Cela faisait également longtemps que les commerçants et artisans attendaient la reconnaissance de droits propres en matière d'assurance vieillesse, de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience.
Cependant, la condition des conjoints partenaires est encore perfectible. Le groupe socialiste propose que les conjoints soient représentés au sein des chambres de métiers et de l'artisanat et que le bénéfice de ces statuts protecteurs soit étendu aux concubins et aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité avec le chef d'entreprise.
Vous avez souhaité insérer dans ce projet de loi des dispositions relatives au travail illégal. Naturellement, le groupe socialiste ne peut que partager les objectifs affichés par le Gouvernement dans ce domaine, même si, pour l'essentiel, les moyens à mettre en oeuvre dépassent largement le cadre de ce projet de loi.
Avec un détournement de 4 % du PIB, comme l'a rappelé Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et des pertes pour les finances de l'Etat de l'ordre de 55 milliards d'euros, le travail illégal constitue aujourd'hui un véritable fléau.
Les travailleurs concernés en sont les premières victimes. Faible rémunération, absence de protection sociale, conditions de travail déplorables et indignes, précarité et exclusion sociale en sont les principales conséquences.
Mais les personnes travaillant dans la légalité sont aussi touchées de plein fouet par le manque à gagner pour les caisses de sécurité sociale et par la concurrence déloyale qui pèse sur des pans entiers de l'économie. Dans le bâtiment, l'hôtellerie-restauration, l'agriculture et le spectacle, des emplois sont menacés par le dumping résultant du travail illégal.
C'est pourquoi toute mesure de lutte contre le travail illégal est la bienvenue. Votre projet de loi, monsieur le ministre, tend à renforcer, d'une part, la coopération entre toutes les administrations pouvant aider à détecter des formes de travail illégal et, d'autre part, les sanctions à l'égard des employeurs contrevenants.
L'intention est bonne, mais d'autres pistes auraient pu être explorées. Qui sera chargé de coordonner les échanges d'information ? Ces échanges seront-ils rendus systématiques ou dépendront-ils du volontarisme de chaque administration ? La suppression des aides publiques aux entreprises qui sont dans l'illégalité sera-t-elle une mesure suffisante ? Voilà des questions qui méritent des réponses. L'impératif de la lutte contre le travail illégal justifie au moins l'augmentation des sanctions financières à l'encontre des employeurs contrevenants.
Monsieur le ministre, je tiens à vous rappeler que le 23 novembre dernier, devant la commission des affaires sociales, votre prédécesseur s'était engagé à créer 180 postes supplémentaires à l'inspection du travail. Je considère, en effet, que toutes les mesures de coopération administrative et toutes les sanctions financières resteront sans effet si la présence des inspecteurs du travail sur le terrain n'est pas renforcée.
La situation est ubuesque : selon le ministère, au 31 décembre 2002, on dénombrait seulement 1 291 agents de contrôle de l'inspection du travail pour faire face à 1, 5 million d'établissements et quelque 15 millions de salariés. Quant aux contrôles des salariés étrangers travaillant en France, les agents de contrôle n'ont bien souvent même pas d'interprète à leur disposition pour traduire les contrats de travail.
Aussi, le groupe socialiste sera extrêmement attentif au respect des engagements pris par votre prédécesseur. Nous n'accepterons pas l'excuse de l'austérité budgétaire, car la perte de 55 milliards d'euros pour l'Etat et les destructions de centaines de milliers d'emplois engendrées par le travail illégal méritent un effort financier de l'Etat et la création de 180 postes budgétaires, pour éradiquer ce fléau.
S'agissant des dispositions relatives aux affaires sociales, monsieur le ministre, votre projet de loi ne contient que des mesures mal ficelées, voire des atteintes graves au droit du travail.
Concernant les créateurs et repreneurs d'entreprise, vous nous dites, monsieur le ministre, qu'il est indispensable de mieux former les futurs chefs d'entreprise au moment de la création ou de la reprise d'une PME. S'il partage entièrement cet objectif, le groupe socialiste déplore, en revanche, que le financement de ces actions de formation ponctuelle entre en concurrence frontale avec la formation professionnelle continue des artisans et des commerçants. Les fonds d'assurance formation sont déjà trop pauvres pour prendre en charge la formation professionnelle continue et vous voulez leur faire assumer en plus le financement de l'accompagnement des créateurs et repreneurs d'entreprise.
Monsieur le ministre, donnez-vous les moyens d'une politique plus cohérente. Apportez des ressources propres à ces nouvelles mesures d'accompagnement. Utilisez les dispositifs existants tels que le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, ou les fonds habituellement accessibles aux salariés, mais ne financez pas la formation des nouveaux chefs d'entreprise au détriment de la formation professionnelle continue.
Par ailleurs, monsieur le ministre, le flou des mesures proposées ne permet pas d'assurer que les bénéficiaires du fonds d'assurance formation de l'artisanat cotisent un jour eux-mêmes à ce fonds, faisant ainsi peser sur les seuls artisans le financement d'actions de formation d'un public plus large.
A terme, c'est donc à la fois l'aide aux nouveaux chefs d'entreprise et l'aide à la formation professionnelle que vous mettez en danger si vous ne proposez pas un financement cohérent et plus offensif, adapté à ces objectifs.
La même maladresse, le même manque d'idées vous conduisent à pérenniser et à étendre un mécanisme qui ne fonctionne pas : le titre emploi entreprise. Selon le rapporteur, dans les dizaines de milliers de petites entreprises susceptibles d'être intéressées, seuls 14 300 employés en ont bénéficié.
Actuellement, ce dispositif permet simplement à certains employeurs de faciliter les formalités sociales à l'embauche. Vous nous demandez aujourd'hui de le rebaptiser « chèque emploi très petites entreprises » et de lui conférer la valeur de véritable titre de paiement.
Certes, il est louable de s'inspirer du succès du chèque emploi service pour les emplois à domicile et du titre emploi simplifié agricole dans le domaine agricole, mais c'est en réalité une fausse bonne idée, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, contrairement au CES et au TESA, le chèque emploi pour les très petites entreprises, du fait de la multitude de conventions collectives et d'organismes sociaux collecteurs qui seront concernés, sera une véritable usine à gaz.
Ensuite, la simplification des formalités administratives ne doit pas avoir pour objet de contourner le code du travail. L'Union professionnelle artisanale, par exemple, qui se bat depuis longtemps pour la simplification du bulletin de salaire, considère que les mécanismes du type chèque emploi TPE ne sont pas la solution.
Les organisations professionnelles craignent également des effets d'aubaine importants et le remplacement des contrats d'intérim et des CDD par un nouveau type de contrat encore plus précaire.
En effet, ces chèques emploi qui servent à la fois de déclaration préalable à l'embauche, de contrat de travail, de feuille de paie et de titre de paiement distendent le lien entre l'employeur et l'employé, diluent la responsabilité de l'un par rapport à l'autre, et in fine le code du travail et les conventions collectives sont perdus de vue.
Enfin, vous laissez la porte ouverte à la généralisation des chèques emploi TPE au-delà même des TPE puisque vous supprimez le plafond de dix salariés.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, le groupe socialiste ne peut que déplorer que le chèque emploi TPE soit érigé par le Gouvernement en élément essentiel de la prétendue mobilisation générale pour l'emploi.
Dernière mesure du projet de loi concernant les affaires sociales, l'extension du forfait en jours aux salariés itinérants non cadres ne paraît pas acceptable. Cette mesure, qui n'a rien à faire dans un projet de loi sur les PME, est en plus totalement injustifiée. Le code du travail prévoit pour ces salariés la conclusion de conventions de forfaits horaires annuels, disposition déjà d'une grande souplesse. A la différence des cadres, ces salariés ne sont pas maîtres de leur emploi du temps. Le passage au forfait en jours aurait donc pour conséquence, encore une fois, d'augmenter indirectement leur temps de travail et de revenir sur les 35 heures. D'ailleurs, sans surprise, la concertation promise à ce sujet lors de l'examen du texte tendant à la révision des 35 heures n'a pas eu lieu.
Enfin, monsieur le ministre, je tiens à rappeler la position du groupe socialiste au sujet du travail des apprentis mineurs le dimanche. Alors que la Cour de cassation a récemment rappelé l'interdiction de faire travailler des apprentis les dimanches et jours fériés, la commission des affaires économiques propose d'ouvrir cette possibilité. Sans dogmatisme, monsieur le ministre, nous vous mettons en garde contre la tentation de laisser entrer par la fenêtre une mesure libérale mise à la porte par la Cour de cassation.
La protection des mineurs, de leur santé et de leur épanouissement personnel s'opposent à l'idée même de travail les dimanches et jours fériés sans compensation importante.
En outre, l'objectif annoncé par le Premier ministre de former 500 000 apprentis en cinq ans ne sera jamais atteint sans un effort pour améliorer l'image et l'attractivité des métiers de l'artisanat. Or nous ne pensons pas que le travail des apprentis mineurs les dimanches et jours fériés non assorti d'une compensation importante soit un gage d'attractivité pour les jeunes.
Si la formation des apprentis mineurs exige leur présence sur le lieu de travail pendant les dimanches et jours fériés, cette présence doit être strictement encadrée et limitée à l'impératif pédagogique.
Monsieur le ministre, je sais bien que vous avez hérité du dossier voilà quelques jours seulement, à l'occasion du remaniement, mais je me dois de vous dire - vous l'aurez d'ailleurs compris - que ce texte n'a pas beaucoup de vertus à nos yeux !