Si nous nous laissions aller à de vaines promesses, au clientélisme, c’est alors que nous mettrions en péril notre modèle, notre crédibilité et nos marges de manœuvre.
Je voudrais maintenant en venir à la question essentielle qui nous est posée à tous : comment ramener le déficit public de 5, 7 % du produit intérieur brut en 2011 à 4, 6 % en 2012 ? En d’autres termes, comment réduire de 20 milliards d’euros en 2012 le déficit public ? Pour résumer simplement les choses, comment garantir à notre environnement international, à nos partenaires, aux investisseurs, que nous avons bien à la fois la volonté et la capacité de trouver ces 20 milliards d’euros au cours de l’année 2012 ?
Dans cette perspective, la première étape est assurément de respecter la loi de programmation des finances publiques. Sur ce point, nous pouvons porter, madame le ministre, une appréciation favorable, car les effets en 2012 des mesures des lois financières pour 2011 permettront de réaliser les trois quarts du chemin.
En tenant compte des dispositions figurant dans les deux collectifs, budgétaire et social, que nous avons votés en ce début d’été et qui l’un et l’autre dégradent un peu le solde, nous pouvons considérer que, pour atteindre la cible de 3 milliards d’euros en 2012, il reste à prendre des mesures nouvelles pour un montant de 870 millions d’euros au titre de cette même année. On peut penser que, à cette hauteur, l’exercice n’est pas insurmontable. Toutefois, cela suppose naturellement que toutes choses soient égales par ailleurs et que des facteurs de l’environnement économique ou le jeu des acteurs ne viennent pas perturber les paramètres de l’équation.
Or, madame le ministre, la conviction de notre commission est qu’il va falloir aller au-delà de ces 870 millions d’euros.
En effet, alors que le Gouvernement a retenu une hypothèse de croissance de 2, 25 %, la commission des finances du Sénat estime qu’il serait plus prudent de se caler sur un taux de croissance potentiel de 2 %. D’ailleurs, votre prédécesseur avait accepté de faire figurer dans l’annexe de la loi de programmation des finances publiques une simulation sur la base d’un taux de croissance effectif de 2 %, et non de 2, 25 % : il faut alors accroître l’effort structurel de 6 milliards d’euros.
En outre – c’est une dimension importante sur laquelle nous insistons nous aussi, madame le ministre –, la maîtrise de l’évolution des dépenses publiques est évidemment une question centrale. À cet égard, nous avons bien en mémoire l’objectif d’une croissance de 0, 6 % des dépenses publiques fixé par la loi de programmation des finances publiques, sachant qu’elle a été en moyenne de 2, 3 % sur les dix dernières années. L’objectif annoncé ne nous semble pas impossible à atteindre, mais si les dépenses devaient déraper et excéder cette norme, cela imposerait, pour éviter toute conséquence sur le solde, de réaliser un effort structurel supplémentaire de 5 milliards d’euros.
En avançant de tels chiffres, nous ne voulons pas apparaître maximalistes ; nous considérons que, dans un débat d’orientation des finances publiques, il faut d’abord bien préciser les ordres de grandeur. Selon nous, trois éléments doivent être pris en compte : il faut compléter les mesures nouvelles à prendre pour l’année 2012 dans le cadre de la programmation, adopter une hypothèse de croissance prudente, enfin veiller au respect des objectifs en matière de maîtrise des dépenses et corriger un éventuel dépassement par des mesures de recettes propres à garantir le maintien de la trajectoire de solde sur laquelle nous nous sommes engagés, avec un déficit budgétaire se limitant à 3 % du produit intérieur brut à la fin de l’année 2013.
Madame le ministre, une question de principe se pose donc : comment pouvons-nous ensemble respecter l’esprit de la règle d’équilibre proposée dans le projet de loi constitutionnelle actuellement en navette ?
Les considérations relatives à la croissance que je viens d’exprimer sont, j’y insiste, particulièrement importantes. Je rappelle d’ailleurs que le Fonds monétaire international suggérait, dans ses recommandations à la France en date du 14 juin dernier, que les hypothèses économiques soient établies par un organisme indépendant, de façon à améliorer leur crédibilité.
Je conclurai mon propos par quelques observations sur le volet « dépenses » du budget de l’État.
Tout d’abord, nous vous en donnons bien volontiers acte, madame le ministre, la norme des dépenses semble tenue. Le projet de loi de finances pour 2012 présentera des données respectant à la fois la stabilisation en volume des dépenses élargies et la stabilisation en valeur des dépenses hors charge de la dette et des pensions.
Toutefois, par rapport aux enveloppes fixées pour le seul budget général, nous constatons onze dépassements, pour un total de plus de 1 milliard d’euros, partiellement gagés par des économies anticipées sur les primes d’épargne logement, dépense dont on sait qu’elle peut facilement déraper.
Par ailleurs, nous observons que la masse salariale se réduira pour la première fois en 2012. Comme vous l’avez souligné, madame le ministre, nous commençons à toucher quelques petits dividendes de la politique menée avec continuité en matière de gestion des effectifs publics depuis 2002.
En outre, et c’est là notre principal souci, nous considérons que les économies sur les dépenses d’intervention et de fonctionnement ne sont pas vraiment au rendez-vous. Il apparaît que les objectifs n’ont pas été tenus en 2011, même en reprenant les modalités de calcul très favorables adoptées par le Gouvernement.
L’un de nos vœux, madame le ministre, est que l’on puisse enfin s’attaquer aux lignes de fuite de la dépense publique, non seulement dans le budget de l’État, mais également dans celui de ses opérateurs et des différents organismes rattachés, puisque nous n’avons pas su résister au phénomène de l’« agenciarisation » de l’État. Il s’agit aussi, en cette matière, des effets pervers des taxes affectées, dont le produit a augmenté de 7 % entre 2009 et 2011, alors que leur prolifération se poursuit d’année en année, à l’encontre de toute bonne méthode budgétaire. Au demeurant, les objectifs inscrits à cet égard dans la loi organique de 2001 relative aux lois de finances sont absolument identiques à ceux qui avaient été fixés dans l’ordonnance organique de 1959 ; force est de constater que nous nous en écartons de plus en plus.
La discussion du dernier projet de loi de finances rectificative nous a permis d’évoquer un exemple, parmi d’autres, des effets pervers engendrés par le dynamisme des taxes affectées : celui du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, contre lequel, je tiens à le souligner, la commission des finances n’a aucune espèce d’a priori défavorable. Nous espérons que le projet de loi de finances pour 2012 comportera bien une réforme du financement du CNC et, au-delà de ce simple exemple, nous préconisons, plus largement, que l’on fixe des plafonds aux recettes fiscales des opérateurs, l’excédent devant être reversé au budget général.
Mes chers collègues, c’est une évidence, 2012 sera l’année de tous les périls ; ce sera en même temps celle des grands débats et des grands choix.