Intervention de Philippe Marini

Réunion du 7 juillet 2011 à 10h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

Premier enseignement : une prévision de croissance prudente réserve d’agréables surprises en exécution. L’année 2010 en porte le témoignage : le Gouvernement, rompant en cela avec une longue série, avait en effet retenu une prévision minimaliste de croissance du PIB de 0, 75 %. La réalité a finalement été bien meilleure, le taux constaté en exécution s’établissant à 1, 5 %. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que la loi de règlement soit bonne : elle ne fait que traduire la prudence de la prévision initiale !

Au final, le déficit des administrations publiques s’établit à 7, 1 % du PIB, contre une prévision de 7, 6 %. Il convient toutefois de relativiser cette « bonne performance » puisque, en 2010, seuls cinq États de la zone euro ont présenté un déficit plus élevé que celui de la France : la Grèce, l’Irlande, l’Espagne, la Belgique et la Slovaquie.

Nous pouvons toutefois nous réjouir d’avoir fait mieux que prévu. Nous devons aussi tenir compte des dépenses exceptionnelles, qu’il s’agisse de la réforme de la taxe professionnelle et, surtout, du plan de relance, qui ont perturbé les séries. Mais j’ai le sentiment que nous avons pris nos responsabilités dans la crise.

Deuxième enseignement : même si l’État a plutôt bien tenu ses dépenses en 2010 – la commission a pu constater qu’il n’était pas à l’origine de la dynamique des dépenses des administrations publiques –, il ne faut surtout pas relâcher l’effort.

Bien que les normes aient été respectées, n’oublions pas que, en 2010, avec un déficit de 149 milliards d’euros, le taux de couverture des dépenses du budget général par les recettes – c’est une vielle notion, mais il convient de s’y rapporter, avec les règles du bon sens – atteint un « point bas » historique, à 53 %, contre plus de 85 % en 2007. La crise est incontestablement passée par là. Ainsi, l’an dernier, à cette même période, nous commencions à vivre à crédit, et la situation a duré jusqu’au 31 décembre. Quant à l’encours de la dette nominale de l’État, il s’élevait à la fin de l’année 2010 à 1 212 milliards d’euros, en progression de 40 % par rapport à 2005.

Troisième enseignement : la contrainte budgétaire incite le Gouvernement à prendre des libertés avec les règles de gouvernance. Comme vous l’avez dit très justement, monsieur le secrétaire d’État, la norme de dépense retenue pour 2010 était le « zéro volume ». Elle a certes été respectée – je vous en donne acte –, mais au prix de quelques aménagements méthodologiques qui, s’ils se défendent, ne sont pas mineurs.

Tout d’abord, 70 milliards d’euros de dépenses « exceptionnelles », correspondant à la compensation relais, aux investissements d’avenir et au plan de relance, ont été retranchées de la norme.

Ensuite, le budget général a bénéficié d’économies de constatation sur la charge de la dette et sur les prélèvements sur recettes, lesquelles s’élèvent respectivement à 2 milliards d’euros et à 800 millions d’euros.

Enfin, dans le jeu éminemment complexe des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, dont je renonce à comprendre en détail les mécanismes, je crois pouvoir dire que des dépenses ont été débudgétisées pour ne pas affecter la norme. Elles ne représentent certes que 1, 4 milliard d’euros, mais je tenais à le souligner.

Je m’attarderai davantage sur les investissements d’avenir. Sans contester le rôle qu’ils peuvent jouer, à terme, en matière de compétitivité, ils ont néanmoins contribué à dégrader le déficit budgétaire de 35 milliards d’euros en 2010, même si l’arithmétique « maastrichtienne » ne retient que 700 millions d’euros pour les raisons que nous connaissons. La compétitivité de notre pays doit beaucoup au commerce extérieur – je ne vous apprends rien, monsieur le secrétaire d’État ! – et, à cet égard, le déséquilibre de notre balance commerciale s’apparente vraiment à une plaie béante.

Je m’interroge d’ailleurs, pour l’avenir, sur la conformité de ces pratiques au « plafond de dépenses » que prévoit la règle d’équilibre figurant dans le projet de loi constitutionnelle. Voilà un cas d’école qu’il serait intéressant d’analyser ! Admettons que la révision constitutionnelle soit votée et que le Conseil constitutionnel doive apprécier l’exécution budgétaire de 2010… Qu’adviendrait-il ? Je recommande aux facultés de se pencher sur ce sujet !

Quatrième enseignement : le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux n’a pas encore vraiment de traduction budgétaire concrète puisque, malgré la baisse des effectifs, la masse salariale continue de progresser en 2010. Comme nous le constaterons aujourd’hui même à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques, la masse salariale ne commencera à régresser légèrement qu’en 2012. En 2010, 26 527 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ont été supprimés, engendrant 808 millions d’euros d’économies. Mais la masse salariale a augmenté de 2 %, notamment sous l’effet de mesures catégorielles qui ont coûté 544 millions d’euros. Cela laisse à penser que le Gouvernement a raison de bloquer le point d’indice. Il n’y a en effet pas que le point d’indice : lorsque l’on considère le pouvoir d’achat et la revalorisation de la condition des fonctionnaires de l’État, il faut aussi tenir compte de l’ensemble des mesures catégorielles. Or leur impact sur les comptes publics est manifeste. Au final, les salaires auront donc globalement augmenté en 2010 de 0, 7 %, et la charge budgétaire des pensions aura progressé de 5, 2 %.

Cinquième et dernier enseignement : il est indispensable – c’est d’ailleurs une préoccupation constante de la commission des finances – d’améliorer l’information du Parlement sur le hors bilan de l’État.

Les principaux engagements hors bilan de l’État sont constitués par les engagements de retraites – 1 200 milliards d’euros –, la dette garantie par l’État – 138 milliards d’euros –, les garanties de protection des épargnants – 314 milliards d’euros – et les engagements fiscaux de l’État – 315 milliards d’euros.

Ces données ne sont pas toujours simples à évaluer, le plus important étant la permanence des méthodes utilisées afin que les séries de chiffres aient un sens. Mais, surtout, l’information du Parlement doit être améliorée. Or il n’existe pas de recensement exhaustif ni de consolidation des engagements hors bilan sur la base d’une méthodologie commune. Il n’est pas davantage possible de comparer les données d’une année sur l’autre. Lors de son audition, le 23 juin dernier, François Baroin a assuré la commission du concours de ses services pour améliorer cette situation.

Vous avez aussi fait état des réserves de la Cour des comptes, monsieur le secrétaire d’État. Je reconnais qu’elles ont tendance à se diluer au fil du temps. Mais il faut reconnaître que l’exercice est assez singulier, et que l’on ne peut pas comparer les auditeurs de la Cour des comptes et ceux qui se penchent sur les bilans des grandes sociétés internationales. C’est une juridiction qui fait avec ses méthodes, ses moyens et sa bonne volonté.

On peut aussi s’interroger sur la véritable signification de la certification des comptes de l’État. N’est-il pas plus important que les méthodes progressent et que le système d’information s’améliore ? Mais, après tant d’années de certification et tant de réserves formulées, avouez, monsieur le secrétaire d’État, que l’on peut légitimement s’interroger.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion