Intervention de Muguette Dini

Réunion du 7 juillet 2011 à 15h00
Orientation des finances publiques pour 2012 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Muguette DiniMuguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques peut parfois donner l’impression d’un exercice rituel sans grande portée, mais il s’inscrit de nouveau cette année dans un contexte particulier.

Pour les finances sociales, il intervient en effet à un moment charnière.

Cela est vrai tout d’abord d’un point de vue économique : après la récession sans précédent de 2008 et de 2009, la reprise apparaît aujourd’hui stabilisée, bien qu’encore modeste, avec une prévision de croissance du PIB de 2 % pour 2011 et de 2, 25 % pour 2012, ce qui permet enfin d’envisager un niveau de recettes plus proche de ce que nous avons connu les années précédentes.

Sur le front des réformes, ensuite, après le traitement de la dette sociale et la réforme des retraites à la fin de 2010, d’autres mesures de nature structurelle doivent encore impérativement être prises : je pense en particulier, naturellement, à la réforme de la dépendance, annoncée pour la rentrée prochaine.

Sur un plan institutionnel, enfin, la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, le programme de stabilité pour la même période présenté au conseil Écofin, débattu et voté à l’Assemblée nationale et au Sénat à la fin du mois d’avril, le projet de révision constitutionnelle en cours de discussion sont autant de nouveaux éléments qui délimitent le cadre dans lequel se préparent les textes financiers de l’automne prochain.

L’objectif général est, bien entendu, la réduction des déficits et le rétablissement de l’équilibre des comptes sociaux.

Vous le savez, mes chers collègues, du fait de la récession sans précédent de 2008-2009, le déficit du régime général, qui était de 10, 2 milliards d’euros en 2008, avait doublé en 2009, pour s’établir à 20, 3 milliards d’euros, et s’est encore accru en 2010, pour atteindre 23, 9 milliards d’euros.

Fort heureusement, pour la première fois, en 2011, on observe un reflux, avec un déficit prévisionnel de 19, 5 milliards d’euros – seulement, oserai-je dire ! Cependant, les prévisions du Gouvernement pour les quatre années suivantes ne permettent pas d’espérer un redressement plus significatif. C’est donc un déficit des comptes sociaux d’environ 20 milliards d’euros qu’il faudra continuer à enregistrer chaque année, ce qui n’est clairement pas soutenable à moyen terme.

Je ferai maintenant quelques remarques sur la situation actuelle des comptes sociaux.

Tout d’abord, pour la première fois depuis la survenue de la crise, l’écart entre la progression des recettes et celle des dépenses sera positif en 2011 : les premières pourraient augmenter de 5, 3 %, grâce à une bonne tenue de la masse salariale, qui devrait s’accroître de plus de 3, 2 %, et les dépenses verraient leur croissance contenue à 3, 4 %. Il faut absolument qu’il en soit encore ainsi les prochaines années si l’on veut que l’amorce de redressement observée aujourd’hui se poursuive.

Ensuite, en 2010, pour la première fois depuis 1997, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, a été respecté. Il devrait l’être de nouveau cette année.

En outre, cette performance a été obtenue avec un objectif de progression particulièrement bas : 2, 7 % en 2010, soit un rythme de croissance inférieur à la moyenne des années précédentes, qui se situait autour de 3, 5 %. Le comité d’alerte, réuni le 30 mai dernier, a certes mis en garde le Gouvernement contre un risque de dépassement, aussi bien pour les dépenses de soins de ville que pour celles de l’hôpital, mais il a aussi fait valoir que les dotations mises en réserve en début d’année, soit 530 millions d’euros, permettront, le cas échéant, d’y faire face.

C’est un très grand progrès. Je me félicite de ce que nous puissions, deux années de suite, tenir parfaitement nos objectifs et que le Gouvernement applique cette nouvelle discipline avec rigueur. Les dépassements constatés les années précédentes commençaient à représenter des sommes considérables : plus de 20 milliards d’euros cumulés depuis 1997 !

Je voudrais encore insister sur un point, que la commission des affaires sociales a l’intention d’aborder dans les mois à venir : la dette des hôpitaux. Celle-ci continue de s’accroître ; à la fin de 2010, elle atteignait 27, 3 milliards d’euros, ce qui, là encore, est excessif. La question de sa soutenabilité va bientôt se poser.

L’année dernière, nous avions mis en exergue trois sujets : la dette sociale, les retraites et l’assurance maladie. Des réformes ont été menées sur les deux premiers à la fin de 2010 ; je voudrais y revenir un instant.

En ce qui concerne tout d’abord le traitement de la dette sociale, en novembre a été définitivement adoptée la loi organique qui a autorisé un allongement de la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. Celle-ci devait reprendre, en 2011, 65 milliards d’euros de dette accumulée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, dont 55 milliards d’euros au premier semestre, ce qui a été fait.

Nous étions partisans, vous vous en souvenez, d’un accroissement de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, pour financer la reprise de dette, car cet impôt présente l’avantage d’être lisible et de reposer sur une assiette large, couvrant l’ensemble des revenus. Le Gouvernement a choisi d’autres options ; je ne reviens pas sur nos débats d’il y a bientôt un an, mais je regrette que l’on ait complexifié le dossier. Il importe dorénavant surtout qu’une nouvelle dette sociale ne se reconstitue pas. J’y reviendrai.

En ce qui concerne ensuite la réforme des retraites, nous en avons longuement débattu dans cette enceinte. Un bon équilibre, nous semble-t-il, a été trouvé entre l’allongement de la durée d’activité, élément essentiel du rétablissement financier, et la mobilisation de recettes supplémentaires, indispensables pour faire face aux échéances des années à venir.

Néanmoins, le retour à l’équilibre de la branche à l’horizon de 2018 n’est pas garanti. La Cour des comptes évalue même les risques pesant sur les prévisions de déficit à l’horizon de 2020 à environ 10 milliards d’euros.

C’est pourquoi nous pensons que, au-delà d’un suivi vigilant de la mise en œuvre de la réforme et de ses implications financières, il ne faut pas abandonner l’étude d’une réforme plus structurelle du système de retraite, qui permettrait de le rendre plus lisible, plus simple, plus équitable et financièrement pérenne.

Quelles sont les perspectives pour les comptes sociaux en 2012 ?

La trajectoire fixée pour la réduction des déficits est clairement établie : elle figure dans la loi de programmation des finances publiques, dans le programme de stabilité européen, dans le document du Gouvernement préparatoire au débat d’orientation de ce jour.

C’est une trajectoire ambitieuse, qui conduit à ramener l’ensemble des déficits publics à 4, 6 % du PIB en 2012 et à 3 % en 2013, et, pour les comptes sociaux, à revenir à un besoin de financement inférieur à 1 % du PIB en 2013 et à 0, 5 % en 2014.

Pour y parvenir, le Gouvernement évoque deux pistes : la maîtrise des dépenses et la sécurisation des recettes.

La maîtrise des dépenses est naturellement une priorité. Elle doit se poursuivre, notamment en ce qui concerne les dépenses d’assurance maladie.

À ce sujet, la Cour des comptes se montre une nouvelle fois très sévère, par exemple lorsqu’elle relève « l’anomalie que constitue depuis plusieurs années le financement par l’emprunt de l’équivalent de quatre semaines de soins courants ».

Nous partageons bien entendu ce constat, de même que les priorités qui en découlent : premièrement, assurer, année après année, le strict respect de l’ONDAM ; deuxièmement, restaurer l’équilibre des comptes d’ici à 2014 ; troisièmement, ouvrir sans tarder une réflexion sur des sujets clés en termes d’efficience du système de soins, comme l’amélioration de la prise en charge globale des patients alors que l’offre de soins est de plus en plus spécialisée.

Comme les années précédentes, la Cour des comptes propose un certain nombre de pistes, par exemple s’agissant du médicament. Elle insiste sur la nécessité que les négociations conventionnelles puissent déboucher sur un résultat compatible avec le respect de l’ONDAM pour 2012, soit 2, 8 %, et sur celle de faire preuve d’une très grande vigilance à l’égard de la politique d’investissement hospitalier. Nous faisons nôtres nombre de ces préconisations.

Or, madame la ministre, au regard de ces propositions, le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques établi par le Gouvernement demeure extrêmement vague et imprécis, puisqu’il se borne à mentionner, pour l’essentiel, les dix priorités de gestion du risque assignées aux agences régionales de santé en juillet 2010, à savoir notamment les transports sanitaires, la chirurgie ambulatoire, l’imagerie médicale…

Notre commission l’a dit à de multiples reprises, il est temps de passer à un niveau d’encadrement plus rigoureux. Il est impératif de fixer des objectifs chiffrés et précis pour chacune des mesures énoncées si l’on veut qu’elles aboutissent. Les écarts entre professionnels et établissements sont importants. Il est possible de les corriger de manière à améliorer l’efficience du système, ainsi que sa qualité. Bien souvent, d’ailleurs, on constate que les établissements les plus performants en termes de gestion sont aussi ceux où la qualité des soins est la meilleure. Il est donc essentiel de créer cette dynamique en mettant un terme à la trop grande inertie observée au cours des dernières années.

La seconde piste est la sécurisation des recettes.

Il faut bien entendu continuer à traquer les niches sociales et les diverses exemptions qui réduisent l’assiette sociale. Cela étant, comme notre commission l’a déjà affirmé à de nombreuses reprises et comme le dit avec force la Cour des comptes, ce ne sera pas suffisant et il faudra rapidement mobiliser de nouvelles recettes. Sinon, il nous sera impossible de résorber le socle de 20 milliards d’euros de déficit dont nous pâtissons aujourd’hui.

Tels sont, madame la ministre, mes chers collègues, les éléments que la commission des affaires sociales et son rapporteur général, M. Alain Vasselle, souhaitaient soumettre à votre réflexion dans le cadre de ce débat.

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