… l’appel à une discipline budgétaire plus rigoureuse semble sonner le glas de nos illusions, et la crise politico-économique particulièrement inquiétante que traverse la Grèce depuis plusieurs mois montre que l’Europe tout entière est gagnée par l’orthodoxie budgétaire.
C’est d’ailleurs un vieux débat que les tensions persistantes au sein de la zone euro ont ravivé : une union monétaire peut-elle durablement survivre sans une forme de fédéralisme budgétaire ?
Jusque récemment, cette question ne préoccupait guère qu’une poignée de chercheurs. Elle est désormais posée avec insistance par les investisseurs et les économistes du monde entier. L’heure n’est donc plus aux demi-mesures ; elle est à la mobilisation générale contre les déficits, si nous voulons garder notre crédibilité aux yeux de nos partenaires et pouvoir espérer un retour durable de la croissance.
Le débat d’aujourd’hui est l’occasion privilégiée, madame la ministre, de tirer un premier bilan de la politique budgétaire et fiscale menée par le Gouvernement depuis un an.
La situation de nos finances publiques est, je le répète, exceptionnellement grave, et il n’est guère besoin d’accumuler les chiffres pour le montrer ; deux ou trois suffiront : notre déficit public dépasse 8 % du PIB, pour la deuxième fois depuis 1945, notre dette publique est supérieure à 80 % du PIB et son évolution est éminemment dangereuse, le déficit de l’État atteint près de 150 milliards d’euros et celui de la sécurité sociale sera de 20 milliards d’euros en 2011, voire de 23 milliards d’euros.
Alors que le Gouvernement s’évertue à présenter la dépense publique comme seule responsable du déficit budgétaire colossal de la France, la Cour des comptes dénonçait déjà, voilà un an, les deux causes essentielles de ce dernier : pour un tiers, il est dû à la crise financière ; pour les deux tiers restants, il résulte, pour l’essentiel, des cadeaux fiscaux qui ont « plombé » les recettes de l’État et l’ont, à l’évidence, appauvri.
En dix ans, les recettes de l’État auront reculé à concurrence de plus de quatre points de PIB, soit de plus de 80 milliards d’euros, sans que cela engendre aucun résultat sur le plan de l’emploi, cette masse d’argent étant en grande partie détournée vers des placements financiers.
Pis encore, les deux tiers de la dette publique sont souscrits par des étrangers. Notre pays, comme tous ceux de la zone euro, est sous la pression permanente des marchés, dont la contrainte, loin de diminuer, s’est encore exacerbée cette année, au point d’ailleurs que les notes attribuées par les agences de notation à la France sont régulièrement instrumentalisées à des fins politiques, le plus souvent afin de justifier des coupes budgétaires permettant à l’État de se désengager toujours plus.
Ces marchés, que nous voulions de bonne foi, les uns et les autres, réguler sont aujourd’hui plus forts que les États et s’immiscent peu à peu dans les futures campagnes électorales, avec les risques politiques que l’on imagine, notamment celui de la tentation du vote populiste, nationaliste et contestataire.
Dans son dernier rapport, la Cour des comptes soulignait l’urgence de réduire puis de supprimer les déficits structurels, estimés à plus de 5 % du PIB, en diminuant la dépense. Pour autant, agir sur celle-ci ne nous exonérera pas de rechercher des recettes supplémentaires, sans porter atteinte aux contribuables les plus modestes et aux classes moyennes, toujours hantées par la peur du déclassement social. Plus encore, cette action sur la dépense ne saurait être dissociée de la mise en place d’une fiscalité plus progressive et plus juste, dans un souci d’équité et d’efficacité économique. Notre débat d’aujourd’hui est donc l’occasion de rappeler, avec force, que celui qui gagne le plus doit être celui qui paye le plus d’impôts.
Il ne me paraît plus pertinent de dépenser des milliards d’euros pour financer les dépenses fiscales, comme on le fait depuis de trop nombreuses années. Il est urgent de mettre fin à cette pratique. Ce constat est d’autant plus unanime que la dernière loi de finances avait pour fil conducteur la chasse aux niches fiscales. Mais les règles de bonne conduite que nous nous donnons alors que nous nous trouvons dans une situation difficile sont peu respectées, voire pas du tout. Nous adoptons des normes et nous les violons dans le texte suivant.
Qu’en sera-t-il, madame la ministre, de la réduction promise des niches, dont l’efficacité économique est contestée, tant par la Cour des comptes que par le Conseil des prélèvements obligatoires ?