Celles-ci ont atteint des niveaux inadmissibles, traduisant bien plus un rapport de forces en faveur de la grande distribution que de réels services de coopération commerciale.
Les dispositions du projet de loi resteront impuissantes dans la lutte contre les effets pervers de cette pratique. Certes, vous améliorez le dispositif juridictionnel, monsieur le ministre, mais on sait combien il est rare qu'un fournisseur ose s'attaquer à ces grands groupes, car, nous le savons, les représailles peuvent lui porter un coup fatal !
Pis encore, le seuil de revente à perte est assoupli par le passage d'une partie des marges arrière en marges avant, laissant seulement la possibilité à la grande distribution de baisser les prix.
En vérité, la baisse des prix est un effet d'annonce. M. Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, n'a pas su tenir ses promesses à ce sujet. De plus, monsieur le ministre, croyez-vous sincèrement que les actionnaires de ces grands groupes vont renoncer à une partie de leurs gains au profit du consommateur, comme l'a souligné mon collègue Gérard Le Cam en commission ?
Accepter la revente à perte, c'est permettre la pratique de prix abusivement bas, qui seront obligatoirement répercutés sur les prix d'achat aux producteurs et fournisseurs. Or on ne peut pas accepter que les prix soient décidés par les grands groupes ! On ne peut pas accepter que la valeur du travail soit déconnectée de la valeur des biens produits ! Cette situation conduit inéluctablement à l'asphyxie des PME et à leur disparition.
Encore une fois, monsieur le ministre, vous déplacez insidieusement le problème. La baisse des prix n'a jamais été une révolution sociale et elle ne profite jamais, sur le long terme, aux milieux les plus modestes.
Les prix des biens d'équipement de haute technologie enregistrent des baisses importantes, tout en restant chers. Aussi, ce sont les ménages les plus aisés qui en bénéficient. A l'inverse, les prix des produits de première nécessité augmentent et pénalisent les catégories les plus modestes.
Pour notre part, nous affirmons que les prix doivent correspondre à une réalité économique capable de faire vivre les producteurs et que seule l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages permettra de relancer la consommation et l'économie. Or, depuis 2002, avec une hausse de 0, 4 % par an en moyenne, le pouvoir d'achat du salaire mensuel a quasiment stagné. De plus en plus de salariés n'arrivent plus à vivre de leur travail !
Comme le dénoncent les organisations humanitaires, à l'heure où tous les indicateurs montrent que la pauvreté s'accroît, les revenus financiers du capital ne cessent de croître. Les salaires faramineux des P-DG accompagnent les hausses exponentielles des profits. Les indemnités du P-DG de Carrefour en témoignent, qui représentent, faut-il le rappeler, l'équivalent de 2 815 années de SMIC !
Enfin, j'en viens au dernier volet de mon exposé - mais pas le moindre ! -, volet qui, je l'observe, n'a pas vraiment eu sa place jusqu'à présent dans les différentes interventions : votre politique dévastatrice continue le démantèlement du code du travail, au point d'éradiquer les dernières protections des salariés contre l'arbitraire patronal.
Votre action en ce domaine est anti-démocratique et anti-sociale. Vous n'avez en rien pris la mesure des exigences sociales exprimées dans les mobilisations et dans les urnes au cours de ces derniers mois. Vous passez outre le dialogue social, outre la négociation avec les syndicats, outre le débat parlementaire en décidant de modifier les droits sociaux par ordonnances.
Mais croyez-le, monsieur le ministre, les 7 millions de Français qui se trouvent privés d'emploi ou qui sont dans des situations précaires, les millions de travailleurs qui sont sous-payés et tous ceux qui craignent pour l'avenir et pour l'insertion des jeunes ne tolèrent plus ces pratiques.
Votre gouvernement aggrave encore la politique ultralibérale en répondant au chômage par une ultra précarisation des salariés.
Vos arguments pour lancer un « chèque emploi pour les très petites entreprises », en remplacement d'un « titre emploi-entreprise » mort-né, sont inacceptables. En vérité, le « chèque emploi pour les très petites entreprises », comme le « chèque emploi-service universel » annoncé par votre collègue M. Borloo, généralise l'insécurité dans le travail. Comment les travailleurs pourront-ils défendre leurs droits sans feuille de paie en bonne et due forme, sans contrat de travail ? C'est la porte ouverte à toutes les dérives, à la précarisation accrue ! C'est aussi permettre aux employeurs de s'affranchir des conventions collectives !
Ensuite, le « contrat nouvelle embauche », auquel vous ne faites absolument pas référence dans vos propos aujourd'hui, monsieur le ministre, alors que le Premier ministre a souvent cité les PME pour le justifier, signe l'arrêt de mort du contrat à durée indéterminée. Avec deux ans de période d'essai, un licenciement sans préavis ni indemnité, le contrat à durée indéterminée est entièrement vidé des garanties qu'il offre aux salariés !
En effet, mais peut-être faut-il vous le rappeler, monsieur le ministre, le salarié en période d'essai est démuni de la quasi-totalité de ses droits, notamment en matière d'indemnités ! En fait, le « contrat nouvelle embauche » n'est qu'un CDD au rabais, sans la prime de précarité. En troquant le droit à un travail contre le droit au chômage, votre gouvernement crée un véritable droit de licencier librement.
De plus, vous comptez financer ce plan pour l'emploi précarisé et sans avenir par l'ouverture, dès le 23 juin prochain, du capital de Gaz de France, par la relance de la privatisation des autoroutes, ou encore par la cession d'au moins 6 % du capital de France Télécom ! Quel gâchis !
Votre politique ultralibérale d'allégement des charges sociales des entreprises, de casse du code du travail, de précarisation des emplois, d'exploitation des travailleurs les plus faibles n'est pas la réponse attendue par les Français. Elle est même le contraire !
Nous venons de le voir, ce projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, pas plus que la politique annoncée par le Gouvernement, ne répondent aux attentes des nos concitoyens.
Pourtant, nous l'avons rappelé maintes fois dans cette enceinte à l'occasion des débats sur les retraites et la sécurité sociale, une autre logique existe, qui pourrait s'articuler autour d'une vision associant résolument efficacité économique et efficacité sociale.
Ainsi, une action résolue et efficace en faveur des PME et des TPE doit passer par la sécurisation des parcours professionnels. A ce titre, nous proposons la mise en place graduelle d'un système de sécurité d'emploi ou de formation, en lieu et place de la précarisation.
De plus, le progrès social suppose une réforme de la taxe professionnelle, avec la mise à contribution des actifs financiers des entreprises et des banques ainsi qu'une modulation de l'impôt sur les sociétés en fonction des créations d'emplois.
Enfin, il nous paraît nécessaire de réviser profondément le calcul des cotisations sociales patronales pour encourager l'emploi et pénaliser les placements financiers.
Les amendements déposés par le groupe communiste républicain et citoyen vont dans ce sens. En effet, nous prévoyons des mesures pour faciliter l'accès au financement des entreprises. Nous demandons la mise en place d'une véritable politique de la formation. Par ailleurs, nous nous opposons fermement aux pratiques de la grande distribution, en proposant des amendements visant à interdire tous les abus rendus aujourd'hui possibles. Enfin, nous demandons le retrait des dispositions entérinant le démantèlement du code du travail et nous proposons des mesures visant à aboutir à une lutte efficace et effective contre le travail illégal.
En conclusion, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en raison de l'état actuel du texte, en raison du recours inacceptable aux ordonnances, le groupe CRC opposera un non catégorique à ce projet de loi. Nous pensons, en effet, que le Gouvernement doit entendre le message délivré dans les urnes le 29 mai et doit, après une sanction aussi forte de sa politique, changer largement l'orientation de ce premier texte, afin qu'il réponde aux préoccupations des Français sur le déficit démocratique de nos institutions, la précarité sociale et les moyens de la relance économique.