs.
Les employés de la distribution ont des conditions de travail de plus en plus insupportables, marquées par le temps partiel et la précarité, avec une organisation de la journée de travail ponctuée d'une multiplication de pauses qui rend toute gestion de la vie familiale quasi impossible.
Les fournisseurs et les producteurs continueront d'être pressés de serrer leurs prix, et, donc, de réduire leurs coûts et de rationaliser leur production. Ils sont des dizaines de milliers face à cinq clients potentiels, mais ce sont eux qui se trouvent actuellement dans une situation de grande insécurité juridique, et ce qu'ils demandent, c'est d'avoir les moyens de faire respecter la loi.
Il nous semble qu'en préalable à toute modification de la loi Galland, il eût été sage, ainsi que l'avait demandé Jean Gaubert à l'Assemblée nationale en octobre dernier, que soit créée une commission d'enquête qui aurait bénéficié de réels moyens d'investigation pour analyser « le mode de fonctionnement des marges et des prix dans le secteur de la grande distribution, et les conséquences de l'évolution des prix sur le pouvoir d'achat des ménages ». On peut, en effet, s'interroger sur la capacité de la grande distribution à renoncer de manière significative à ses marges au détriment de ses actionnaires.
Pour nous, toute cette problématique, assise sur la substitution d'une politique de baisse des prix à une politique d'augmentation du revenu, est, on l'aura compris, non seulement erronée, mais aussi extrêmement dangereuse.
M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, constate aujourd'hui que, dans de nombreux secteurs, les minima salariaux et les grilles de salaires ne sont pas respectés. Aucune contrainte de comportement n'a été ces dernières années imposée aux entreprises.
Le Gouvernement entretient la confusion sur le niveau de vie des Français : ce qui est en cause, ce n'est pas le prix à la consommation dans la grande distribution, mais le pouvoir d'achat global. Nous pensons que fournisseurs, producteurs et salariés en subiront les conséquences sans même que cela ait une réelle influence sur le pouvoir d'achat des Français. Le risque d'une guerre des prix qui déboucherait sur une spirale à la baisse des coûts n'est pas à écarter.
Nous apprécions la tentative qui est faite de réguler les enchères électroniques inversées, pratiques qui ont émergé ces dernières années. Mais il faut aller plus loin, et nous déposerons des amendements en ce sens.
Autre projet de loi dans le projet de loi, la réforme des chambres de commerce et d'industrie. Plusieurs rapports ont mentionné ces dernières années les dysfonctionnements des CCI, et une réforme était très attendue. Qu'elle figure dans ce texte n'en est pas moins très surprenant, et pose un certain nombre de questions qui seront développées par Nicole Bricq.
Je signalerai simplement que rien n'est dit sur les relations entre les CCI et les collectivités territoriales, notamment régionales, alors que celles-ci ont un rôle majeur dans le développement économique. On ne peut concevoir de créer des emplois sans organiser une réelle coopération entre les différents noeuds de décision et de compétences à l'échelle des territoires.
Rien n'est dit non plus sur les nécessaires relations avec les autres chambres consulaires, alors que cette coopération est également essentielle.
Enfin, on ne parle pour ainsi dire pas des chambres de métiers dans ce texte, alors qu'elles ont un rôle prééminent dans l'accompagnement des très petites entreprises.
Concernant le dernier titre, si nous ne pouvons qu'être favorables à une amplification de la lutte contre le travail illégal, nous trouvons fort paradoxal de créer dans le même temps un chèque emploi TPE, avec lequel il sera difficile de contrôler si le salarié n'est pas employé au-delà du temps déclaré une fois la couverture sociale acquittée.
Roger Madec s'exprimera plus complètement sur les dispositions sociales de ce texte. Enfin, je laisse le soin à Catherine Tasca de vous faire part de notre position sur les quelques articles qui concernent les intermittents, qui ne répondent en aucune mesure à l'attente des professionnels du spectacle.
Monsieur le ministre, vous nous demandez de nous prononcer sur un texte qui en contient plusieurs. Si nous sommes favorables à un certain nombre de dispositions qui vont dans le sens d'une amélioration de la situation des PME, des commerçants, des artisans, nous ne pouvons être dupes de ce qui se prépare en parallèle.
Non content de remettre en cause la protection des salariés et leur rémunération, le Gouvernement pose en même temps, par le texte que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, la baisse des prix dans la grande distribution comme solution pour relancer la consommation et augmenter le pouvoir d'achat. Nous redoutons que les salariés consommateurs ne soient doublement pénalisés.
Il est à craindre que nos petites et moyennes entreprises ne deviennent le lieu de la précarisation, le chèque emploi TPE et le contrat nouvelle embauche laissant augurer à terme la fin du CDI !
Regrettant que vous utilisiez ainsi ces entreprises qui font la richesse de nos territoires, nous ne voterons pas votre texte.