Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 7 juillet 2011 à 10h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis 2007, les années budgétaires se suivent et se ressemblent toutes, comme l’illustre parfaitement l’examen approfondi du projet de loi de règlement des comptes pour 2010.

Ce rendez-vous annuel permet à notre assemblée de se prononcer sur la demande de validation des comptes de l’État. Cet exercice comptable n’a pas réellement d’influence sur les finances publiques à venir, en ce sens qu’il enregistre les données budgétaires et comptables transmises par les administrations chargées de l’application des dispositifs prévus en loi de finances et en loi de finances rectificative.

Néanmoins, il retrace en chiffres et en tendances l’état de nos finances publiques ainsi que la situation économique de la France et permet au Gouvernement de faire preuve non pas d’humilité mais bien d’autosatisfaction. C’est notamment le cas, par exemple, pour la réduction de 0, 4 point du déficit entre 2009 et 2010 et pour la reprise de la croissance pour l’année 2010, avec une augmentation de 1, 5 % du PIB, après une baisse de 2, 7 % l’année précédente.

Ces chiffres, en apparence favorables, peinent en réalité à masquer les échecs et les failles d’une politique budgétaire menée par le Gouvernement depuis 2007 et les effets d’une crise qui se prolonge, en dépit des annonces d’embellies à venir.

Par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2010, les dépenses ont augmenté de 37, 54 milliards d’euros. Cette hausse est essentiellement due au plan de relance, au programme « Investissements d’avenir » et au soutien à la Grèce.

Souvenons-nous, la Grèce, organisatrice, en 2004, des jeux Olympiques, offrait au monde l’image d’un pays jeune, dynamique, ambitieux, réconcilié avec son passé, et accueillait, dans un décor des plus fastes et une ambiance des plus festives, les délégations nationales sportives du monde entier. Aujourd’hui, ce pays est au bord du désastre politico-économique, en état de faillite publique, pressuré par ses créanciers, ruiné par une crise financière sans précédent, à la merci d’un destin qu’il ne maîtrise pratiquement plus.

Le texte sur lequel nous allons nous prononcer tout à l’heure est là pour nous rappeler que la France, comme les autres pays membres de la zone euro, participe au règlement de la facture grecque. Qu’on le veuille ou non, notre participation aux aides financières internationales pèse lourdement sur nos déficits.

Certes, la question des déficits n’est pas nouvelle, puisqu’elle empoisonne la vie politique française depuis le début des années quatre-vingt. Tous les gouvernements ont eu leur part de responsabilité car, à aucun moment, le Parlement n’a jamais réussi à voter un budget en équilibre. L’année 2010 échappe d’autant moins à la règle que la présentation récente du rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’exercice 2010, ainsi que la certification des comptes de l’État de 2010 par le Premier président de la Cour des comptes, confirment que notre pays est dans une situation budgétaire inquiétante.

D’un montant de 148, 8 milliards d’euros pour 2010, soit 7, 1 % du PIB, ce déficit historique est le deuxième plus important qu’ait connu la France depuis 1945. Le record fut en effet détenu en 2009, avec 7, 5 % du PIB. La Cour des comptes, dans son dernier rapport, souligne fort justement que la diminution du déficit entre 2009 et 2010 est faible par rapport à celle que l’on constate dans les autres pays européens. Il est bien loin le temps où l’on se référait aux critères dits « de Maastricht » !

De plus, l’exercice 2010 se caractérise par une terrible dégradation de la dette de l’État : 81 milliards d’euros supplémentaires en douze mois. Et encore, si des opérations de trésorerie exceptionnelles, et qui ne pourront donc être reconduites chaque année, n’avaient pas été effectuées, la dette de l’État se serait accrue de 110 milliards ou de 120 milliards d’euros.

Notre dette atteint désormais 1 600 milliards d’euros, soit 82, 3 % du PIB. Certes, l’Allemagne affiche un taux légèrement supérieur – 83, 2 % –, mais son déficit étant beaucoup moins important que le nôtre – 3, 3 % –, son endettement va donc se réduire plus rapidement. En outre, le taux de croissance de l’Allemagne est supérieur à celui de la France : 3, 5 % contre 1, 5 %.

Enfin, pour être complète, je me permettrai d’ajouter à cette dette publique de l’État l’immense fardeau de la dette sociale.

S’il est bon que les parlementaires, qu’ils soient de gauche ou de droite, soient attentifs à la gravité de la dette de notre pays, qu’elle soit publique ou sociale, il eût été plus sain et plus heureux pour l’avenir que le Gouvernement en prît toute sa part de lui-même et donnât à cette question toute l’importance qu’elle mérite.

Cette situation est d’autant plus périlleuse que la spéculation financière a repris comme par le passé. Les dirigeants des banques, ceux-là même que le Gouvernement a aidés avec l’argent des contribuables, engrangent de nouveau des profits colossaux qui, loin d’être réinvestis dans l’économie réelle, favorisent la formation d’une nouvelle « bulle financière » qui commence à enfler, alors même que l’économie française se remet très lentement du choc de 2008.

Face à cela, que constatons-nous pour 2010 ? Une dégradation de nos comptes due à plusieurs raisons majeures : d’une part, des choix fiscaux marqués par la persistance du bouclier fiscal et le maintien de niches fiscales dont l’intérêt économique reste fort discutable ; d’autre part, une maîtrise très imparfaite des dépenses, puisque, l’an dernier, l’essentiel de la baisse des dépenses a été dû à des facteurs avant tout conjoncturels, comme le souligne la Cour des comptes, qui n’a cessé d’exprimer des doutes sur la réalité d’une stricte application de la norme d’évolution des dépenses dite « zéro volume ».

Enfin, j’aimerais conclure mon intervention par quelques observations que m’inspire le projet de loi de règlement sur la situation financière des collectivités en 2010, notamment celle des départements.

Selon le projet de loi de règlement, la situation des comptes des administrations publiques locales s’est sensiblement améliorée. Comme le constate la Cour des comptes, les départements maîtrisent leurs charges, alors que les dépenses liées à l’action sociale sont encore en forte hausse, puisqu’elles représentent 65 % des dépenses de fonctionnement et ont augmenté de 4, 7 % en 2010. Depuis 2008, les dépenses sociales ont crû de 17 %, alors que les compensations de l’État n’ont été que de 7 %.

La compensation par l’État du coût des prestations nationales de solidarité n’est rendue possible en 2010 que par l’augmentation des droits de mutation à titre onéreux. La Cour des comptes note que cette situation est « étroitement corrélée à une ressource conjoncturelle et volatile », formule quelque peu technique pour souligner le danger de la politique des gels de dotations par l’État.

In fine, c’est donc bien sur les départements que pèsent les obligations les plus lourdes et les moins maîtrisables dans le contexte budgétaire de 2010, à tel point d’ailleurs que non seulement les objectifs de péréquation entre les collectivités risquent de demeurer lettre morte, mais aussi que la plupart des départements hésiteront longuement avant d’engager des autorisations d’investissement pourtant nécessaires à la collectivité.

Compte tenu de toutes ces observations et des incertitudes qui pèsent sur l’avenir, la majorité du groupe RDSE, une fois de plus, ne votera pas ce texte.

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