Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 13 novembre 2006 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

En effet, monsieur le rapporteur !

On le voit bien, le texte qui nous est présenté n'apporte aucune perspective durable de redressement des comptes et poursuit une politique de compression des dépenses exclusivement adossée aux efforts des assurés sociaux. Cela étant, si ces efforts avaient eu pour contrepartie l'amélioration de l'offre de soins, le renforcement de la solidarité envers les plus démunis, nous aurions pu leur trouver quelques vertus.

Mais la loi relative à l'assurance maladie n'a pas plus permis de répondre aux exigences de redressement des comptes de la sécurité sociale qu'elle n'a apporté de réponse aux préoccupations des Français quant à la qualité et l'organisation du système de santé sur notre territoire.

En matière de santé, tous les signaux sont au rouge. Ainsi, 14 % de la population et 33 % des chômeurs ont déjà renoncé à des soins, faute de moyens financiers. L'hôpital croule sous les dettes ; certaines parties de notre territoire sont dépourvues de toute offre médicale. De plus, tandis que les remboursements diminuent, les honoraires des médecins ne cessent de croître et la part des laboratoires de baisser. En effet, la contribution de ces derniers passe de 1, 76 % à 0, 76 % de leur chiffre d'affaires, alors que leur situation est florissante.

Pendant ce temps, on constate que l'état de santé des individus dépend de plus en plus du groupe social auquel ils appartiennent et que les disparités enregistrées s'aggravent. Aujourd'hui, c'est le développement des inégalités en matière de santé qui s'accroît, et rien n'est fait pour remédier à cette injustice fondamentale.

Élue en banlieue, je peux constater à quel point certains territoires de notre République deviennent de véritables déserts médicaux, et ce ne sont pas les élus des zones rurales qui me contrediront sur ce point. Les incitations financières liées aux zones franches ne suffisent pas à enrayer ce phénomène.

Que dire également de ces médecins qui refusent de soigner les bénéficiaires de l'AME et de la CMU ? Selon une récente étude de l'Observatoire de l'accès aux soins, 40 % d'entre eux refuseraient les soins aux personnes assujetties à l'AME. Une telle discrimination est insupportable et devrait donner lieu à des sanctions.

Ce qui est en question, en l'espèce, c'est la solidarité entre les territoires et entre les personnes. Mais il n'est pas étonnant que cette solidarité disparaisse quand tous vos efforts de redressement financier visent à réduire le périmètre de la prise en charge publique pour favoriser les services d'assurance privée.

C'est ainsi que la réforme de 2004, en réduisant la couverture de base, a transféré nombre de dépenses vers les complémentaires. Celles-ci ont donc fort logiquement augmenté leurs tarifs. Ce fait justifie le renforcement, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons, de l'aide à la complémentaire santé.

Beau raisonnement par lequel l'État légitime l'augmentation du tarif des complémentaires, augmentation dont il est à l'origine, puisqu'il réduit le périmètre de la prise en charge publique ! Certes, en volume, cela se traduit par une baisse nette pour la sécurité sociale, mais c'est le principe même de la solidarité qui est mis à mal.

Le cas des assurances médicales est également instructif. Vous avez décidé que l'assurance maladie financerait les deux tiers des augmentations de tarif, sans même vous interroger sur les causes de cette augmentation ou sur la légitimité d'une telle prise en charge par la collectivité. Un tel choix laisse un goût amer, tant on a l'impression, loi de financement après loi de financement, que, si les assurés sociaux sont sollicités, les médecins, eux, voient leur rémunération sans cesse augmenter et certaines de leurs revendications satisfaites, alors que leurs missions tendent à être de moins en moins bien remplies.

Dans les villes, en effet, les médecins sont de moins en moins nombreux à assurer leurs gardes, ils se font de plus en plus rares en secteur 1, leurs dépassements d'honoraires sont plus en plus fréquents.

Ces facteurs expliquent la dégradation de l'image de professionnels dont pourtant nous connaissons le dévouement, dont pourtant nous reconnaissons les compétences, dont pourtant nous apprécions la qualité des prestations. Il n'en reste pas moins, au regard des problèmes qu'affronte notre système de protection sociale, que le rôle et les responsabilités des acteurs du monde médical doivent aussi être rediscutés.

Il est temps maintenant d'arrêter de fermer les yeux sur les questions que pose le système de formation des médecins, de mettre en place un dispositif de contrôle plus performant et de réfléchir enfin à d'autres modes de rémunération que le paiement à l'acte. La mise en place d'une rémunération forfaitaire, par exemple, dans le cas des maladies de longue durée, est une solution qui mériterait que l'on s'y attarde.

La question des dépassements d'honoraires prend d'ailleurs de telles proportions selon les secteurs d'activité que la Fédération hospitalière de France, la FHF, a récemment demandé la mise en place d'un numéro vert pour signaler tous les dépassements d'honoraires abusifs. En effet, trois syndicats de médecins libéraux avaient recommandé à leurs adhérents de pratiquer des dépassements d'honoraires illégaux pour protester contre une revalorisation de leurs rémunérations qu'ils estimaient insuffisante.

Ce type de positionnement pose le problème du contrôle médical et soulève surtout de graves questions éthiques, en particulier lorsque le président du syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, le SYNGOF, déclare à cette occasion que, si les usagers sont mécontents, ils n'ont qu'à aller à « l'hôpital se faire soigner par des médecins à diplôme étrangers ». Ces propos sont choquants, surtout lorsque l'on connaît le travail et l'implication de ces médecins au sein de nos hôpitaux.

D'ailleurs, le Gouvernement s'est penché sur le dossier des médecins étrangers lors de la rédaction de l'article 41 de ce projet de loi. Cependant, monsieur le ministre délégué, vos propositions ne répondent que de façon très partielle aux injustices que subissent les médecins étrangers travaillant à l'hôpital.

Ces derniers ont souvent achevé leurs études en France. Ils assurent dans bien des cas la permanence du service, en accumulant les gardes dont personne ne veut, à un salaire dont personne ne veut non plus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion